Mots clés : Procédure dans le contentieux de laide sociale Moyens du recours Association Hébergement Urgence Question prioritaire de constitutionnalité Conseil constitutionnel
Conseil dEtat statuant au contentieux
Dossier no 400144
M. A…
Séance du 13 juillet 2016
Vu la procédure suivante :
M. A…, à lappui de ses demandes tendant à lannulation et à la suspension de lexécution de la décision du 8 janvier 2016 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France a refusé son orientation vers une structure dhébergement durgence, a produit un mémoire, enregistré le 24 février 2016 au secrétariat de la commission centrale daide sociale, en application de larticle 23‑1 de lordonnance no 58‑1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité ;
Par une décision no 160164 du 20 mai 2016, enregistrée le 26 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, la commission centrale daide sociale, avant quil soit statué sur la demande de MA, a décidé, par application des dispositions de larticle 23‑2 de lordonnance no 58‑1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil dEtat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de larticle L. 134‑1 du code de laction sociale et des familles.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
Après avoir entendu en séance publique :
1. Considérant quil résulte des dispositions de larticle 23‑4 de lordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsquune juridiction relevant du Conseil dEtat a transmis à ce dernier, en application de larticle 23‑2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution dune disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, quelle nait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif dune décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant quaux termes de larticle L. 345‑2 du code de laction sociale et des familles : « Dans chaque département est mis en place, sous lautorité du représentant de lEtat, un dispositif de veille sociale chargé daccueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation de leur situation médicale, psychique et sociale et de les orienter vers les structures ou services quappelle leur état. Cette orientation est assurée par un service intégré daccueil et dorientation (…) » ; quen vertu de larticle L. 345‑2-1 du même code, en Ile-de-France, un dispositif unique de veille sociale est mis en place à la demande et sous lautorité du préfet de région ; quaux termes de larticle L. 345‑2-2 de ce code : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif dhébergement durgence (…) » ; quaux termes de larticle L. 345‑2-3 de ce code : « Toute personne accueillie dans une structure dhébergement durgence doit pouvoir y bénéficier dun accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors quelle le souhaite, jusquà ce quune orientation lui soit proposée (…) »; quil résulte de larticle L. 345‑2-4 que le service intégré daccueil et dorientation est géré par une personne morale en vertu dune convention conclue avec lEtat dans chaque département ; que MA, après avoir écrit au préfet de la région Ile-de-France en sollicitant son accueil dans une structure dhébergement durgence, a de nouveau appelé, ainsi que le préfet de région linvitait à le faire, le 115, service dappel téléphonique géré par le service intégré daccueil et dorientation ; quil a demandé à la commission centrale daide sociale dannuler la décision orale du 8 janvier 2016 par laquelle son orientation vers une structure dhébergement durgence aurait alors été refusée ; quà lappui de sa demande, il a soulevé la question de la conformité aux droits et libertés garanties par la Constitution de larticle L. 134‑1 du code de laction sociale et des familles, qui fonde selon lui la compétence des juridictions de laide sociale pour connaître de sa demande ;
Sur lintervention :
3. Considérant que lassociation Droit au logement Paris et environs est intervenue devant la commission centrale daide sociale au soutien de la demande de M. A…tendant à lannulation de la décision du 8 janvier 2016 refusant son orientation vers une structure dhébergement durgence ; quelle doit être regardée, en létat du dossier, comme justifiant, par son objet statutaire et son action, dun intérêt suffisant pour intervenir au soutien de cette demande ; que, dès lors, son intervention devant le Conseil dEtat au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A… à lappui de sa demande doit être admise pour lexamen de cette question ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
4. Considérant quaux termes de larticle L. 134‑1 du code de laction sociale et des familles : « A lexception des décisions concernant lattribution des prestations daide sociale à lenfance ainsi que des décisions concernant le revenu de solidarité active, les décisions du président du conseil départemental et du représentant de lEtat dans le département prévues à larticle L. 131‑2 sont susceptibles de recours devant les commissions départementales daide sociale mentionnées à larticle L. 134‑6 dans des conditions fixées par voie réglementaire » ;
5. Considérant que larticle L. 131‑2 du code de laction sociale et des familles prévoit que la décision dadmission à laide sociale est prise par le préfet pour les prestations qui sont à la charge de lEtat en application de larticle L. 121‑7 du même code ; que cet article dispose que sont à la charge de lEtat au titre de laide sociale « les mesures daide sociale en matière de logement, dhébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345‑1 à L. 345‑3 » ; que, toutefois, eu égard à la nature du dispositif de veille sociale, qui na pas pour objet de décider de la prise en charge financière de lhébergement des intéressés par laide sociale, la réponse donnée à une demande daccueil dans une structure dhébergement durgence, telle que celles prévues par larticle L. 345‑2-2 du même code, ne peut être regardée comme une décision dadmission à laide sociale au sens de larticle L. 131‑2 mentionné ci-dessus ; que, dès lors, ainsi que le soutient le ministre des affaires sociales et de la santé, les décisions accueillant ou rejetant des demandes daccueil dans une structure dhébergement durgence ne relèvent pas de la compétence des juridictions de laide sociale ; que la disposition contestée au regard de la Constitution nest par conséquent pas applicable au litige dont est saisi la commission centrale daide sociale ;
6. Considérant quil résulte de ce qui précède quil ny a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée,
Art. 1er.
Art. 2 : La présente décision sera notifiée à M. A…, à lassociation Droit au logement Paris et environs et à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, ainsi quà la commission centrale daide sociale.