Mots clés : Recours en récupération Récupération sur succession Personnes handicapées Commission départementale daide sociale (CDAS) Recevabilité Composition de la formation de jugement Impartialité
Dossier no 140442
M. Y…
Séance du 16 octobre 2015
Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 10 juin 2014, la requête présentée pour Mme X… demeurant en Vendée, par Maître Alain PALLIER, avocat, tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision de la commission départementale daide sociale de la Vendée en date du 20 février 2014 rejetant sa demande dirigée contre la décision du 7 décembre 2012 du président du conseil général de la Vendée décidant à son encontre de la récupération contre la succession de son frère, M. Y…, dont elle est lhéritière, par les moyens que la commission départementale daide sociale était irrégulièrement composée ; quil nest pas justifié que Mme B… ait été désignée par le président du tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon pour le remplacer en qualité de présidente ; qua été entendue Mme L… qui est également mentionnée comme membre de la commission avec voix délibérative, alors que, selon toute vraisemblance, ce nest pas un commissaire du Gouvernement désigné par le préfet qui a prononcé ses conclusions mais un rapporteur nommé par le président du conseil général, titulaire dune voix délibérative ; que siégeaient deux membres nommés par le président du conseil général en méconnaissance des exigences du procès équitable et quainsi les dispositions de larticle L. 134‑6 du code de laction sociale et des familles nont pas été respectées ; que la décision attaquée est signée conjointement par la présidente, Mme B… et le rapporteur, M. J… sans que ces derniers ne justifient de leur compétence par une délégation régulière et régulièrement publiée ; que le principe du contradictoire a été méconnu alors que le conseil général ne sétant jamais manifesté la décision attaquée mentionne la production dune pièce non communiquée sur laquelle elle na pu faire valoir ses observations et qui constitue, surtout, le seul et unique élément sur lequel sest fondée la commission pour rejeter sa demande ; que sagissant de lillégalité interne, il résulte de larticle L. 344‑5 du code de laction sociale et des familles quaucun recours en récupération sur succession ne peut être exercé contre la personne ayant assumé la charge effective et permanente de la personne handicapée, même placée en établissement, laquelle sentend dun soutien affectif et moral ainsi que dun soutien matériel ; quelle sest occupée de manière constante de son frère de 1985 jusquà son décès le 26 juin 2012, lui apportant un soutien moral et affectif, lui rendant régulièrement visite notamment lorsque son état de santé le nécessitait et ayant des contacts téléphoniques très fréquents avec le personnel de létablissement comme étant sa plus proche parente ; que de surcroit, elle laccueillait chaque année durant un mois, en juillet, au sein de sa résidence secondaire en Vendée et que cest pourquoi de manière générale, M. Y… lui donnait mandat pour gérer lensemble de ses affaires ; quelle était également linterlocutrice privilégiée de tous les organismes et administrations pour les affaires le concernant ; que le conseil général lui adressait directement les courriers relatifs à son frère ; quelle gérait ses différents placements en centre daide par le travail (CAT), étant également lunique interlocutrice de lADAPEI et du foyer, ses droits comme sa situation fiscale et sociale ; que son âge avancé ne lui permettait pas daccueillir fréquemment ces dernières années son frère invalide à 90 % mais que pour autant elle lui rendait de fréquentes visites malgré ses difficultés de déplacement et senquérait très souvent de son état comme en témoigne la lettre du directeur du foyer du 13 mars 2009 ; quelle demande la communication de la prétendue attestation de la structure daccueil et formera des observations sur ce point ultérieurement ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré le 9 octobre 2014, le mémoire en défense présenté pour le président du conseil général de la Vendée, par Maître Alexandre VARAUT, avocat, tendant au rejet de la requête à titre principal pour irrecevabilité de la demande, à titre subsidiaire comme non fondée et à la condamnation de Mme X… à verser au département de la Vendée la somme de 1 000 euros au titre de larticle L. 761‑1 du code de justice administrative par les motifs que Mme X… napporte pas la preuve quelle réside toujours dans la commune ou le département au sens de larticle L. 134‑4 du code de laction sociale et des familles ; que le Conseil constitutionnel na écarté dans sa décision du 25 mars 2011 que les articles 2 et 3 de larticle L. 134‑6 du code de laction sociale et des familles déféré en déclarant conforme à la Constitution le surplus de larticle ; que dès lors, il ne peut être argué dune quelconque violation du principe dimpartialité ; quen lespèce, la commission départementale daide sociale de la Vendée comportait trois membres, ce qui est parfaitement conforme aux prescriptions dudit article ; que les fonctions de rapporteur et de commissaire du Gouvernement ne peuvent être confondues ; que le commissaire ne siège que lorsque des affaires lui sont confiées, ce qui nétait pas le cas en lespèce ; quil justifie de la délégation du président du tribunal de grande instance de La Roche-sur-Yon à Mme B…pour présider la commission départementale daide sociale ; que le principe du contradictoire est assuré dès lors que les parties sont mises en mesure de débattre dune pièce avant que la décision ne soit rendue ; que Mme X… était représentée par son conseil lors de laudience de la commission, lequel a donc valablement été en mesure de présenter ses observations concernant la pièce invoquée ; quelle na apporté aucun élément le contredisant et nest toujours pas en mesure de le faire ; que les cas de violation du principe du contradictoire par la jurisprudence, sont très différents de la présente situation ; quaucune erreur dappréciation des faits na été commise par la commission ; quau titre de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, ladministration étant titulaire dun droit de préférence, lintérêt public est privilégié par rapport à celui aux héritiers ; que Mme X… ne peut revendiquer lapplication de lexception visée à larticle L. 344‑5 du code de laction sociale et des familles quen rapportant la preuve de « la charge effective et constante » quelle a assumée pour M. Y…, alors que cette notion ne sentend pas dune charge financière mais dun soutien matériel et psychologique ; que la dimension affective de la relation entretenue doit être telle que le soutien de la personne handicapée doit être considéré comme ayant constitué le soutien principal de celle-ci tout au long de son existence, notamment par de fréquentes visites et des séjours en famille, manifestant un intérêt qui ne sest jamais démenti ; que la jurisprudence de la commission centrale daide sociale dans le cadre de lapplication de la méthode dinterprétation dite du « faisceau dindices » insiste sur la dimension affective ; quen lespèce, les pièces versées au dossier ne permettent pas de se convaincre de lengagement affectif intense et constant de Mme X… vis-à-vis de son frère, M. Y… ; quelle nétablit pas avoir été particulièrement présente auprès de celui-ci avant le placement en institution, au cours de ses placements et jusquà son décès ; qualors que M. Y… était placé depuis 1981, elle ne produit des pièces relatives quà des très récentes démarches pour lessentiel concernant les années 2010 à 2012 ; quelle napporte pas la preuve de ce quelle constituait un soutien effectif et constant pour son frère, nonobstant la preuve apportée quelle administrait ses biens et ses affaires ; quainsi, Mme X… ne peut être regardée comme la personne ayant assuré « la charge effective et constante » de M. Y… au sens de larticle L. 344‑5 du code de laction sociale et des familles ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Après avoir entendu à laudience publique du 16 octobre 2015 M. GOUSSOT, rapporteur, Maître PALLIER et M. X…, en leurs observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Sur la recevabilité de la demande à la commission départementale daide sociale de la Vendée ;
Considérant que Mme X… agit en tant quhéritière, destinataire de la notification de la décision de récupération contre la succession ; que nonobstant labsence de « toilettage matériel » des dispositions de larticle L. 134‑4 du code de laction sociale et des familles énumérant les personnes qui ont intérêt et qualité pour agir devant le premier juge de laide sociale, elle justifiait bien ainsi dun tel intérêt et dune telle qualité et que sa demande à la juridiction de premier ressort était bien recevable ;
Sur la régularité de la décision attaquée de la commission départementale daide sociale de la Vendée, sans quil soit besoin dexaminer les autres moyens ;
Considérant que le moyen tiré de labsence de respect du principe dindépendance et dimpartialité est soulevé ;
Considérant que quelles que puissent être lexactitude et la pertinence des arguments soulevés au soutien et à lencontre de ce moyen par les parties, il ressort des mentions de la décision attaquée en premier lieu, que la commission départementale daide sociale a « entendu Mme L…
Sur la demande de Mme X… à la commission départementale daide sociale de la Vendée ;
Considérant que pour lapplication de lexception prévue à larticle L. 344‑5 du code de laction sociale et des familles à la récupération prévue à larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles contre les héritiers autres que les ascendants ou descendants et concernant celles qui « ont assumé de façon effective et constante la charge du bénéficiaire », il appartient à ceux qui se prévalent de cette dernière qualité dapporter la preuve quils entrent bien dans le champ dapplication de cette disposition dérogatoire ; que cette charge peut être à la fois matérielle mais aussi, et surtout, « affective et morale » et que la seule gestion déléguée des intérêts patrimoniaux et des obligations administratives de lassisté à un tiers, même lorsque, comme en lespèce, aucune mesure de protection ne parait avoir été instituée, Mme X… intervenant en fonction dun mandat donné par son frère, ne suffit pas, sauf lorsque des circonstance particulières qui ne sont pas établies en justifient, à apporter la preuve de ce que lintéressé assume bien la charge dont il sagit ; quen outre, cette charge sapprécie durant lensemble des années durant lesquelles les relations entre les intéressés se sont manifestées, avant et après le placement ;
Considérant quen lespèce, M. Y… a été placé au foyer « F… » de 1981 jusquà son décès en 2012 ; quà lencontre de lattestation fournie par le défendeur de la directrice du foyer doù il résulte quaprès 1985 M. Y… na séjourné que deux jours chez sa sœur et doù il ne résulte pas quelle lui rendait de fréquentes visites, Mme X… napporte que, dune part ses seules allégations selon lesquelles elle aurait reçu son frère chaque année dans sa résidence secondaire durant un mois ; dautre part une lettre du directeur du foyer expédiée le 6 mars 2009 doù il résulte que la prise en charge par léquipe du foyer est grandement facilitée par la conscience qua M. Y… de lattention de sa sœur à son bien-être qui lui est dun grand secours, ce qui dénote des relations naturelles daffection fraternelle entre le frère et la sœur mais nétablit pas, à soi seul, un engagement dune durée et dune intensité telles quil justifie de la charge effective et constante litigieuse ; enfin lindication que durant les dernières années de la vie de M. Y…, elle-même devenue âgée et non valide pouvait difficilement se déplacer, ce qui ne peut concerner que ces dernières années et non lensemble de la période au titre de laquelle il appartient au juge dapprécier si la preuve qui incombe à celui qui demande à bénéficier de la dérogation litigieuse est apportée ; quainsi, en létat des éléments de preuve fournis par Mme X… et au regard de lattestation qui lui a été communiquée, comme il nest pas contesté, par le secrétariat de la commission centrale daide sociale en cours dinstance et quelle a été mise à même de préciser ou de critiquer, la requérante napporte pas la preuve qui lui incombe et sa demande à la commission départementale daide sociale de la Vendée ne peut quêtre rejetée ;
Sur les conclusions du président du conseil général de la Vendée tendant à lapplication des dispositions « de larticle L. 761‑1 du code de justice administrative » ;
Considérant que dans les circonstances de lespèce et pour lapplication des dispositions seules applicables de larticle 75-I de la loi du 10 juillet 1991, il ny a pas lieu de faire droit aux conclusions susanalysées tendant à ce que soient mis à la charge de la requérante les frais non compris dans les dépens exposés par le département de la Vendée,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Art. 4.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 16 octobre 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 16 octobre 2015 à 13 h 30.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLe rapporteur
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet