Mots clés : Recours en récupération Récupération sur succession Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Hébergement Prescription Actif net successoral Compétence juridictionnelle
Dossier no 140117
Mme Z…
Séance du 18 mars 2015
Vu le recours formé le 18 mars 2014 par Mme X… tendant à annuler la décision de la commission départementale daide sociale du Nord réunie le 21 janvier 2014 ayant rejeté le recours et confirmé la décision de la commission départementale daide sociale du Nord du 21 janvier 2014 de récupérer sur la succession la créance daide sociale à lhébergement de 6 294 euros dont a bénéficié Mme Z…, sa mère, du 1er janvier 2003 au 20 mai 2006 ;
La requérante soutient quelle na pas reçu la notification du 10 juin 2004 et quelle na pas pris connaissance du recouvrement demandé par le conseil général du Nord du 29 septembre 2006 linformant de la récupération de la créance de 6 294 euros ; quelle a alors téléphoné au conseil général pour avoir des informations qui lui a confirmé par courrier et dit que « le montant à récupérer est supérieur à celui de la succession, lexcédent ne sera pas réclamé et les frais de succession ne seront pas à votre charge ; quelle a payé les frais de succession au notaire, Maître DEBRABANT ; quelle peut prouver les dépenses engagées pour le maintien à domicile de sa mère de 1997 à novembre 2001 sans apporter les factures ; que lors du diagnostic médical du médecin traitant en 1997, elle est revenue vivre chez sa mère pour la soigner ; que de 1997 à 2000, elle travaillait la journée et soccupait de sa mère à son retour ; quelle a pris une aide à domicile quelle payait et a réduit son temps de travail en août 2000 jusquen 2004 ; quelle a emprunté de largent pour que la maison familiale ne soit pas vendue du fait de la mise en liquidation judiciaire de son père ; quelle ne possède plus les 6 000 euros réclamés par le conseil général ; quelle vient de faire un prêt pour son habitation suite à des soucis de santé ; quelle demande lannulation de la récupération de la créance ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré le 7 juillet 2014, le mémoire en défense du président du conseil général du Nord tendant au rejet du recours formé par Mme X… et à confirmer la décision de recours sur la succession prise par la commission départementale daide sociale ; il soutient que laide sociale est un droit subsidiaire et que les prestations versées par le département au titre de la prise en charge des frais de séjour en établissement ont un caractère davance récupérable sur la succession du bénéficiaire de laide sociale (L. 132‑8) ; que par courrier du 3 mars 2005, le notaire a communiqué au département une copie de lattestation de lactif net successoral et lattestation dévolutive de succession ; que lactif net successoral sélève à 9 545,39 euros et que Mme X… est la seule héritière ; que la créance daide sociale sélève à 6 294 euros du 1er janvier 2003 au 20 mai 2004 ; que toute décision sur ladmission à laide sociale doit être notifiée à lintéressée et le cas échéant aux personnes tenues à lobligation alimentaire ; quil est précisé que ces personnes sont tenues conjointement au remboursement de la somme non prise en charge par laide sociale ; que le département a transmis la notification de la décision de prise en charge des frais dhébergement de Mme Z…à compter du 1er janvier 2003 à sa fille, le 10 juin 2004, en proposant de participer aux frais à hauteur de 58 euros par mois ; que la somme réclamée de 6 294 euros par le département correspond à la dépense nette dhébergement engagée par la collectivité, comme indiqué dans les documents transmis par la maison de retraite ; que la commission départementale ne réclame que le remboursement des frais avancés depuis 2003, alors même que la prise en charge des frais dhébergement a été accordée en 2001 ; que, conformément à larticle 2262 du code civil en vigueur avant la réforme du 17 juin 2008, ladministration dispose dun délai de 30 ans en matière civile pour établir létat exécutoire sur le fondement duquel intervient la mise en recouvrement de sa créance sur le titulaire dune succession dun bénéficiaire à laide sociale ; quaucun délai nest imparti au département pour lexercice des recours prévus au titre des dispositions de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles ; quaucun paiement na été effectué par la requérante au titre de son obligation alimentaire à légard de sa mère bien que la commission départementale lui ait proposé de participer aux frais de séjour à hauteur de 58 euros par mois ; quenfin, la récupération seffectue uniquement sur lactif net successoral du bénéficiaire de laide sociale et non sur son patrimoine personnel et quau regard de la somme de 9 545 euros, la créance de 6 294 euros na pas pour effet de placer cette dernière dans une situation de précarité ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 18 mars 2015, Mme GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes de larticle 205 du code civil : « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. » ; quaux termes de larticle 208 du même code : « Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit. » ; quaux termes de larticle L. 132‑6 du code de laction sociale et des familles : « Les personnes tenues à lobligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à loccasion de toute demande daide sociale, invitées à indiquer laide quelles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. (…) La proportion de laide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à lobligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de laide sociale dune décision judiciaire rejetant sa demande daliments ou limitant lobligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par lorganisme dadmission. (…) » ;
Considérant quaux termes de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles « Des recours sont exercés, selon le cas, par lEtat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. En ce qui concerne les prestations daide sociale à domicile, de soins de ville prévus par larticle L. 111‑2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, lexistence dun seuil de dépenses supportées par laide sociale, en deçà duquel il nest pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de laide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier sexerce sur la partie de lactif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ;
Considérant quil appartient aux juridictions de laide sociale, en leur qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de laction en récupération daprès lensemble des circonstances de fait dont il est justifié par lune et lautre des parties à la date de leur propre décision ; quà ce titre, elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, daménager les modalités de cette récupération ;
Considérant quil résulte de linstruction que Mme Z… a bénéficié de laide sociale du 1er janvier 2003 au 20 mai 2004 pour un montant de 6 294 euros ; que suite à la décision de récupération sur succession par la commission dadmission à laide sociale du 28 avril 2005, Mme X… a formé un recours auprès de la commission départementale daide sociale du Nord qui a décidé, par jugement du 21 janvier 2014, de rejeter son recours et confirmé la légalité de la décision contestée ;
Considérant que la commission dadmission à laide sociale a notifié la décision dadmission à laide sociale dans un courrier du 10 juin 2004 adressé à Mme Z… et à sa fille en proposant aux débiteurs daliments de participer aux frais dhébergement de sa mère à hauteur de 58 euros par mois ; que la créance représente les sommes prêtées par le département quà compter du 1er janvier 2003 alors que Mme Z… est entrée dans létablissement le 1er novembre 2001 ; quenfin, la prescription nest pas éteinte car antérieurement à la loi de 2008, la prescription en matière civile était fixée à 30 ans ;
Considérant que le montant estimé de lactif net successoral sélève à 9 545,39 euros ; quen vertu des dispositions du code de laction sociale et des familles citées ci-dessus, la récupération prononcée par le département sur la succession de Mme Z… ne peut excéder le montant de lactif net successoral ; queu égard au fait que Mme X… est revenue vivre chez sa mère pour la soigner à partir de 1997 et quelle a rémunéré une aide à domicile à partir de 2000, avant de réduire son temps de travail de 2000 à 2004 sur son poste demployée administratif ; que suite à des problèmes financiers de son père, elle a emprunté de largent ; quelle connaît elle-même des problèmes de santé et a été reconnue travailleur handicapé en 2014 ; quun prêt de 50 000 euros a été contracté en juillet 2014 auprès de CNP assurances ; quelle apporte les justificatifs de ce quelle avance ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que Mme X… est fondée à soutenir que cest à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale daide sociale du Nord a rejeté son recours contre la décision du président du conseil général ; quil y a lieu de réformer cette décision en portant à 3 000 euros le montant de la récupération prononcée contre la succession de Mme Z…,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 18 mars 2015 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme GOMERIEL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 20 mai 2015.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet