Mots clés : Revenu minimum dinsertion (RMI) Indu Titre Recevabilité Prescription Forclusion Fraude Autorité de la chose jugée
Dossier no 150128
Mme X…
Séance du 20 mai 2016
Vu le recours en date du 20 novembre 2014, et les mémoires en date des 19 mars et 13 juillet 2015, présentés par Maître Chloé PIAUD-PEREZ, conseil de Mme X…, qui demande lannulation de la décision en date du 24 septembre 2014 par laquelle la commission départementale daide sociale de Seine-Maritime a rejeté, pour irrecevabilité, son recours tendant à lannulation du titre exécutoire émis le 9 septembre 2010 portant sur un indu de 18 955,58 euros, résultant dun trop-perçu dallocations de revenu minimum dinsertion décompté pour la période de février 2004 à janvier 2009 ;
Maître Chloé PIAUD-PEREZ, conseil de Mme X…, conteste la décision en faisant valoir :
Maître Chloé PIAUD-PEREZ demande :
Vu le mémoire en défense en date du 18 juin 2015 du président du conseil départemental de Seine-Maritime qui conclut au rejet de la requête ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celle dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informée de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 20 mai 2016, M. BENHALLA, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes de larticle L. 262‑41 du code de laction sociale et des familles : « Tout paiement indu dallocations ou de la prime forfaitaire instituée par larticle L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale daide sociale dans les conditions définies à larticle L. 262‑39 (…). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; quaux termes de larticle R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de lallocation de revenu minimum dinsertion est tenu de faire connaître à lorganisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à larticle R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans lun ou lautre de ces éléments (…) » ; quaux termes de larticle R. 262‑1 du même code : « Le montant du revenu minimum dinsertion fixé pour un allocataire en application de larticle L. 262‑2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de lintéressé ou soient à sa charge (…) » ;
Considérant quaux termes de larticle L. 134‑1 du même code : « A lexception des décisions concernant lattribution des prestations daide sociale à lenfance, les décisions du président du conseil général et du représentant de lEtat dans le département prévues à larticle L. 131‑2 sont susceptibles de recours devant les commissions départementales daide sociale mentionnées à larticle L. 134‑6 dans des conditions fixées par voie réglementaire » ;
Considérant quaux termes de larticle L. 262‑40 du même code : « Laction du bénéficiaire pour le paiement de lallocation (…) se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à laction intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées » ;
Considérant quil résulte de linstruction, que le remboursement de la somme de 18 955,58 euros, à raison dallocations de revenu minimum dinsertion indûment perçues pour la période de février 2004 à janvier 2009, a été mis à la charge de Mme X… ; quun titre exécutoire a été émis le 9 septembre 2010 ; que ce titre exécutoire a été suivi dune opposition à tiers détenteur le 13 décembre 2011 ; que le département de Seine-Maritime a déposé plainte auprès du procureur de la République ;
Considérant que le département de Seine-Maritime, dans ses conclusions, indique que lindu dallocations de revenu minimum dinsertion a été motivé par le défaut de déclaration des ressources du foyer de Mme X…, supérieures au plafond de la prestation applicable à sa situation ; que Mme X… sest abstenue volontairement de déclarer lensemble de ses ressources dont un état circonstancié a été versé au dossier ;
Considérant que le tribunal correctionnel de Rouen, par jugement en date du 9 octobre 2012, a débouté le département de Seine-Maritime de sa demande de dommages et intérêts dun montant égal à celui du montant de lindu dallocations de revenu minimum dinsertion ; que ce même jugement a considéré Mme X… « responsable du préjudice subi par la CAF, partie civile » ;
Considérant que Maître Chloé PIAUD-PEREZ, conseil de Mme X…, par courrier en date du 16 janvier 2013, a sollicité la mainlevée de lopposition à tiers détenteur émise le 13 décembre 2011 ; que le président du conseil général, par décision en date du 14 février 2013, a rejeté la demande ; que, saisie dun recours, la commission départementale daide sociale de Seine-Maritime, par décision en date du 24 septembre 2014, la rejeté pour forclusion des délais ; quen statuant ainsi, la commission départementale daide sociale sest méprise sur la décision soumise à sa censure qui est, non le titre exécutoire mais la décision du président du conseil général de Seine-Maritime précitée ; que, par suite, sa décision encourt lannulation ;
Considérant quil y a lieu dévoquer et de statuer ;
Considérant que lautorité de la chose jugée au pénal simpose aux autorités et juridictions administratives en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions ; quen revanche, lautorité de la chose jugée au pénal ne sétend pas à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal, à lexception des cas où la légalité dune décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale ; quainsi, la qualification retenue par le juge pénal, faisant application des dispositions de larticle L. 262‑46 du code de laction sociale et des familles, nest pas de nature à contraindre lappréciation quil appartient à lautorité administrative puis, le cas échéant, au juge de laide sociale, dans le cadre dun litige relatif au recouvrement de sommes indûment perçues par un allocataire, de porter de manière autonome sur lexistence dune fausse déclaration ou dune fraude faisant obstacle à lapplication de la prescription biennale prévue à larticle L. 262‑40 du même code ; que, par ailleurs, aux termes de larticle L. 134‑1 du code de laction sociale et des familles, le contentieux des décisions relatives a la prestation du revenu minimum dinsertion relèvent de la compétence exclusive des juridictions de laide sociale ; que les conclusions de Maître Chloé PIAUD-PEREZ, conseil de Mme X…, qui demande lannulation du titre exécutoire émis par le département de Seine-Maritime sur le fondement de la décision du juge pénal relative à une demande de condamnation à des dommages et intérêts au titre dun préjudice subi, sont sans conséquence sur la réalité juridique de lindu dallocations de revenu minimum dinsertion, puisquil procède dune cause juridique différente relevant de la compétence dune juridiction de lordre administratif et non de lordre judiciaire ; quainsi, les conclusions de Maître Chloé PIAUD-PEREZ, conseil de Mme X…, à cet effet ne peuvent quêtre rejetées ;
Considérant quil a été versé au dossier un courrier de Mme X… en date du 24 septembre 2009 adressé au président du conseil général de Seine-Maritime qui, bien que contestant la somme de 18 955,58 euros , en demande la remise gracieuse ; que le président du conseil général, par décision en date du 19 octobre 2009, a confirmé le montant de lindu et son caractère frauduleux en indiquant que celui-ci a été minoré et fondé sur la non déclaration de ressources (salaires de lA…, pension de réversion et pension alimentaire ) depuis février 2004 ; que, dès lors, il est établi que lintéressée avait, à cette date, connaissance de lindu dallocations de revenu minimum dinsertion qui lui a été assigné ; que Mme X… na pas contesté la décision du président du conseil général ; que le jugement pénal évoqué plus haut a jugé Mme X… responsable du préjudice subi par la caisse dallocations familiales et la condamnée à une amende pénale de 2 000 euros ; quainsi, la levée de la prescription biennale au motif de manœuvres frauduleuses est suffisamment motivée, et lindu détecté, fondé en droit ;
Considérant quil a été versé au dossier des titres de recette couvrant la période de février à juin 2011 indiquant que Mme X… avait connaissance du titre exécutoire émis le 9 septembre 2010, titre qui na jamais été contesté ; que lopposition à tiers détenteur, qui est la conséquence du titre exécutoire dont elle constitue une modalité dexécution, a été émis le 13 décembre 2011 ; que le titre exécutoire se réfère à la décision de répétition de lindu précédemment notifiée à Mme X…, dont il nest pas utilement soutenu quelle ne comporterait pas elle-même lénoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision attaquée ; que ce titre na pas été contesté ; que Mme X… en a accepté les termes en procédant à des règlements volontaires de février à juin 2011, en vue de solder sa dette ; quainsi, le recouvrement de la créance a débuté à cette date ; quil suit de là que le moyen tiré de la prescription établie par larticle L. 1617‑5 (2o) du code général des collectivités territoriales est infondé ;
Considérant quil résulte de lensemble de ce qui précède, que le recours de Mme X… ne peut quêtre rejeté ; quil lui appartiendra, si elle sy estime fondée, de solliciter auprès du payeur départemental un échelonnement du remboursement de sa dette,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X…, à Maître Chloé PIAUD-PEREZ, au président du conseil départemental de la Seine-Maritime. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 20 mai 2016 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. BENHALLA, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 22 juin 2016.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
La présidenteLe rapporteur
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET