Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) Allocation aux adultes handicapés (AAH) Indu Ressources Surendettement Compétence juridictionnelle Autorité de la chose jugée
Dossier no 150331
Mme X…
Séance du 18 mars 2016
Vu, enregistrée le 24 octobre 2014 à la direction départementale de la cohésion sociale du Puy-de-Dôme et le 4 mars 2015 au secrétariat de la commission centrale daide sociale, la requête présentée par Mme X… tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision de la commission départementale daide sociale du Puy-de-Dôme du 7 octobre 2014 rejetant sa demande gracieuse de remise de dette portant sur la somme de 43 513,22 euros, somme correspondant à un trop-perçu pendant cinq ans de lallocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) versée par le département du Puy-de-Dôme, par les moyens quelle traverse de graves difficultés financières qui lempêchent de sacquitter de cette somme et que son seul revenu est lallocation aux adultes handicapés (AAH) ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré le 4 mars 2015, le mémoire en défense par lequel le président du conseil général du Puy-de-Dôme demande à la juridiction de céans de rejeter le recours de Mme X… aux motifs que lintéressée allègue navoir pas les ressources suffisantes pour honorer le remboursement du trop-perçu, alors quil ressort des éléments transmis par le service de la publicité foncière quelle a vendu sa maison en viager, ce qui lui a permis de percevoir le jour de la vente la somme de 40 000 euros et de bénéficier du versement par lacquéreur dune rente annuelle de 900 euros ; quen tout état de cause, son incapacité à régler le trop perçu ne saurait justifier une modération de la somme due ; que les prestations daide sociale ne sauraient constituer un facteur denrichissement indu ; que lintéressée ne conteste pas le bien-fondé de la répétition de lindu sur cinq années ;
Vu, enregistré le 10 juillet 2015, le mémoire en réplique de Mme X… tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et les moyens quelle fait valoir, en outre, que les événements qui ont jalonné sa vie tels que sa perte demploi, son divorce, la vente de sa maison, la rémunération des personnes soccupant delle, ont aggravé sa situation financière ; quelle se trouve en situation de précarité et quen tout état de cause, la procédure de surendettement dont elle fait lobjet et qui a donné lieu à un jugement du tribunal dinstance de lAllier du 24 février 2015 rendant exécutoire son rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraine leffacement de sa dette à légard du département du Puy-de-Dôme ;
Vu, enregistré le 17 août 2015, le nouveau mémoire par lequel le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et les motifs quil fait valoir, en outre, que le trop versé dACTP na pu être établi que tardivement par le département du Puy-de-Dôme dans la mesure où lintéressée na, à aucun moment, informé le département quelle percevait déjà cette prestation du département de lAllier ; quelle avait déjà cumulé indument lACTP versée par le département de la Haute-Vienne et celle versée par le département de lAllier ; que lindu avait déjà été réduit à la somme de 43 513,22 euros pour ne prendre en compte que le trop versé sur cinq années et que Mme X… navait, à la suite de cette réduction, effectué aucun paiement ni ne sétait rapprochée des services de la paierie départementale aux fins de solliciter un échelonnement de sa dette ;
Vu, enregistrés les 1er septembre 2015, 16 septembre 2015 et 10 février 2016, les nouveaux mémoires présentés par Mme X… persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;
Vu, enregistré le 7 octobre 2015, le nouveau mémoire par lequel le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme persiste dans ses précédentes conclusions pour les mêmes motifs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la consommation ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 18 mars 2016, Mme Camille ADELL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que Mme X…, initialement domiciliée en Haute-Vienne, a bénéficié de lallocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) qui lui a été versée par ce département ; que, par lettre du 19 août 2002, elle a sollicité du département de la Haute-Vienne le transfert de son dossier dACTP au département du Puy-de-Dôme dans lequel elle a indiqué résider depuis le 1er août 2002 ; que lACTP lui a donc été versée par ledit département à compter du 1er novembre 2002 ; que dans le cadre de la mise à jour de son dossier par les services du département, des questionnaires lui ont été adressés à plusieurs reprises sur sa situation au regard des prestations daide sociale, questionnaires auxquels elle a répondu en indiquant ne pas disposer davantages analogues à lACTP ; que, lors de sa demande de renouvellement de lACTP auprès des services du département du Puy-de-Dôme en mai 2012, elle a fait savoir quelle résidait à la fois chez son frère dans le département du Puy-de-Dôme, mais également dans le département de lAllier ; que ce département a confirmé au département du Puy-de-Dôme que le domicile de secours de lintéressée se trouvait dans lAllier et quil lui avait versé à ce titre lACTP pour la période du 1er octobre 1993 au 31 octobre 2007, puis la prestation de compensation du handicap (PCH) à compter du 1er novembre 2007 ; que le département du Puy-de-Dôme, qui lui avait également versé lACTP, lui a réclamé alors un indu de 82 507,22 euros portant sur la période du 1er novembre 2002 au 31 août 2012 ; que, par lettre datée du 28 octobre 2012, Mme X… a demandé que lui soit accordée une remise gracieuse aux motifs quelle était dans limpossibilité de rembourser une telle somme quelle avait versée à ses aidants familiaux et quelle ne disposait pour vivre que de lallocation aux adultes handicapés (AAH) ; que le département du Puy-de-Dôme a sollicité une enquête sociale auprès du département de lAllier afin de soumettre la demande de lintéressée à la commission de conciliation du département du Puy-de-Dôme ; que, le 3 octobre 2013, cette commission a proposé de procéder au rappel dindu sur une période de cinq années correspondant à un indu de 43 513,22 euros, proposition validée par lassemblée départementale ; que Mme X… a, le 19 octobre 2013, demandé au département du Puy-de-Dôme leffacement de sa dette de 43 513,22 euros, demande qui a fait lobjet dun avis défavorable de la commission de conciliation de ce département en date du 6 février 2014 ; que, par délibération du 24 juin 2014, le conseil général du Puy-de-Dôme a suivi lavis de la commission de conciliation et a décidé en conséquence que ne lui était accordée que la réduction de lindu, initialement fixée à une somme de 82 507,22 euros, à une somme de 45 513,22 euros, soit une remise dindu dun montant de 38 994 euros ; que lintéressée a alors formé, un recours contre cette décision devant la commission départementale daide sociale du Puy-de-Dôme en demandant leffacement total de sa dette aux motifs quelle avait subi une baisse du montant de la PCH versée par le département de lAllier ; que son AAH était nécessaire à la rémunération des personnes qui soccupaient delle, son handicap sétant très lourdement aggravé ; quelle se trouvait dans une situation de précarité et de surendettement particulièrement aigüe ; que conformément à larticle L. 232‑19 du code de laction sociale et des familles, lACTP nétait pas soumise à récupération et que le décompte qui lui avait été adressé par le conseil départemental du Puy-de-Dôme comportait des erreurs de calcul ; que, le 7 octobre 2014, la commission départementale daide sociale a rejeté son recours aux motifs que les prestations daide sociale légale sont à la charge du département dans lequel le bénéficiaire a son domicile de secours ; que lintéressée a son domicile de secours dans le département de lAllier qui lui a versé lACTP pour la période du 1er octobre 1993 au 31 octobre 2007 et la PCH à compter du 1er novembre 2007 ; que le département du Puy-de-Dôme nayant pas eu connaissance de ce domicile, lui a versé lACTP du 1er novembre 2002 au 31 août 2012 ; que la répétition litigieuse de lindu sur cinq années apparaît légalement fondée et que dès lors, il ny a pas lieu à procéder à une remise gracieuse ;
Considérant que, sil appartenait à la commission départementale daide sociale du Puy-de-Dôme, comme elle la fait, de se prononcer sur la légalité de la décision de récupération, elle ne pouvait se borner à une telle appréciation, la requérante ayant demandé également à être dispensée de restituer le solde de lindu en faisant valoir notamment sa situation précaire ; quen affirmant que la répétition litigieuse étant légalement fondée, il ny avait « dès lors (…) pas lieu à procéder à une remise gracieuse », alors quelle avait la faculté en tant que juge de plein contentieux, en fonction des circonstances particulières de lespèce, de lui accorder une remise de lindu ou den réduire le montant, la commission départementale daide sociale a méconnu létendue de ses pouvoirs ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que la décision du 7 octobre 2014 de la commission départementale daide sociale du Puy-de-Dôme doit être annulée ;
Considérant quil y a lieu dévoquer et de statuer ;
Considérant quaux termes de larticle L. 330‑1 du code de la consommation, « (…) Lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par limpossibilité manifeste de mettre en œuvre des mesures de traitement visées à lalinéa précédent, la commission de surendettement peut, dans les conditions du présent titre : 1o Soit recommander un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire si elle constate que le débiteur ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à lexercice de son activité professionnelle, ou que lactif nest constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale (…) » ; que larticle L. 332‑5 du même code dispose que : « Lorsque la commission recommande un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et en labsence de contestation, le juge du tribunal dinstance confère force exécutoire à la recommandation, après en avoir vérifié la régularité et le bien-fondé. Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire rendu exécutoire par le juge du tribunal dinstance entraîne leffacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date de lordonnance conférant force exécutoire à la recommandation, à lexception des dettes visées à larticle
Considérant quil a été versé au dossier, un jugement du tribunal dinstance de lAllier en date du 24 février 2015 qui confère force exécutoire aux mesures recommandées par la commission de surendettement des particuliers de lAllier tendant à la mise en œuvre dune procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au profit de Mme X… ; que ce jugement constate que lintéressée se trouve dans une « situation irrémédiablement compromise caractérisée par limpossibilité manifeste de mettre en œuvre les mesures de traitement prévues aux articles L. 331‑7 et L. 331‑7-1 du code de la consommation », ne disposant « daucune capacité de remboursement » et sa situation ne paraissant « pas pouvoir raisonnablement saméliorer dans les années qui viennent » ; que le tribunal dinstance rappelle que ce jugement efface toutes les dettes non professionnelles de la débitrice nées avant la date de la décision à lexception de celles énumérées à larticle L. 333‑1 du même code et que « les créanciers qui nauraient pas été avisés de la présente procédure pourront former tierce opposition dans un délai de deux mois à compter de la publication de la présente décision au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODDAC) et quà défaut dune telle tierce opposition, leurs créances seront éteintes » ;
Considérant que la dette litigieuse, résultant dun indu dACTP, nest pas au nombre des exceptions énumérées par larticle L. 333‑1 du code de la consommation ; quil ne ressort pas des pièces du dossier, et quil nest dailleurs pas allégué par le département du Puy-de-Dôme, que celui-ci naurait pas été avisé de la procédure de surendettement dont Mme X… faisait lobjet ni quil aurait, en conséquence, formé tierce opposition contre la décision du juge dinstance de lAllier dans le délai de deux mois à compter de la publication au BODDAC de cette décision ;
Considérant quil suit de là que la commission centrale daide sociale, sans quil lui soit nécessaire de se prononcer sur la légalité de lindu ou dapprécier si elle doit user de son pouvoir de modération pour décharger Mme X… de la dette mise à sa charge par le département du Puy-de-Dôme au vu de sa situation irrémédiablement compromise, ne peut que constater que le jugement du tribunal dinstance de lAllier a effacé la dette de lintéressée dun montant de 43 513,22 euros au titre dun indu dACTP ; que le département du Puy-de-Dôme nest, par suite, pas fondé à procéder au recouvrement de cet indu ; quainsi le recours de Mme X… est devenu, au cours de linstruction, sans objet,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Art. 4.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 18 mars 2016 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Pauline DESCHAMPS, assesseure, Mme Camille ADELL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 10 juin 2016 à 11 heures.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine Rieubernet