Mots clés : Procédure dans le contentieux de laide sociale Moyens du recours Recours en récupération Récupération sur succession Question prioritaire de constitutionnalité Conseil constitutionnel
Conseil dEtat statuant au contentieux
Dossier no 400336
Mme A…
Vu la procédure suivante :
Mme C…, à lappui de sa demande tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de Paris du 6 décembre 2013 rejetant son recours dirigé contre la décision du 17 juillet 2012 par laquelle le président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général a prononcé la récupération, sur la succession de Mme A…, sa sœur handicapée décédée le 16 janvier 2011, des prestations daide sociale accordées à cette dernière du 1er décembre 1998 au 16 janvier 2011, a produit un mémoire, enregistré le 19 avril 2016 au greffe de la commission centrale daide sociale, en application de larticle 23‑1 de lordonnance no 58‑1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité ;
Par une décision no 140323 du 25 mai 2016, enregistrée le 2 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, la commission centrale daide sociale, avant quil soit statué sur la demande de Mme C…, a décidé, par application des dispositions de larticle 23‑2 de lordonnance no 58‑1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil dEtat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 132‑8 et L. 344‑5 du code de laction sociale et des familles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
Après avoir entendu en séance publique :
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de Mme C… ;
1. Considérant quil résulte des dispositions de larticle 23‑4 de lordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsquune juridiction relevant du Conseil dEtat a transmis à ce dernier, en application de larticle 23‑2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution dune disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, quelle nait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif dune décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant, dune part, quaux termes de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte dautonomie des personnes âgées et à lallocation personnalisée dautonomie, antérieure à lintervention de la loi du 28 décembre 2015 relative à ladaptation de la société au vieillissement : « Des recours sont exercés, selon le cas, par lEtat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. En ce qui concerne les prestations daide sociale à domicile, de soins de ville prévus par larticle L. 111‑2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, lexistence dun seuil de dépenses supportées par laide sociale, en deçà duquel il nest pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de laide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier sexerce sur la partie de lactif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ;
3. Considérant, dautre part, quaux termes de larticle L. 344‑5 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 pour légalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, antérieure à lintervention de la loi précitée du 28 décembre 2015 : « Les frais dhébergement et dentretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au b du 5o et au 7o du I de larticle L. 312‑1, à lexception de celles accueillies dans les établissements relevant de larticle L. 344‑1, sont à la charge : 1o A titre principal, de lintéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous dun minimum fixé par décret et par référence à lallocation aux handicapés adultes, différent selon quil travaille ou non. Ce minimum est majoré, le cas échéant, du montant des rentes viagères mentionnées à larticle 199 septies du code général des impôts ainsi que des intérêts capitalisés produits par les fonds placés sur les contrats visés au 2o du I de larticle 199 septies du même code ; 2o Et, pour le surplus éventuel, de laide sociale sans quil soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à lobligation alimentaire à légard de lintéressé, et sans quil y ait lieu à lapplication des dispositions relatives au recours en récupération des prestations daide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé ni sur le légataire ni sur le donataire. Les sommes versées, au titre de laide sociale dans ce cadre, ne font pas lobjet dun recouvrement à lencontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune » ;
4. Considérant, en outre, que larticle L. 344‑5-1 du code de laction sociale et des familles étend, sous certaines conditions, le bénéfice des dispositions de larticle L. 344‑5 à laccueil des personnes handicapées dans un établissement ou service mentionné au 6o du I de larticle L. 312‑1 ou dans un établissement autorisé à dispenser des soins de longue durée ; quenfin, larticle L. 241‑4 du même code limite lexercice du recours en récupération pour lensemble des dépenses daide sociale exposées en vertu du titre IV du livre II du même code ;
5. Considérant que les dispositions des articles L. 132‑8 et L. 344‑5 du code de laction sociale et des familles sont applicables au litige dont est saisi la commission centrale daide sociale ; quelles nont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce quelles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment en ce que le troisième alinéa de larticle L. 344‑5 du code de laction sociale et des familles exclut lapplication des dispositions relatives au recours en récupération des prestations daide sociale pour certains seulement des héritiers du bénéficiaire décédé, soulève une question présentant un caractère sérieux ; quainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée,
Art. 1er.
Art. 2.
Copie en sera adressée au Premier ministre, à la ministre des familles, de lenfance et des droits des femmes et à la commission centrale daide sociale.