Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) Placement Prise en charge Règlement Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) Résidence Vie maritale Composition de la formation de jugement Domicile de secours Service daccompagnement à la vie sociale (SAVS) Compétence juridictionnelle Compétence dattribution Conseil dEtat Aide sociale facultative
Dossier no 150020
Mme X…
Séance du 16 octobre 2015
Vu, enregistrée à la direction départementale de la cohésion sociale de la Dordogne le 28 novembre 2014, la requête présentée par létablissement public départemental Fondation de lAveyron en sa qualité de gestionnaire du « foyer dinsertion professionnelle et sociale » (FIPS) de la Dordogne, agissant par son directeur, tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision de la commission départementale daide sociale de la Dordogne en date du 18 septembre 2014 rejetant sa demande, enregistrée le 19 mai 2014, dirigée contre la décision du président du conseil général de la Dordogne du 17 mars 2014 rejetant la demande daide sociale de Mme X… au titre de ses frais daccompagnement par le service du FIPS à compter du 12 novembre 2013 jusquau 31 décembre 2013 par les moyens quelle est accompagnée par le foyer depuis le 12 novembre 2013 jusquà ce jour conformément au contrat de séjour, à la mission du foyer et à son autorisation de fonctionnement ; que la circonstance quelle ait décidé de vivre en concubinage avec un ressortissant du foyer est indépendant de son accompagnement par ce même service ; que la demande daide sociale est conforme au règlement départemental daide sociale de la Dordogne et que notamment la décision dorientation de Mme X… par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de la Dordogne en date du 30 octobre 2013 « préconise une prise en charge par le FIPS pour une durée de quinze mois… » ; que le déménagement nétait pas prévisible et relève du choix de vie de Mme X… ; que la commission dadmission avait donné un avis favorable à ladmission dès quune place serait libre le 5 septembre 2013 ; que le fait quelle soit suivie à R… au domicile de son compagnon est intervenu après lavis de la commission dadmission, le 5 septembre 2013 son adresse était toujours résidence en Dordogne ; quune décision de prise en charge du département du Lot à compter du 1er février 2014, trois mois après le changement de résidence a été obtenue ; quainsi, à la date du 5 septembre 2013 (réunion de la commission dadmission), elle remplissait toutes les conditions pour être admise au FIPS et pour prétendre à une prise en charge par laide sociale de la Dordogne jusquau 31 janvier 2014, date à laquelle elle a acquis son domicile de secours dans le département du Lot ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 17 mars 2015, le mémoire en défense du président du conseil général de la Dordogne tendant au rejet de la requête par les motifs que la décision quant au financement par le département ne conditionne en rien laccès à laccompagnement par un établissement tel que le FIPS ; que la question de la validité ou de la durée du contrat conclu entre le FIPS et Mme X… est indépendant de loctroi de laide sociale ; quil est envisageable de retenir lhypothèse de laccompagnement dune personne handicapée par un établissement dédié à linsertion sociale sans avoir recours à laide sociale dès lors que la commission dadmission (de létablissement) se serait prononcée favorablement sur la demande ; quil na pas souhaité priver Mme X… de laccompagnement dont elle bénéficiait jusqualors mais na fait que refuser la mise en œuvre en « doublon » de moyens humains et matériels dédiés au suivi des deux bénéficiaires, ce qui ne les prive en rien des bénéfices de leur accompagnement mais modifie uniquement les modalités de financement de celui-ci ; que la situation de fait du déménagement nest pas contestée par le département qui na pas adopté une position de principe par rapport au couple formé par Mme X… et son compagnon mais que sa position est la résultante du déménagement de ceux-ci dans un autre département au moment de la prise en charge et que lintérêt dun double accompagnement sur une si brève période nétait pas opportun ; quun avenant au premier contrat conclu entre le FIPS et la bénéficiaire a été signé le 20 mars 2014, plus de quatre mois après le changement de domicile de Mme X… et quasiment deux mois après la perte du domicile de secours dans le département de la Dordogne depuis le 1er février 2014 ; quil existe une étroite collaboration entre le FIPS et les services départementaux dans linstruction et le financement des dossiers et que la procédure a été remaniée afin daccélérer les remboursements et doptimiser la prise en charge ; quil a dans ce contexte pour seule intention de mettre en exergue le caractère aberrant de prendre en charge séparément Mme X… et M. Y…, son compagnon, car le département de la Dordogne aurait dû supporter des doubles dépenses pour accompagner le couple, moyennant lintervention de deux éducateurs différents, voire dautres intervenants, qui se seraient vus dans lobligation deffectuer en double le trajet Sarlat
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Après avoir entendu à laudience publique du 16 octobre 2015 M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quil ressort des mentions de la décision attaquée que le président de la commission départementale daide sociale de la Dordogne a exercé les fonctions de rapporteur ; quaucune disposition ne prévoit, ni ne permet cette possibilité ; quil nest dailleurs même pas allégué que le président se soit nommé lui-même en qualité de rapporteur autre que le secrétaire de la commission sur la liste à lui présentée conjointement par le préfet et le président du conseil général conformément à larticle L. 134‑6 du code de laction sociale et des familles ; quen outre, dailleurs, les mentions de la décision attaquée qui font apparaître quune fonctionnaire qui a représenté le conseil général à laudience aurait « siégé » à la commission « composée » du président, de la secrétaire et delle-même, ne permettent pas, alors même quil est en fait possible sinon probable que tel nai pas été le cas, sans toutefois que le dossier ne létablisse, de sassurer du respect des principes dindépendance et dimpartialité qui simposent à toute juridiction administrative ; quil y a lieu dannuler la décision attaquée et dévoquer la demande ;
Considérant quil résulte de linstruction que Mme X… a été admise au « foyer B… », géré par létablissement public « Fondation F… » à compter du 8 novembre 2013, après avoir été inscrite sur liste dattente par la commission dadmission de létablissement, le 5 septembre 2013 ; quà la date dadmission, elle résidait à R… avec son concubin depuis le 2 novembre 2013 dans un appartement indépendant de ce dernier ; quà compter du 12 novembre 2013, lintervention du « foyer » (ou dun service du « foyer » !…) « accompagnant » lintéressée a été ménagée à R… et non à ladresse de la Dordogne distincte de celle du « foyer » où Mme X… résidait antérieurement, moyennant la poursuite dun « contrat de séjour » en réalité de la nature des contrats daccompagnement signés par les personnes « accompagnées » par un « service » ; que Mme X… a perdu son domicile de secours le 3 février 2014 et quà compter du 1er février 2014 (par simplification) le département du Lot, qui na jamais contesté son intervention, a assumé les frais daccompagnement jusquà la date, à tout le moins de la requête en date du 26 novembre 2014, voire ultérieurement ; que dans le même temps, le concubin de Mme X… était, quant à lui, suivi par le « service FIPS » (!) jusquau 31 décembre 2013 et est « suivi » depuis le 1er janvier 2014 par le service daccompagnement à la vie sociale de lESAT du Lot où il a été accueilli, les deux intéressés paraissant ainsi simultanément suivis sans opposition du département du Lot par deux travailleurs sociaux distincts relevant dorénavant de deux services gérés par des gestionnaires distincts, situation que le département du Lot parait trouver opportune au plan social comme financier, mais que conteste sur le fond le département de la Dordogne pour la période litigieuse… ;
Considérant en effet, que le litige porte sur la période du 12 novembre 2013 au 31 janvier 2014 au titre de laquelle ladmission à laide sociale a été rejetée, non pas à raison de ce que le domicile de secours de Mme X… nétait plus dans la Dordogne, mais de ce quil était inopportun, en opportunité socio-financière, de prévoir une double intervention moyennant le déplacement à une centaine de kilomètres de Sarlat de deux éducateurs distincts et que dans cette hypothèse, il y avait lieu de retenir une seule intervention pour le couple (la situation étant dailleurs différente jusquau 31 décembre 2013 dune part, et du 1er janvier 2014 au 1er février 2014 dautre part, en droit comme en fait !…) ;
Considérant quil ne sera pas besoin dexaminer la situation de lintervention du « foyer » pour « laccompagnement » de Mme X… antérieure au 2 novembre 2013, le dossier nétablissant pas si lappartement occupé par Mme X… en Dordogne à une adresse distincte de celle du foyer lui était alors loué ou sous-loué par létablissement public par ailleurs gestionnaire du « service daccompagnement » faisant partie dudit foyer1, situation à un degré presque caricatural de la nature de celles auxquelles « se heurte » depuis des années la présente juridiction, compte tenu de la carence des pouvoirs publics à prendre les dispositions législatives normatives nécessaires pour adapter la législation de laide sociale à lévolution des structures intervenant pour les personnes handicapées adultes et du « mélange » de plus en plus inextricable au fur et à mesure de lévolution des dossiers des « foyers » et des « services » au regard de lacquisition et de la perte du domicile de secours ;
Considérant en effet, comme la constamment jugé la présente formation et comme la confirmé le Conseil dEtat dans sa décision de non-admission dun pourvoi dirigé contre un arrêt de la Cour administrative dappel de Nantes, Association des paralysés de France no 378296 du 1er octobre 2014, lintervention des SAVS et SAMSAH, services prévus comme tels par les dispositions dapplication de la loi du 2 janvier 2002, relève, faute que naient été prises les dispositions modifiant et complétant les textes daide sociale (notamment larticle L. 344‑5) prévoyant lintervention de celle-ci pour les « services », comme il y avait lieu de le faire postérieurement à lentrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002 et de ses textes dapplication relatifs aux SAVS et SAMSAH, de laide sociale facultative ; que la présente formation a, dans le cadre de lapplication de la jurisprudence du Conseil dEtat département des Hauts-de-Seine du 15 mai 2013, pris la même solution lorsque la structure « intervenante » ne faisait pas partie dune entité comprenant dune part, un « service daccompagnement » au sens matériel du terme dautre part, un logement indépendant ou regroupé et ce, que la structure soit de nature privée ou publique ; quainsi, la commission centrale daide sociale a considéré et continue de considérer que, pour les décisions prises refusant ladmission à laccompagnement par un SAVS, un SAMSAH ou un autre « service » non globalement autorisé en même temps que lappartement occupé par lassisté et loué ou sous-loué par le gestionnaire du « service », elle nétait pas compétente pour connaitre dune décision de refus prise au titre de laide sociale facultative autonome
Considérant que la commission centrale daide sociale avait pris la même position, quelle estimait cohérente avec celle qui vient dêtre rappelée, en ce qui concerne les litiges relatifs au domicile de secours initiés dans le cadre de larticle L. 134‑3 par les collectivités daide sociale ; quelle considérait que dès lors que le litige dimputation financière porte sur une forme daide sociale facultative, qui ne relève pas de sa compétence et nest pas régie par les dispositions des articles L. 111‑3 et L. 122‑1 sq. du code de laction sociale et des familles, la compétence dimputation financière sétablit en fonction des dispositions des actes pris par le département (habilitation, convention, …) ou à défaut selon la résidence au moment de la demande daide sociale dans le respect toutefois du principe dégalité ; que cependant, dans sa décision département de lOrne no 355835 du 17 juin 2014, le Conseil dEtat, saisi dun litige concernant un demandeur habitant un appartement indépendant loué à un organisme dHLM et « accompagné » par un « service » autorisé comme tel
Considérant toutefois, que celle-ci ne concerne que les litiges relatifs à limputation financière de la dépense entre deux collectivités daide sociale pour lapplication de larticle L. 134‑3 du code de laction sociale et des familles ; quà supposer même, ce qui nest pas expressément jugé, que pour lapplication de la récente (la matière est décidément évolutive !) jurisprudence Mme A… no 362628 du 12 novembre 2014 qui retient la compétence de la commission départementale daide sociale pour connaitre dun recours de lassisté et dun établissement dirigé contre une décision de refus dadmission au motif que le domicile de secours nest pas dans le département saisi (ce que ne faisait pas antérieurement la commission centrale daide sociale !…), il y ait lieu dadopter la même solution, question qui demeurera réservée par la présente décision…, le présent litige ne concerne, en tout état de cause, nullement un refus dadmission pour défaut de domicile de secours qui pour la période litigieuse nest pas contesté par le département de la Dordogne, mais que celui-ci refuse ladmission pour le seul motif quil nest pas justifié en opportunité socio-financière de prévoir le financement par un même département de deux interventions pour deux assistés également « accompagnés » et vivant en concubinage mais quun seul éducateur suffit… ;
Considérant quun tel litige porte exclusivement sur les conditions dadmission autres que celles relatives à limputation financière de la dépense à la collectivité daide sociale saisie ; que pour la période litigieuse, Mme X… résidait avec son concubin dans lappartement de celui-ci à R… (Lot) mais navait pas perdu son domicile de secours dans le département de la Dordogne ; que dans ces conditions et quels quaient pu être les termes de lautorisation, sil y en a eu une avant ou après la loi du 2 janvier 2002, de lhabilitation et/ou de la convention entre le département et létablissement public qui ne pouvaient viser que la situation de personnes à la fois locataires et sous-locataires dun appartement loué ou sous-loué par le gestionnaire du « service » et bénéficiant de lintervention de celui-ci, lassistée était bien dans une situation de résidence autonome ne procédant pas dune mise à disposition dun appartement par létablissement public Fondation F… ; quainsi, pour la période litigieuse, lintervention du « foyer » constituant en réalité un « service » (au sens matériel) de la Fondation F… dans un cadre qui nest pas celui dune autorisation (ou dune création) globale dun appartement loué ou sous-loué où lassisté réside effectivement et dun « service » et qui ne présente à juger aucune question relative à la détermination de limputation financière de la dépense ne peut relever que de la juridiction compétente pour connaitre des décisions intervenues dans le cadre de laide sociale facultative « autonome » (et non « additionnelle ») des départements ; que, comme il a été dit, un tel litige entre lassisté, auquel une décision dune collectivité daide sociale a refusé ladmission ou létablissement qui a déféré cette décision à la commission départementale daide sociale pour obtenir une prise en charge parait à la commission centrale daide sociale relever de laide sociale facultative échappant à la compétence du juge de laide sociale et la demande présentée par le directeur de létablissement public Fondation F… à la commission départementale daide sociale de la Dordogne ne peut être que rejetée, le demandeur pouvant, sil sy croit fondé, saisir dans les conditions de délai qui lui sont imparties, postérieurement à la notification de la présente décision, la juridiction compétente, sous réserve de lexercice du pourvoi en cassation contre la présente décision, observation étant faite quil a paru opportun
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 16 octobre 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 16 octobre 2015 à 13 h 30.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLe rapporteur
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet
1 Les arrêtés des 11 février et 23 juin 1987 produits en réponse au supplément dinstruction diligenté par la commission centrale daide sociale font état dun « foyer daction sociale et professionnelle » constituant (alors) un foyer « traditionnel » mais dont 10 places sur 32 ne sont pas en réalité autorisées et financées pour des pensionnaires résidant au foyer mais pour des personnes layant quitté pour vivre en milieu de vie autonome en Dordogne ou dans dautres départements, situation qui, quelle que puisse être sa légalité, demeure sans incidence sur la solution du litige, les places de « service de suite », fussent-elles autorisées comme des places de foyer, ne pouvant être, en lespèce, regardées que comme correspondant à lintervention dun service et non dun établissement.