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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Détermination de la collectivité débitrice

Domicile de secours

Mots clés : Domicile de secours – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Tuteur – Sans domicile fixe – Allocation personnalisée d’autonomie (APA) – Décision – Motivation – Preuve – Etablissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD)

Dossier no 120831 bis (et non 150050)

M. X…

Séance du 16 octobre 2015

Décision lue en séance publique le 16 octobre 2015 à 13 h 30

Vu la décision en date du 27 juin 2014 par laquelle la section « personnes âgées » de la commission centrale d’aide sociale, statuant sur la requête présentée par l’association A… dont le siège est dans l’Oise, agissant comme tuteur de M. X… demeurant dans l’Oise, tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris en date du 22 juin 2012 qui « se déclare incompétente pour statuer sur » la demande présentée par Mme M…, assistante sociale, au nom de M. X… tendant à l’infirmation de la décision du préfet de Paris du 9 décembre 2008 rejetant sa demande d’aide sociale à l’hébergement des personnes âgées par le motif que sa situation de « sans domicile de secours » n’est pas prouvée, a dans son article 1er annulé la décision du préfet de Paris et dans son article 2 décidé que « la collectivité débitrice sera déterminée ultérieurement par la section de la commission centrale d’aide sociale compétente » ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les lettres en date du 11 août 2014 du secrétariat de la commission centrale d’aide sociale impartissant au préfet de Paris, mais également au président du conseil de Paris, de produire « une lettre de saisine devant la commission centrale d’aide sociale » ;

Vu la lettre du préfet de Paris en date du 31 octobre 2014, enregistrée le 17 novembre 2014, tendant à ce que la commission centrale d’aide sociale « tranche le litige portant sur la collectivité débitrice de l’aide sociale en tant qu’elle a décidé d’affecter à l’origine la charge financière de l’admission à l’aide sociale de M. X… au département de Paris » en exposant que M. X… a sollicité l’aide sociale aux personnes âgées auprès du préfet le 6 septembre 2007 ; qu’une décision de refus du 9 décembre 2008 a été notifiée au motif que « la situation d’absence de domicile de secours n’est pas prouvée » ; que M. X… a déposé le 20 mars 2009 auprès du département de Paris une demande d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) en établissement ; qu’une décision du 30 mars 2009 a été révisée par une décision du 29 mars 2010 en accordant l’APA à M. X… versée directement à l’établissement, la participation laissée à la charge de M. X… serait prise en charge au titre de « l’aide sociale à l’hébergement dont il bénéficie par ailleurs » ; qu’un recours daté du 29 avril 2010 a été formé par une assistante sociale contre la décision du 9 décembre 2008 ; qu’ainsi la prise en charge des frais de placement selon les termes de la décision du 29 mars 2010 du président du conseil de Paris présuppose, en tant que de besoin, l’existence d’un domicile de secours acquis dans le département de Paris comme le précise l’attestation d’élection de domicile du 22 janvier 2010 et qu’en conséquence les dépenses liées à cette prise en charge ne relèvent pas de l’Etat ;

Vu les différentes correspondances de l’association A… sollicitant qu’il soit statué sur l’objet du litige ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 16 octobre 2015 M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant que saisie en appel par l’association A…, tuteur de M. X…, d’une décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris de date non précisée (« débats à l’audience du 22 juin 2012 ») se déclarant incompétente pour statuer sur le litige dont elle était saisie par une assistante sociale de l’hôpital H…, pour M. X…, et renvoyant le dossier devant la commission centrale d’aide sociale, la section « personnes âgées » de la commission centrale d’aide sociale a renvoyé à la présente section « la question de la détermination du domicile de secours » par une décision qui doit être regardée comme admettant implicitement mais nécessairement la compétence de la commission centrale d’aide sociale et la recevabilité de l’appel dans le cadre d’une instance devant une juridiction spécialisée non régie par le code des tribunaux administratifs ;

Considérant ainsi que la présente formation est saisie de la motivation de la décision du préfet de Paris en date du 9 décembre 2008 rejetant la demande d’admission à l’aide sociale selon laquelle « la situation de sans domicile de secours n’est pas prouvée » ; qu’il lui appartient de statuer sur la question du domicile de secours et, dans la mesure où le dossier le permet, sur les droits de l’assisté à l’aide sociale qu’il avait sollicitée ;

Considérant que, nonobstant les diligences du secrétariat postérieures à la décision du 27 juin 2014, cette décision rendue sur une demande de l’assisté contre une décision de refus d’admission à l’aide sociale relevait bien de la compétence, d’ailleurs implicitement mais nécessairement admise par la décision avant dire droit de la section « personnes âgées », de la juridiction de l’aide sociale saisie par le demandeur d’aide successivement en première instance et en appel, sans qu’il y ait eu lieu, postérieurement à la décision du 27 juin 2014, d’inviter tant le préfet que, en tout état de cause, la présidente du conseil de Paris à formuler une lettre de saisine de la commission centrale d’aide sociale de la nature de celles qu’ils rédigent pour introduire une instance de l’article L. 134‑3 du code de l’action sociale et des familles ; que la commission centrale d’aide sociale, bien qu’elle ait omis d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale avait, comme il a été dit, implicitement mais nécessairement reconnu sa compétence (comme la recevabilité de la demande et de l’appel) pour connaître de la requête no 120831 et statuer sur le litige et est regardée comme ayant ainsi, avant dire droit, considéré, ce qu’il ne lui était pas interdit de faire et quelle que puisse être la pertinence de cette solution, qu’il n’appartenait qu’à la présente section de statuer sur la question du domicile de secours puis, en tant que de besoin (car la section « personnes âgées » ne peut être regardée comme ayant tranché ce point), sur l’admission à l’aide sociale de M. X… ; qu’en conséquence, il y a lieu en premier chef de radier des registres de la commission centrale d’aide sociale le dossier no 150050, considéré par le secrétariat comme relatif à une requête du préfet de Paris sollicitée à la suite de la décision du 27 juin 2014 de la section « personnes âgées » ;

Considérant que, comme il a été dit, la commission centrale d’aide sociale s’est reconnue compétente et d’ailleurs l’était pour statuer sur l’appel de l’association A… et, en tout état de cause, a admis implicitement mais nécessairement la recevabilité de l’appel, comme de la demande, cette demande et cet appel étant d’ailleurs recevables, sous réserve de ce que ce n’est qu’en appel qu’a été régularisée par l’association A…, alors tuteur de M. X…, l’invitation faite au travailleur social qui a formulé la demande de première instance par le secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de régulariser la demande en tant qu’elle n’était pas signée par M. X…, régularisation d’ailleurs non assortie au dossier, devenu, il est vrai, difficilement gérable au fil du temps, d’un accusé de réception de cette demande du premier juge ; qu’ainsi et en tout état de cause, au stade où la présente formation examine ce dossier, il n’y a lieu de mettre en cause ni la compétence, d’ailleurs avérée, de la commission centrale d’aide sociale, ni la recevabilité, d’ailleurs pour l’essentiel et sans doute pour le tout, également avérée de la demande et de l’appel ;

Considérant que, comme il a été dit, il appartient dorénavant à la présente formation d’abord de statuer sur l’imputation financière de la dépense d’aide sociale puis, dans la mesure où le dossier le permet, sur l’admission à l’aide sociale, ce que n’a pas fait réellement en toute hypothèse la décision avant dire droit ;

Sur l’imputation financière de la dépense ;

Considérant qu’il y a lieu de répondre d’abord à l’argumentation explicite seulement formulée par le préfet dans sa lettre du 31 octobre 2014, comme suite à l’invitation à produire de la commission dans la lettre du 11 août 2014, lettre qu’il y a lieu de considérer, en l’état des péripéties de ce dossier, comme un mémoire en défense à l’appel de l’association A… pour M. X… ;

Considérant en premier lieu que le préfet de Paris qui ne conteste d’ailleurs pas la recevabilité de la demande quant au délai devant la commission départementale d’aide sociale, au surplus admise implicitement mais nécessairement par la décision du 27 juin 2014 qui est définitive, soutient, pour l’essentiel, que des décisions du département de Paris ont admis M. X… à l’allocation personnalisée d’autonomie, alors qu’il était déjà admis dans un établissement au titre duquel la prise en charge par l’aide sociale des frais d’hébergement et d’entretien est litigieuse, mais qu’aucune décision n’avait été prise sur sa demande d’aide sociale à l’hébergement et que la part « résiduelle » du tarif dépendance non couvert par l’APA avait été par des décisions ultérieures du département renvoyée au tarif hébergement et donc à la décision à prendre en la présente instance ; qu’il « considère » que la prise en charge des frais de placement de M. X… « selon les termes de (sa) décision du 29 mars 2008 (statuant sur l’APA) présuppose en tant que de besoin l’existence d’un domicile de secours acquis dans le département de Paris »  souligné par la commission centrale d’aide sociale  (voir attestation d’élection de domicile établie le 22 janvier 2010) et « qu’en conséquence, les dépenses liées à cette prise en charge ne relèvent pas de l’Etat » ;

Considérant que cette formulation est littéralement, une fois encore, incompréhensible à son niveau d’entendement par la présente formation ; qu’il convient de rappeler au préfet de Paris qu’en vertu de l’article L. 264‑1 du code de l’action sociale et des familles (applicable à compter du 1er juillet 2007, la demande d’aide sociale étant postérieure, le 6 septembre 2007), les frais d’APA ne peuvent en aucun cas être imputés à l’Etat et nécessitent pour que soit déterminé le département débiteur compétent une élection de domicile dans ce département (cf. jurisprudence constante de la présente formation, il est vrai jamais déférée au Conseil d’Etat depuis des années…) ; que dans ces conditions, non seulement l’élection de domicile dans un département en matière d’APA est sans conséquence quant à la détermination du domicile de secours en matière de prise en charge des frais d’hébergement et d’entretien qui eux continuent, lorsque l’assisté est sans domicile fixe, à relever de l’Etat au titre des articles L. 121‑7 et L. 111‑3 du code de l’action sociale et des familles, mais encore l’argument au soutien du moyen ou le moyen du préfet est entaché d’erreur de droit puisqu’en tout état de cause l’élection de domicile, dont se prévaut ledit préfet, conduit à constater qu’il considère apparemment que M. X… était sans domicile fixe au moment de la demande d’aide sociale et avant d’être admis pour la première fois en mars 2008 dans un établissement « sanitaire ou social » (USLD d’un centre hospitalier) ; qu’ainsi le moyen en réalité unique du préfet de Paris, pour autant que la présente formation ait réussi à le comprendre, est inopérant et en tout cas non fondé ;

Considérant en second lieu, qu’il appartient à la présente formation de statuer sur l’imputation financière de la dépense au titre des frais d’hébergement et d’entretien (et non d’APA !…) ; qu’à cet égard, selon sa jurisprudence constante, la preuve de l’absence d’imputabilité à sa collectivité appartient à l’autorité d’aide sociale qui a pris la décision de refus de reconnaissance de sa compétence d’imputation financière opposée à l’assisté et qui, d’ailleurs, n’a toujours pas saisi la commission centrale d’aide sociale au titre de l’article L. 134‑3 ; que dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler la « dialectique de la preuve », celle-ci doit, à tout le moins, apporter des éléments corroborant initialement son refus de reconnaissance de compétence et au vu des éléments apportés par la collectivité adverse, il appartient au juge de statuer, compte tenu de l’instruction ; qu’en l’état, le préfet de Paris n’a, à aucun moment, établi ni même soutenu, en reportant la preuve… sur l’assisté, que M. X…, à supposer même qu’il se trouvât dans un « wagon » lors de la demande d’aide sociale, alors qu’il avait élu domicile au centre communal d’action sociale de Paris, n’avait pas acquis par une période continue de plus de trois mois de résidences, même différentes et successives, dans le département de Paris un domicile de secours dans celui-ci et/ou ne l’avait pas ultérieurement perdu par une absence ininterrompue de plus de trois mois dudit département ; qu’au contraire, la seule argumentation susrappelée qu’il produit devant le juge est dans le sens de l’imputation financière à l’Etat ; que la preuve, qui incombe à la collectivité d’aide sociale qui dénie sa compétence, n’est ainsi, au vu des éléments fournis à la commission centrale d’aide sociale et de l’argumentation, notamment essentiellement celle susrappelée du préfet de Paris, pas considérée comme apportée par celui-ci et qu’il y a lieu en définitive de désigner l’Etat comme débiteur des frais entraînés depuis mars 2008 par la prise en charge à l’USLD du centre hospitalier H… de M. X… et qui auraient été ou viendraient à être occasionnés dans un autre établissement, notamment un EHPAD répondant mieux aux besoins évolutifs de M. X… qu’une USLD au titre de l’aide sociale à l’hébergement et l’entretien des personnes âgées, dont au vu du dossier il aurait été empêché (il est vrai, il y a quelques années…) de bénéficier par les atermoiements des financeurs ;

Sur l’admission de M. X… à l’aide sociale ;

Considérant que, comme l’a relevé la section « personnes âgées » de la commission centrale d’aide sociale dans sa décision « avant dire droit » du 27 juin 2014, l’état du dossier permet de considérer  et en réalité pas seulement a priori mais avec un degré de certitude suffisant  que, compte tenu de ses ressources, M. X… est susceptible d’être admis que ce soit totalement ou partiellement à l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement et d’entretien en ULSD ou éventuellement dans un autre établissement de type EHPAD financé par l’aide sociale au titre de l’aide aux personnes âgées ; que, par contre, l’état du dossier ne permet pas de fixer la participation de l’aide sociale à ces frais d’hébergement et d’entretien ; qu’il y a lieu en conséquence de renvoyer M. X… par son tuteur, l’association A…, devant le préfet de Paris, afin que soient fixées les participations respectives de l’assisté et de l’aide sociale aux frais litigieux ;

Considérant que le remboursement de la contribution pour l’aide juridique exposée en première instance n’est pas sollicité,

Décide

Art. 1er L’instance ouverte, sous le no 150050, est radiée des registres de la commission centrale d’aide sociale.

Art. 2.  La décision de la commission départementale d’aide sociale de Paris en date du 22 juin 2012, ensemble la décision du préfet de Paris du 9 décembre 2008, sont annulées.

Art. 3.  M. X… est admis à l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement et d’entretien à l’USLD du centre hospitalier H… exposés depuis la date d’effet de la demande d’aide sociale présentée après son admission à l’USLD, compte tenu des dispositions de l’article R. 131‑2 du code de l’action sociale et des familles et est renvoyé devant le préfet de Paris pour qu’il soit statué, compte tenu de ses revenus (et non de son capital…) sur ses droits à l’aide sociale au titre de ladite période.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à l’association A…, au préfet de Paris, à la présidente du conseil de Paris. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de Paris et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 16 octobre 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 16 octobre 2015 à 13 h 30.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

M.-C. Rieubernet