Mots clés : Retour à meilleure fortune Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Hébergement Obligation alimentaire Tuteur Succession Remboursement Répétition de lindu Personnes handicapées Législation Date deffet Régularité
Dossier no 140305
Mme X…
Séance du 25 avril 2016
Vu le recours formé le 17 mars 2014 par Maître Emmanuel CHENEVAL représentant les intérêts de Mme X… tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de la Loire-Atlantique réunie le 18 novembre 2013 ayant rejeté le recours gracieux et confirmé la décision du président du conseil général du 21 juin 2013 qui a mis en recouvrement le remboursement de la créance daide sociale au titre de retour à meilleure fortune et la maintenue sous le statut de personne âgée au regard de laide sociale ; que Mme X… étant décédée le 22 avril 2015, M. Y…, M. Z… et Mme R… reprennent linstance engagée par leur mère ;
Le requérant soutient que Mme X…, entrée en maison de retraite en février 2009, a bénéficié de laide sociale à lhébergement à compter du 5 février 2009 jusquau 28 février 2014 sous réserve de la contribution globale des obligés alimentaires (décision du 4 décembre 2009) ; que ses frais dhébergement étaient pris en charge au-delà de 90 % de ses ressources ; que le 10 décembre 2011, lépoux de Mme X… est décédé, et Mme X… perçoit en héritage la somme de 25 912,15 euros ; que le tuteur de Mme X…, son fils M. Y…, en informe le département qui, par décision du 9 octobre 2012, fait savoir à Mme X… quen raison du retour à meilleure fortune quelle connaissait grâce à la succession de son mari, elle était tenue de reverser les sommes perçues au titre de laide sociale jusquau jour du décès de son époux à concurrence de la valeur des droits reçus dans la succession ; que le département lui a donc demandé la somme de 25 952,15 euros et que M. Y… a procédé au reversement des sommes demandées ; quen avril 2013, M. Y… a constaté quen raison du taux dinvalidité reconnu à sa mère, celle-ci était en droit de bénéficier des dispositions de larticle L. 344‑5-1 du code de laction sociale et des familles et que la décision de récupération du département était irrégulière ; que par courrier du 31 mai 2013, il a demandé au département de lui restituer les sommes versées ; que par décision du 21 juin 2013, le département lui a opposé un refus au motif quil aurait fallu quelle ait obtenu sa carte dinvalidité avant ses 65 ans pour pouvoir bénéficier des dispositions susvisées ; que, contestant le bien-fondé de ce refus, Mme X… a alors engagé un recours devant la commission départementale daide sociale afin dobtenir le reversement des sommes indument perçues par le département ; que par décision du 18 novembre 2013, notifiée le 23 janvier 2014, cette dernière a rejeté sa demande ; que la décision déférée ne pourra être quannulée tant il est vrai quelle est entachée derreurs de droit ; quil ne pourra quêtre constaté que Mme X… a droit au bénéfice de larticle L. 344‑5 du code de laction sociale et des familles qui prévoit que « Les frais dhébergement et dentretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au b du 5o et au 7o du I de larticle L. 312‑1, à lexception de celles accueillies dans les établissements relevant de larticle L. 344‑1, sont à la charge : 1o A titre principal, de lintéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous dun minimum fixé par décret et par référence à lallocation aux handicapés adultes, différent selon quil travaille ou non. Ce minimum est majoré, le cas échéant, du montant des rentes viagères mentionnées à larticle 199 septies du code général des impôts ainsi que des intérêts capitalisés produits par les fonds placés sur les contrats visés au 2o du I de larticle 199 septies du même code ; 2o Et, pour le surplus éventuel, de laide sociale sans quil soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à lobligation alimentaire à légard de lintéressé, et sans quil y ait lieu à lapplication des dispositions relatives au recours en récupération des prestations daide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé ni sur le légataire, ni sur le donataire. Les sommes versées, au titre de laide sociale dans ce cadre, ne font pas lobjet dun recouvrement à lencontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. » ; que, dans sa version applicable à la date où Mme X… a fait sa demande daide sociale, larticle L. 344‑5-1 disposait que « les dispositions de larticle L. 344‑5 du présent code sappliquent également à tout personne handicapée accueillie dans lun des établissements et services mentionnés au 6o du I de larticle L. 312‑1 du présent code et au 2o de larticle L. 6111‑2 du code de la santé publique et dont lincapacité est au moins égale à un pourcentage fixé par décret » ; que ce taux est fixé par larticle D. 344‑40 du code de laction sociale et des familles qui dispose que : « pour lapplication du second alinéa de larticle L. 344‑5-1, le taux dincapacité permanente, apprécié en application du guide barème pour lévaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à lannexe 2‑4, est dau moins 80 % » ; que Mme X… reconnue invalide à plus de 80 % était en droit de bénéficier des dispositions de larticle L. 344‑5 interdisant notamment tout recouvrement de laide sociale en cas de retour à meilleure fortune ; que cependant, le département a considéré que ces dispositions ne pouvaient pas être appliquées car la carte dinvalidité de Mme X… ne lui avait pas été octroyée avant ses 65 ans ; quil a fondé sa décision non sur les dispositions applicables à la date à laquelle Mme X… a formé sa demande mais sur celles applicables à la date où il a pris sa décision ; quen effet, ce nest que dans sa version modifiée par la loi no 2009‑879 du 21 juillet 2009 que larticle L. 344‑5-1 dispose que « Larticle L. 344‑5 du présent code sapplique également à toute personne handicapée accueillie dans un établissement ou service mentionné au 6o du I de larticle L. 312‑1 ou dans un établissement autorisé à dispenser des soins de longue durée, et dont lincapacité, reconnue à la demande de lintéressé avant lâge mentionné au premier alinéa de larticle
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré le 20 mai 2014, le mémoire en défense du président du conseil général de la Loire-Atlantique ; il soutient que, sur les circonstances qui ont motivé le recours en récupération de la créance daide sociale à lencontre de Mme X… au titre de bénéficiaire revenu à meilleure fortune, cette dernière a vu son patrimoine augmenter pendant le bénéfice de laide sociale par le versement du capital décès ; quen application de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, le président du conseil général a exercé son droit de recours à lencontre de Mme X… et a décidé la récupération de la créance de frais dhébergement de 32 698,16 euros à concurrence de la valeur des droits reçus dans la succession de M. Y…, son époux, soit 25 952,15 euros ; que par courrier du 31 mai 2013 adressé au conseil général, M. Y… a déclaré que sa mère pouvait prétendre aux dispositions de larticle L. 344‑5 du code de laction sociale et des familles, Mme X… ayant été reconnue handicapée à 80 % depuis 2008 et a demandé le remboursement de la somme réglée par sa mère au titre du recours en récupération ; que suite à une réponse négative du département, M. Y… a saisi le tribunal administratif de Nantes par courrier du 14 août 2013, qui sest déclaré incompétent pour juger de ce litige et a renvoyé laffaire devant la commission départementale daide sociale de la Loire-Atlantique ; que M. Z… soutient que sa mère étant entrée en maison de retraite et ayant demandé laide six mois avant la nouvelle version de larticle L. 344‑5-1 parue le 21 juillet 2009 apportant comme nouvelle condition la reconnaissance du taux dincapacité avant lâge de 65 ans, elle aurait dû bénéficier de laide sociale pour personne handicapée ; quil lui semble dailleurs que lors de la constitution du dossier daide sociale il nétait pas demandé si la personne était handicapée et détenait une carte dinvalidité et que lappel aux obligés alimentaires naurait pas dû être mis en œuvre ; que Mme X… et ses trois enfants, destinataires de larrêté dadmission à laide sociale sur la période du 5 février 2009 au 28 février 2014 au titre des personnes âgées pris le 4 décembre 2009, nont pas contesté cette décision alors quils disposaient de deux mois à compter de la date de réception de larrêté pour exercer un recours ; que Mme X… na pas non plus contesté larrêté du 9 octobre 2012, envoyé en recommandé, pris dans le cadre de la récupération de la créance départementale au titre du recours sur bénéficiaire revenu à meilleure fortune ; que le recours du 14 août 2013 de M. Z… qui intervient plus de dix mois après la date de réception de la décision de récupération de la créance départementale et plus de trois ans et demi après la décision dadmission à laide sociale au titre des personnes âgées nest pas recevable ; que la réponse du conseil général par courrier du 21 juin 2013 relatif au statut de sa mère ne doit pas être considéré comme une décision puisquelle se réfère à larrêté du 4 décembre 2009 ; que Mme X…, personne handicapée au sens de la loi du 11 février 2005, article 18, 2e alinéa du V et VI, relève toutefois du statut de personne âgée pour la prise en charge de ses frais dhébergement du 5 février 2009 au 31 décembre 2011 du fait que le décret no 2009‑206 fixant le taux dincapacité pour larticle L. 344‑5-1 na été pris que le 19 février 2009 et quà la date de la décision dadmission à laide sociale prise par le conseil général le 4 décembre 2009, il y a application de la loi no 2009‑879 du 21 juillet 2009 Hôpital, patients, santé et territoire qui précise que le taux dincapacité doit avoir été reconnu avant lâge de 65 ans (L. 113‑1 du code de laction sociale et des familles) ; que la décision du 4 décembre 2009 relative à la prise en charge des frais dhébergement de Mme X… au titre de laide sociale aux personnes âgées doit être maintenue ; quil est fait application de larticle de la loi Hôpital, patients, santé et territoire entrée en vigueur le 23 juillet 2009 modifiant le 2e alinéa de larticle L. 344‑5-1 en exigeant que lincapacité ait été reconnue avant lâge de 65 ans ; que par décision du 20 mai 2008 la commission des droits et de lautonomie a accordé une carte dinvalidité à Mme X… lui ayant reconnu une taux dincapacité de 80 % mais quelle était alors âgée de 71 ans ; que le conseil général nest pas fondé à rembourser la somme de 25 952,15 euros à Mme X…, les sommes perçues de février 2009 à décembre 2011 dans le cadre de lobligation alimentaire et les dommages et intérêts ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 25 avril 2016, Mme GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes du 1o de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par lEtat ou le département (…) Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire » ; quaux termes de larticle R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à larticle L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale (…).Le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie. » ;
Considérant quaux termes de larticle L. 344‑5 du même code : « Les frais dhébergement et dentretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au (…) 7o du I de larticle L. 312‑1 (…) sont à la charge : 1o à titre principal, de lintéressé lui-même (…) ; 2o et, pour le surplus éventuel, de laide sociale sans quil soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à lobligation alimentaire à légard de lintéressé, et sans quil y ait lieu à lapplication des dispositions relatives au recours en récupération des prestations daide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé ni sur le légataire ni sur le donataire (…) » ; quaux termes de larticle L. 344‑5-1 du code de laction sociale et des familles, inséré dans le code de laction sociale et des familles par larticle 18 de la loi du 11 février 2005 : « Les dispositions de larticle L. 344‑5 du présent code sappliquent également à toute personne handicapée accueillie dans lun des établissements et services mentionnés au 6o du I de larticle L. 312-l du présent code et au 2o de larticle L. 6111‑2 du code de la santé publique, et dont lincapacité est au moins égale à un pourcentage fixé par décret », et quaux termes du VI de ce même article 18 : « Les dispositions de larticle L. 344‑5-1 du code de laction sociale et des familles sappliquent aux personnes handicapées accueillies, à la date de publication de la présente loi, dans lun des établissements ou services mentionnés au 6o du I de larticle L. 312‑1 du même code ou au 2o de larticle L. 6111‑2 du code de la santé publique, dès lors quelles satisfont aux conditions posées par ledit article » ;
Considérant quil résulte de linstruction du dossier que Mme X…, 72 ans, est entrée le 5 février 2009 en EHPAD, son époux résidant dans le même établissement à titre payant ; quun dossier de demande daide sociale a été constitué le 1er mars 2009 avec les formulaires dobligation alimentaire des trois enfants de Mme X… destinés à lévaluation financière ; quen date du 21 mai 2008, Mme X…, a obtenu une carte dinvalidité à lâge de 71 ans sur la période du 17 mars 2008 au 28 février 2013 pour un taux dincapacité égal ou supérieur à 80 % ;
Considérant que lapplication des dispositions susvisées dans leur rédaction applicable à la date de la demande de prise en charge des frais dhébergement de Mme X… en EHPAD était conditionnée à un taux dincapacité permanente de 80 % reconnu à toute personne handicapée accueillie dans un établissement mentionné au 6o du I de larticle L. 312‑1 du code de laction sociale et des familles ou dans un établissement autorisé à dispenser des soins de longue durée ; que la condition selon laquelle lincapacité devait être reconnue à la demande de lintéressée avant lâge de 65 ans mentionné au premier alinéa de larticle L. 113‑1 du code de laction sociale et des familles a été ajoutée par la loi no 2009‑879 portant réforme de lhôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires publiée le 21 juillet 2009 ; quen conséquence, Mme X… était en droit de bénéficier des dispositions du 2e alinéa de larticle L. 344‑5-1 renvoyant à lapplication des dispositions de larticle L. 344‑5 ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que M. Z… est fondé à se plaindre que la commission départementale daide sociale ait rejeté la requête ; que les sommes versées au titre de lobligation alimentaire, qui nest pas due pour lhébergement des personnes handicapées, doivent être reversées par le département ;
Considérant que la mise en jeu de la responsabilité des autorités administratives du fait des décisions quelles prennent en la matière daide sociale, qui soulève un litige distinct dune demande tendant à la réformation de ces décisions, relève des juridictions administratives de droit commun et non du juge de laide sociale,
Art. 1er.
Art.2 .
Art. 3.
Art. 4.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 25 avril 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme GOMERIEL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 21 juin 2016.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET