Mots clés : Recours en récupération Récupération sur succession Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Aide ménagère Information Recours tardif Prescription Délai Législation Actif successoral
Dossier no 130488
Mme Y…
Séance du 24 novembre 2014
Vu, enregistrée au greffe de la commission centrale daide sociale, sous le numéro 130488, la requête présentée par M. X…, au nom de Mme D… héritière de Mme Y…, en date du 2 août 2013 tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de lAisne en date du 29 avril 2013 confirmant la décision du président du conseil général de lAisne en date du 6 décembre 2011 qui décide dans le cadre du recours sur succession, la récupération de la somme de 9 730,91 euros à lencontre de Mme D… suite à ladmission de Mme Y… au bénéfice de laide sociale au titre de laide ménagère à domicile durant la période du 1er septembre 1993 au 24 juin 1997 ;
Le requérant soutient que Mme Y… na jamais signé de documents précisant les conditions financières de récupération des frais pour les trente heures mensuelles daide ménagère dont elle a bénéficié ; que le tarif pratiqué pour rémunérer laide ménagère est de lordre de deux fois le SMIC ; que ce tarif na jamais été communiqué à Mme Y… qui a signé un engagement dont le montant lui était totalement inconnu ; que lors des six derniers mois de sa vie, Mme Y… a été hébergée par Mme D…, sa mère, sans quil y ait dintervention dune aide ménagère ; que la démarche du président du conseil général a été entreprise quatorze ans après le décès de Mme Y… alors que la succession a été traitée dans les délais par Maitre PAUCHET ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense en date du 4 octobre 2013 du président du conseil général de lAisne tendant au maintien de la décision ; il soutient que ladmission de Mme Y… au bénéfice de laide sociale a donné lieu à un engagement de dépenses concernant les frais daide ménagère attribuée du 1er septembre 1993 au 24 juin 1997 ; que le montant de la créance départementale sélève à 10 490,91 euros ; que sagissant de laide ménagère, le recours du département de lAisne sexerce dans la limite de lactif net successoral excédent 46 000 euros et du montant des prestations daide sociale supérieur à 760 euros ; quaprès enquête, le conseil général est informé du décès de Mme Y… le 18 février 2008 ; que sans renseignement dans le dossier sur la situation familiale de Mme Y…, le conseil général adresse, le 17 juin 2008, un courrier à la mairie Z… de lAisne afin dobtenir des renseignements sur la succession ; quaprès plusieurs courriers (16 juin 2008, 18 novembre 2008 et 11 février 2010), la mairie Z… informe le président du conseil général de lAisne le 23 février 2010 que Maitre PAUCHET, notaire à Z… dans lAisne, est chargé de la succession ; quun courrier est adressé à Maitre PAUCHET, le 4 mars 2010, linformant que le département de lAisne avait une créance à faire valoir ; que celui-ci répond, le 31 août 2011, que lactif net successoral de la succession de Mme Y… sélevait à 60 675,76 euros ; que Maitre PAUCHET a donc adressé un courrier à Mme D…, héritière dans cette succession, pour linformer de la créance du département ; quil convient de préciser quaucun texte ni aucun principe général nimpose à ladministration lorsquelle accorde une prestation sociale dinformer les successeurs éventuels du bénéficiaire de lexercice possible dun recours en récupération sur la succession de ce dernier ; quen ce qui concerne le délai de prescription, larticle 2224 du code civil prévoit que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire dun droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de lexercer » ; quainsi pour les dossiers qui nont pas fait lobjet dune ouverture dinstruction en vue de récupération au 19 juin 2008, le délai de récupération est reporté de 30 à 5 ans à compter de cette date ; que Mme Y… ayant fait appel à un service daide ménagère, le taux horaire comprend le coût de structure et de personnel ; quau vu de ces éléments et conformément à larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, il a décidé après avis de la commission daide sociale du 10 novembre 2011, dun recours sur la succession du bénéficiaire dans la double limite de lactif net supérieur à 46 000 euros pour une dépense daide sociale supérieure à 760 euros ; que la succession faisant état dun actif net successoral dun montant de 60 675,76 euros et la dépense daide sociale sélevant à 10 490,91 euros, les conditions de récupération sont donc établies ; que par décision du 6 décembre 2011, il a engagé un recours sur succession pour la somme de 9 730,91 euros (10 490 91 euros
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Vu lacquittement de la contribution pour laide juridique dun montant de 35 euros due par toute personne saisissant la commission centrale daide sociale du 1er octobre 2011 jusquau 31 décembre 2013 en application de larticle 1635 bis Q du code général des impôts ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 24 novembre 2014, Mme SOUCHARD, rapporteure, et M. X… et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles « Des recours sont exercés, selon le cas, par lEtat ou le département :1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. En ce qui concerne les prestations daide sociale à domicile, de soins de ville prévus par larticle L. 111‑2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, lexistence dun seuil de dépenses supportées par laide sociale, en deçà duquel il nest pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de laide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier sexerce sur la partie de lactif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ; quaux termes de larticle R. 132‑8 du même code « Les recours prévus à larticle L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale » ;
Considérant que Mme Y… a bénéficié de laide ménagère au titre de laide sociale pour la période du 1er septembre 1993 au 24 juin 1997 ; que Mme Y… est décédée le 27 juin 1997 ; quen date du 6 décembre 2011, le président du conseil général de lAisne décide de la récupération sur succession de la somme de 9 730,91 euros ; que M. X…, au nom de Mme D…, héritière de Mme Y…, exerce un recours contre cette décision ; que la commission départementale daide sociale de lAisne confirme la décision du président du conseil général de lAisne ; quà nouveau M. X…, au nom de Mme D…, fait appel de la décision ;
Considérant que le requérant avance le moyen quà aucun moment Mme Y… na été informée de la récupération du montant de laide ménagère dont elle a bénéficié au titre de laide sociale ; que si elle avait été informée, elle naurait pas souhaité en bénéficier ;
Considérant que sil est avéré que Mme Y… na pas été informée de la récupération sur succession de laide dont elle bénéficiait, elle a, elle-même, effectué la demande daide ménagère comme en atteste sa signature sur le formulaire de la demande ; quelle aurait pu se renseigner sur la possible récupération sur succession de laide demandée ; que cette spécificité et les conditions de la récupération sont inscrites dans la loi et que la commission rappelle que nul nest censé ignorer la loi ;
Considérant que M. X… avance que la succession a été réglée dans les délais par le notaire ;
Considérant que le décès de Mme Y… est survenu le 27 juin 1997 ; quau jour du décès, le délai de prescription était de 30 ans ; que la loi no 2008‑561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a ramené le délai de prescription de trente à cinq ans ; que larticle 1er de la loi no 2008‑561 modifie larticle 2222 du code civil et, notamment, son alinéa 2 qui dispose que « En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de lentrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » ; que le nouveau délai de prescription, ainsi réduit, courait alors de lentrée en vigueur de la loi, soit de juin 2008 à juin 2013 ;
Considérant quen lespèce, laction en récupération sur la succession de Mme Y… a été engagée en décembre 2011 soit avant la prescription de laction prévue par la loi no 2008‑561 ; que bien que laction en récupération est intervenue dans le délai légal, il est dommage quelle lait été quatorze ans après ;
Considérant que les limites de la récupération sur la succession sont doubles ; que lactif net de la succession doit être supérieur à 46 000 euros et pour une dépense daide sociale supérieure à 760 euros ; que lactif net successoral de la succession de Mme Y… sélevait à 60 675,76 euros ; que le montant de la créance départementale sélève à 10 490,91 euros ;
Considérant que le requérant avance le moyen que le coût total mensuel de laide ménagère na jamais été communiqué à Mme Y… ;
Considérant que Mme Y… a fait une demande daide sociale pour la prise en charge de laide ménagère ; quune telle demande est effectuée lorsque la bénéficiaire na pas les ressources suffisantes pour régler les frais ; que Mme Y…, ayant fait la demande, devait connaitre le coût total et savoir quelle ne pourrait lhonorer avec ses seules ressources ;
Considérant quil ny a pas lieu dannuler les décisions du président du conseil général de lAisne en date du 6 décembre 2011 et de la commission départementale de laide sociale de lAisne en date du 29 avril 2013,
Art. 1er.
Art. 2.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 24 novembre 2014 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme SOUCHARD, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 25 novembre 2014.
La République mande et ordonne adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET