Mots clés : Recours en récupération Récupération sur succession Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Hébergement Personnes handicapées Compétence juridictionnelle Précarité
Dossier no 140122
M. Y…
Séance du 21 mai 2015
Vu le recours formé par Mme X… en date du 18 février 2014 tendant à lannulation de la décision en date du 8 novembre 2013 par laquelle la commission départementale daide sociale de Paris a confirmé la décision du président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil départemental statuant au titre successoral en date du 17 janvier 2011 de procéder au recours en récupération sur la succession de M. Y…, père de la requérante, à concurrence de lintégralité de sa créance daide sociale dun montant de 40 512,02 euros pour lhébergement de M. Y… en maison de retraite du 20 novembre 2002 au 24 janvier 2005, date de son décès ;
La requérante soutient dans un premier temps que létude notariale DELOUIS et CARVAIS quelle avait chargée du règlement de la succession de son père ne la pas informée des demandes répétées du département de Paris en vue dobtenir les éléments relatifs à la succession, quil serait ainsi préjudiciable de lui imputer la responsabilité de linertie du notaire qui avait à son égard devoir dinformation et de conseil, que pour preuve de sa bonne foi elle produit un courrier de réponse quelle avait adressé le 3 novembre 2006 à la demande des services du conseil de Paris concernant les éléments de la composition de la succession dactif ; dans un deuxième temps quaucune récupération des prestations daide sociale à lhébergement avancée par le département de Paris ne devrait pouvoir être envisagée sur la succession de M. Y… dès lors que ce dernier, reconnu handicapé avec un taux dinvalidité de 100 % depuis le 1er décembre 1995, devrait bénéficier de lapplication de larticle L. 344‑5 du code de laction sociale qui exclut de la procédure de récupération les enfants, le conjoint, les parents (depuis la loi du 11 février 2005) et la personne ayant assumée la charge effective et permanente de la personne ; dans un troisième et dernier temps quelle a cessé son activité professionnelle depuis 1996 pour se consacrer à ses parents et quelle se trouve à ce jour à la recherche dun emploi, quelle nest donc pas en mesure de rembourser la créance daide sociale du département ;
Vu le mémoire en défense produit par le président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil départemental enregistré en date du 23 septembre 2014 qui conclut au maintien du recours sur la succession de M. Y… à concurrence de lactif net successoral, soit 31 900 euros (arrondi) aux motifs dans un premier temps que si le règlement de la succession a bien été confié à létude notariale DELOUIS et CARVAIS contrairement à ce que cette dernière prétend, et que même si celle-ci a été visiblement négligente, il nempêche que Mme X…, pourtant informée de lexistence dune créance daide sociale dès le 5 avril 2006, ne sest pas inquiétée du recouvrement de celle-ci ; dans un deuxième temps, que la circonstance que M. Y… ait été titulaire dune reconnaissance de handicap supérieur à 80 % est sans incidence sur lexamen du litige dès lors que celle-ci est intervenue postérieurement à lâge de 65 ans, quen effet, pour bénéficier des dispositions réservées aux personnes handicapées il est nécessaire que la reconnaissance du taux dincapacité soit intervenue avant lâge de 65 ans, que les dispositions spécifiques aux personnes handicapées ne sauraient donc sappliquer à la récupération des prestations avancées pour le compte de M. Y… ; dans un troisième et dernier temps que les allégations de la requérante relatives à sa situation matérielle demeurent exclusivement déclaratives, quelle indique avoir cessé toute activité professionnelle depuis 1996 pour se consacrer à ses parents et être inscrite à pôle emploi, quaucun élément ne permet détablir quelles sont ses ressources ;
Vu le mémoire en réplique présenté par Mme X… en date du 16 octobre 2014 par lequel elle persiste dans les mêmes conclusions en précisant que lorsque lon charge un notaire dune succession cest précisément pour quil sacquitte de toutes les obligations légales, que de son côté elle avait à gérer son propre deuil ainsi que celui de sa mère profondément affectée, quen tout état de cause, la volonté de sa part de contacter le conseil de Paris aux fins de fournir les éléments demandés a bien été admise, que son père aveugle était considéré comme handicapé à 100 % et que depuis la loi du 11 février 2005 le régime daide sociale est déterminé par rapport à la qualité de la personne concernée quelle que soit sa structure daccueil et efface la barrière dâge, elle apporte enfin des éléments attestant de sa grande précarité financière
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 21 mai 2015, Laurène DERVIEU, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant tout dabord que la circonstance que létude notariale mandatée par Mme X… aux fins de régler la succession de son père ait tardé à répondre au conseil départemental et ait failli à ses obligations dinformation et de conseil de sa cliente ne relève pas de la compétence de la commission centrale daide sociale, que ce moyen est donc inopérant et sans incidence sur la présente instance ;
Considérant ensuite quaux termes de larticle L. 344‑5-1 « Toute personne handicapée qui a été accueillie dans un des établissements ou services mentionnés au 7o du I de larticle L. 312‑1 bénéficie des dispositions de larticle L. 344‑5 lorsquelle est hébergée dans un des établissements et services mentionnés au 6o du I de larticle L. 312‑1 du présent code et dans les établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée. Larticle L. 344‑5 du présent code sapplique également à toute personne handicapée accueillie dans un établissement ou service mentionné au 6o du I de larticle L. 312‑1 ou dans un établissement autorisé à dispenser des soins de longue durée, et dont lincapacité, reconnue à la demande de lintéressé avant lâge mentionné au premier alinéa de larticle L. 113‑1, est au moins égale à un pourcentage fixé par décret », quau regard de cet article, M. Y… nayant jamais été accueilli dans un établissement pour personnes en situation de handicap et ayant été reconnu comme ayant un taux dincapacité de 100 % postérieurement à lâge de 65 ans, il ny a pas lieu dappliquer à M. Y… les règles spécifiques à laide sociale aux personnes handicapées mais bien celles de laide sociale aux personnes âgées ;
Considérant ainsi quaux termes du 1er alinéa de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par lEtat ou le département (…) contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire » ; quaux termes de larticle R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à larticle L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale (…) » ;
Considérant quaux termes du 4e alinéa de larticle R. 132‑11 dudit code, le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer ; que le président du conseil de Paris réuni en formation de conseil départemental a, par une décision en date du 17 janvier 2011, décidé de récupérer la somme de 40 512,02 euros, relative aux frais avancés au titre de laide sociale pour la prise en charge des frais dhébergement de M. Y… et ce dans la limite du montant de lactif net successoral ;
Considérant quil résulte de linstruction du dossier que cet actif net successoral se compose uniquement dun bien qui appartenait en indivision à M. Y… et son épouse Mme Y… ainsi quau frère de cette dernière, que ce bien a été vendu le 8 juillet 2005 pour la somme de 480 000 euros dont la moitié, 240 000 euros est revenue au couple Y…, soit 120 000 euros pour la succession de M. Y…, que toutefois, le patrimoine des époux Y… était grevé dune importante dette fiscale de 232 977,53 euros ramenée à 147 569 euros à lissue dune remise de ladministration fiscale, ce qui ramène la succession de M. Y… à 73 784,73 euros ; quà cela sajoute une dette de 14 000 euros due au frère de M. Y… ; que létude notariale DELOUIS et CARAVAIS a chiffré le produit de la vente revenant aux époux Y… à 71 859,57 euros, que lactif successoral serait ainsi de 35 929,78 euros ;
Considérant que Mme X… fait état dune facture de 13 399,55 euros relative aux frais dobsèques que le conseil départemental na pas déduit du montant de lactif successoral, que dans une décision no 263314 du 5 novembre 2004 le Conseil dEtat a déclaré « quaucune disposition législative ou réglementaire ne permet au département de limiter à un montant forfaitaire les frais dobsèques ; que ces frais, à moins quil naient un caractère excessif, doivent être déduits de lactif net successoral dès lors quils sont réels et vérifiés », quen lespèce, les frais dobsèques qui comprennent la construction dun caveau revêtent ici un caractère excessif, quil y a donc lieu de déduire non pas lintégralité de ces frais funéraires mais seulement 4 000 euros comme le suggère le conseil de Paris ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que le montant de lactif net successoral sélève à 31 929,78 euros, que le conseil de Paris propose darrondir à 31 900 euros ;
Considérant que si le département est fondé en droit à réclamer lintégralité de cette somme à Mme X…, toutefois le juge de laide sociale est de son côté fondé à accorder une modération des sommes revenant à la collectivité débitrice de laide sociale si les héritiers justifient de difficultés sociales, familiales et financières importantes ; quil résulte des éléments fournis par la requérante quelle est sans emploi et sans revenu, quelle a cessé toute activité professionnelle depuis 1996 pour accompagner ses parents dans leurs épreuves, il sen suit que la récupération de la créance daide sociale est ramenée à hauteur de 15 950 euros, quil appartient à la requérante de solliciter un échéancier de paiement auprès du payeur départemental et éventuellement de saisir celui-ci si, dans le cours de lexécution de cet échéancier, sa situation venait à saggraver,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 21 mai 2015 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme DERVIEU, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 21 mai 2015.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet