Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) Remise Arrérage Erreur Répétition de lindu Motivation Conseil dEtat Compétence juridictionnelle Précarité
Dossier no 140163
Mme X…
Séance du 16 octobre 2015
Vu, enregistrée à la direction départementale de la cohésion sociale de lEssonne le 9 décembre 2013, la requête présentée par Mme X…, demeurant dans lAisne, tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision de la commission départementale daide sociale de lEssonne en date du 6 septembre 2013 rejetant sa demande dirigée contre la décision « prise » (en réalité notifiée) le 14 mai 2012 par le président du conseil général de lEssonne rejetant sa demande de remise gracieuse en date du 14 avril 2008 de la somme de 2 498,98 euros répétée par décision du président du conseil général de lEssonne du 2 avril 2008 à raison de la perception indue darrérages de lallocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) pour la période du 1er janvier 2008 au 31 mars 2008, par le moyen quelle maintient quelle a bien informé le conseil général de lEssonne de son départ de ce département afin darrêter le versement de lallocation versée, par téléphone puis par lettre recommandée ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 27 mai 2015, le mémoire de Mme X… indiquant formuler une « demande de grâce pour (sa) dette » ;
Vu, enregistré le 8 juin 2015, le mémoire en défense du président du conseil départemental de lEssonne tendant au rejet de la requête par les motifs quil reconnaît quune erreur a bien été commise par le service qui, bien quinformé du changement de domicile de Mme X… dès le 15 octobre 2007, na effectué la suspension tardive du versement de lACTP quà partir du 1er avril 2008, ce qui a eu pour conséquence de générer la répétition de lindu ; que cette erreur ne doit pas empêcher néanmoins le département de la réparer en engageant une procédure de recouvrement, conformément à lancien article L. 245‑7 du code de laction sociale et des familles instituant une prescription biennale des allocations indûment payées ; que Mme X… ne conteste pas le principe de la répétition et reconnaît avoir perçu indûment durant les trois mois litigieux lallocation, mais ne souhaite pas restituer au conseil départemental de lEssonne les sommes accordées à tort ; que dans sa lettre du 10 juillet 2011, Mme X… indique quelle est prête à rembourser mensuellement 20 euros si sa requête était rejetée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Après avoir entendu à laudience publique du 16 octobre 2015 M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que contrairement à ce qua pu soutenir Mme X… dans sa lettre reçue le 23 juillet 2012 par le président du conseil général de lEssonne, elle na pas dans sa lettre du 15 avril 2008 consécutive à la décision de répétition du 2 avril 2008 formulé un recours contentieux à lintention de la commission départementale daide sociale contre cette dernière décision, mais sest bornée à formuler une demande de remise gracieuse, ce que dailleurs elle confirme par diverses correspondances ultérieures et, en toute hypothèse, dans le dernier état de ses conclusions devant la commission centrale daide sociale ; que la demande du 15 avril 2008 a été soumise au conseil général qui a statué par sa commission permanente le 14 mai 2012, décision notifiée par le président du conseil général le 24 mai 2012 ;
Considérant quoiquayant exactement analysé (sous réserve de la mention de lauteur de la décision attaquée qui nest pas « le président du conseil général » mais la commission permanente contre la décision de laquelle était en réalité dirigée la demande) la demande « formée contre la décision » du « 14 mai 2012 qui rejetait (la) demande de remise gracieuse de dette » du 15 avril 2008, le premier juge sest borné à motiver sa décision par le motif que « en raison de (l) erreur du conseil général de lEssonne, Mme X… a perçu deux fois lallocation compensatrice pour tierce personne pour la période du 1er janvier au 31 mars 2008. Les sommes ont ainsi été payées sans être dues et doivent être remboursées » nonobstant la circonstance que le double paiement procède « dune erreur de ladministration de lEssonne » informée par Mme X… de son déménagement dans le département de lAisne le 15 octobre 2007 ; que la commission centrale daide sociale rappelle quelle a considéré que les décisions de refus de remise, quoique émanées de linstance délibérante du département, nétaient pas détachables de la procédure de recouvrement des créances de laide sociale et relevaient en conséquence, nonobstant linterprétation littérale des dispositions de larticle L. 134‑1 du code de laction sociale et des familles ne prévoyant le recours devant la commission départementale daide sociale quà lencontre des décisions du président du conseil général et du préfet, de la compétence de la juridiction spécialisée de laide sociale, alors dailleurs quune solution inverse aboutirait à un accroissement de la confusion dans les relations entre le « gracieux » et le « contentieux » dans lexercice de loffice du juge de laide sociale et de celui du juge administratif de droit commun, alors dailleurs que, dans sa décision Mme Z… du 1er juin 2015, le Conseil dEtat a considéré que lorsque lassisté contestait devant la commission départementale daide sociale, non la décision subséquente de refus de remise, mais bien la décision de répétition elle-même ou une décision tirant les conséquences sur la fixation des droits pour une période ultérieure dune telle décision, il appartenait au juge de plein contentieux de laide sociale de statuer, non seulement à titre contentieux, mais à titre gracieux à la condition quune demande « gracieuse » ait été présentée préalablement à ladministration (ce « préalable » pouvant être, en létat de cette jurisprudence selon la présente juridiction, le recours administratif préalable facultatif dirigé contre la décision de répétition, en tant quil comporte exclusivement ou pour partie une demande et des moyens de nature gracieuse) ; que toutefois, la jurisprudence ci-dessus rappelée ne fait pas obstacle au maintien de la jurisprudence antérieure de la présente formation selon laquelle il était loisible à lassisté qui ne conteste pas la légalité de la répétition de formuler, comme la fait en réalité Mme X… en lespèce, une demande subséquente et distincte de remise gracieuse donnant lieu à décision de linstance délibérante de laquelle, comme il vient dêtre rappelé, la présente formation sest estimée compétente pour connaître ; quil résulte de ce qui précède que saisie par Mme X… dune demande gracieuse fondée sur sa bonne foi, du fait de linformation préalable de ladministration de son déménagement, et qui avait été instruite pour décision de la commission permanente en lui faisant produire les éléments nécessaires à lexamen de sa situation financière à la date de la décision de cette commission, la commission départementale daide sociale de lEssonne en rejetant cette demande au seul motif que « les sommes avaient été payées sans être dues » et, en ne répondant pas ainsi à la demande dont elle était saisie sur le plan gracieux contre une décision de refus de remise, a méconnu la nature (davantage en lespèce que létendue) de son office ;
Considérant quen admettant que dune telle méconnaissance procède lannulation de la décision attaquée et lévocation de la demande, il y a lieu de statuer immédiatement sur celle présentée par Mme X… devant la commission départementale daide sociale de lEssonne et sur le bien-fondé du refus de remise gracieuse opposé par la commission permanente du conseil général par une décision soumise à lentier contrôle du juge de plein contentieux de laide sociale, compte tenu des éléments ressortant du dossier à la date à laquelle il statue ;
Considérant, dune part, que les ressources de Mme X… sont à la date de la présente décision, ladministration nalléguant pas et le dossier ne laissant pas présumer que la situation ait changé au regard des éléments de fait concernant essentiellement les revenus 2011 (soumis à la commission permanente avant sa décision du 14 mai 2012) constituées dune pension de retraite pour inaptitude, de montant modeste ; quil semble par ailleurs ressortir de lavis dimposition sur le revenu titre 2011 quelle vit avec sa fille bénéficiaire de lallocation aux adultes handicapés (fiscalement exonérée) moyennant un quotient familial dune part et demie, alors quelle-même ne bénéficierait que dune part, ne percevant plus depuis lâge de 60 ans lallocation aux adultes handicapés (AAH) mais une pension de retraite dun montant qui apparait inférieur à celui de cette allocation ; quil ressort par ailleurs du dossier que Mme X… a été soumise à un plan dapurement de ses dettes dans le cadre de la procédure de surendettement ; quainsi sa situation peut, en labsence de toute explicitation de ladministration, être regardée, ainsi quelle le soutient, comme précaire, voire très précaire ;
Considérant, dautre part, que ladministration devant la commission centrale daide sociale ne conteste pas la bonne foi de Mme X… mais se borne en réalité à faire valoir sur le plan gracieux, que celle-ci a accepté de sacquitter dun montant mensuel de 20 euros (voire à un autre moment de 30 euros…) dans le cadre dun échéancier à établir par le payeur départemental ; que toutefois, Mme X… a toujours présenté une telle proposition à titre subsidiaire pour le cas où sa demande de remise, fondée sur linformation donnée à ladministration le 15 octobre 2007 de son déménagement intervenu le 1er octobre 2007, ne serait pas accueillie ; quil est vrai que ladministration faisait valoir dans sa défense de première instance (et en toute hypothèse le juge peut doffice tenir compte de ces circonstances de fait) que « le conseil général a informé Mme X… dès le 15 octobre 2007 de larrêt de prise en charge par le département de lEssonne le 31 décembre 2007. Lintéressée ne pouvait donc ignorer que les sommes versées par le département de lEssonne à compter du 1er janvier 2008 feraient lobjet dune demande de remboursement » ; que dans cette lettre, que Mme X… ne conteste pas avoir reçue, elle était effectivement informée que le conseil général de lEssonne assurerait « les versements de » (son) « allocation jusquau 31 décembre 2007 laissant au conseil général de lAisne la compétence den assurer la continuité » ; que même en tenant compte de la complexité (relative) des échanges administratifs et des difficultés des personnes dans une situation de la nature de celle de la requérante à lassumer, il peut être raisonnablement admis que Mme X… aurait dû « prendre ses précautions » au regard de la situation lorsquelle a constaté que le département de lEssonne continuait à lui verser des arrérages indus à compter du 1er janvier 2008, alors même quelle percevait également lesdits arrérages pour la même période du département de lAisne ; que toutefois, force est de constater que dans le dernier état de son argumentation devant la commission centrale daide sociale ladministration ne conteste pas la bonne foi de lassistée ;
Considérant quil sera fait une juste appréciation de lensemble des circonstances ci-dessus établies telles quelles ressortent du dossier soumis à la commission centrale daide sociale en modérant la créance de laide sociale sur Mme X… à hauteur de 50 % de son montant, léchéancier envisagé, sil a été mis en œuvre, nétant pas, pour le surplus, modifié dans la mesure où sa mise en œuvre naurait pas conduit à la date de la présente décision au remboursement des 50 % de lindu répété demeurant à charge de lassistée,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Art. 4.
Art. 5.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 16 octobre 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 16 octobre 2015 à 13 h 30
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLe rapporteur
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet