Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Ressources - Allocation aux adultes handicapés (AAH) - Décision  Remise - Conseil d’Etat - Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) - Compétence pour prendre la décision
Dossiers nos 140156 et 140157

Mmes M... et V...
Séance du 19 juin 2015

Décision lue en séance publique le 19 juin 2015, à 13 h 30     Vu 1 et 2, enregistrées à la direction départementale de la cohésion sociale du Bas-Rhin le 19 février 2014, les requêtes présentées pour Mmes M... et V..., représentées par leur tutrice, Mme F..., demeurant dans le Bas-Rhin, par Maître AIROLDI-MARTIN, avocat, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler les décisions en date du 16 décembre 2013 par lesquelles la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin a rejeté leurs demandes dirigées contre les décisions du président du conseil général du Bas-Rhin du 27 juin 2012 rejetant leurs demandes en date du 20 mai 2012 tendant à la remise gracieuse des sommes de 18 632,51 euros et de 18 614,55 euros répétées pour avoir recouvrement de leurs participations excédant le minimum garanti de 30 % de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) non versées au gestionnaire du foyer « F... » (Belgique) pour la période de prise en charge dans ce foyer du 1er février 2008 au 31 octobre 2011 par les moyens qu’elles sont trisomiques et très lourdement handicapées, bénéficiant de l’AAH et de la prestation de compensation du handicap (PCH) aide humaine par emploi direct de 240,90 heures par mois ; que leur mère (et tutrice) Mme F... s’occupe seule d’elles depuis de nombreuses années mais également de Mme A... très lourdement handicapée ; qu’elle avait envisagé de confier ses deux filles à un établissement médical adapté et a dû, faute de la pénurie d’établissements en France, se tourner vers la Belgique pour admission au foyer occupationnel F... ; que ses filles ne percevant que l’AAH, elle a fait une demande pour qu’elles bénéficient de l’aide sociale ; qu’au regard de leurs revenus modestes, elle s’était informée sur le coût de l’établissement, ce à quoi il lui avait été répondu qu’elle n’aurait rien à verser puisqu’elles bénéficiaient de l’aide sociale et qu’en l’absence de ressources, elle n’aurait pas de somme à reverser ; que dans sa décision du 16 décembre 2008, la commission d’admission ne fait pas état de ce point important, alors qu’il lui avait été indiqué que l’AAH n’était pas comptabilisée dans les ressources, les sommes perçues à ce titre étant nécessaires pour subvenir aux besoins de ses filles quand bien même elles étaient placées en établissement ; que si elle avait su qu’il resterait à leurs charges 70 % de l’allocation à reverser, elle ne les aurait pas placées dans un tel établissement, cela n’étant pas dans ses moyens ; que par ailleurs, elle a été confortée pendant toute la durée du placement, soit quatre ans, pendant lesquels elle n’a pas été sollicitée pour verser ces sommes ; qu’elle a mis fin à ce placement pour des raisons étrangères à l’aspect financier mais tenant aux mauvais traitements dont ont été victimes ses deux filles handicapées ; qu’à compter du 31 octobre 2011, elles ont donc quitté l’établissement pour venir vivre à son domicile ; qu’elle n’a jamais reçu de factures concernant ces placements pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011 ; que ce n’est qu’en 2012, qu’elle a reçu pour la période du 1er février 2008 au 31 décembre 2008 une note pour la participation aux frais correspondant aux 70 % de l’AAH ; que les 30 % restants, pas davantage que les 730 euros d’AAH, ne suffisent à subvenir à leurs besoins, leurs frais dépassant largement les somme perçues à ce titre et leur mère assumant le surplus ; que le 30 avril 2012, elle a sollicité la remise gracieuse pour 2008 ; que le 3 mai 2012, elle a reçu un état des sommes à reverser pour les années 2009, 2010 et 2011 ; que le 20 mai 2012, elle a sollicité la remise gracieuse des sommes dues dans leur totalité ; qu’elle héberge ses filles depuis novembre 2011 dans la mesure où elles ne peuvent être accueillies dans aucun autre foyer, les places disponibles étant rares ; que les décisions de rejet du 27 juin 2012 sont motivées en ce que leur situation financière comme percevant l’AAH et étant lourdement handicapées n’est pas de nature à justifier une remise gracieuse ; qu’il est proposé l’obtention d’un échéancier pour le remboursement de la créance auprès de la pairie départementale ; que dans la mesure où l’AAH est non saisissable, tout échelonnement et remboursement est impossible ; que les sommes réclamées correspondent pour chacune à vingt-quatre mois, délais d’échelonnement envisageables, d’allocations aux adultes handicapés, ce qui reviendrait à les priver totalement de tous moyens de subsistance durant cette période et à mettre à la charge de leur mère toutes les dépenses liées à leurs besoins et à leur handicap, alors que celle-ci a des revenus très modestes et vit avec trois enfants très lourdement handicapés ; que la demande de remboursement tardif est particulièrement injuste au regard du versement des ressources personnelles constituées d’une AAH non saisissable et qui ne devrait pas être pris en compte dans le cadre de l’aide sociale comme une ressource personnelle mais comme prestation sociale ; que l’article L. 334-29 prévoit la fixation de la participation par le président du conseil général au moment de la décision de prise en charge en fonction des ressources et non quatre ans après ; qu’un tel procédé a eu pour effet de pas leur permettre d’anticiper leur budget ; que par ailleurs, le conseil général n’a pas démontré que ces sommes étaient nécessaires pour couvrir les frais ; que la contribution peut varier ultérieurement à la prise en charge ; qu’à titre principal, il convient d’annuler la contribution sollicitée au regard de son caractère tardif, ou subsidiairement de la réduire sensiblement ; qu’au regard de leur situation particulièrement difficile et de l’absence totale de possibilité de remboursement, elles demandent la remise gracieuse ;
    Vu les décisions attaquées ;
    Vu enregistrés le 13 mars 2014, les mémoires en défense du président du conseil général du Bas-Rhin tendant au rejet des requêtes par les motifs qu’ainsi qu’il est mentionné dans la décision d’admission à l’aide sociale, la participation de celle-ci aux frais d’hébergement et d’entretien était « accordée sous réserve d’une contribution égale au maximum à 90 % des ressources » ; que les décisions avaient été notifiées aux bénéficiaires via les services de la mairie compétente et avaient été retournées signées ; que le moyen nouveau tiré du caractère tardif du recouvrement des ressources n’avait pas été invoqué en première instance ; que la commission centrale d’aide sociale n’a pas compétence pour modérer les créances légales issues du non-reversement des ressources des bénéficiaires à l’hébergement des personnes en situation de handicap ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code général des collectivités territoriales ;
    Vu le code de la sécurité sociale ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 19 juin 2015, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il y a lieu de joindre les deux requêtes susvisées qui présentent, pour des requérantes dans une même situation de fait, à juger des questions de droit identiques ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mmes M... et V... ont été admises au foyer « F... » (Belgique), lié par convention au département du Bas-Rhin, aux frais de l’aide sociale de celui-ci du 1er février 2008 au 31 octobre 2011, date à laquelle leur mère et tutrice les en a retirées en raison de mauvais traitements non contestés ; que les décisions d’admission à l’aide sociale mentionnaient « que la prise en charge des frais de séjour est accordée sous réserve d’une contribution égale au maximum à 90 % des ressources en tenant compte du minimum de ressources à laisser à la disposition de l’intéressé, soit 30 % du montant mensuel de l’AAH » ; que les notifications au directeur du foyer du 25 juillet 2008, intitulées « attestations de prise en charge des frais de séjour au titre de l’aide sociale », indiquaient sans autre précision que « la prise en charge des frais de séjour est accordée (...) » à Mmes M... et V... « pour la période du 1er février 2008 au 1er février 2013 » ; que cependant, les conventions en date du 25 février 2008 entre le département et le gestionnaire du foyer indiquaient (notamment l’article 4) que les assistées s’acquittaient directement de 70 % de l’AAH qui était leurs seules ressources auprès de l’établissement ; que toutefois, cet acquit n’a jamais été effectué ni au vu du dossier sollicité et qu’il y a lieu d’admettre (car sinon on ne voit pas pourquoi le département solliciterait les 70 % dont il s’agit) que ledit département a « fait l’avance » à tout le moins desdits 70 % sinon, contrairement aux termes de la convention, de la totalité du tarif (ainsi que cela se pratiquait et se pratique encore extra légalement dans de nombreux départements cf. par exemple CCAS du 12 décembre 2014 no 130462 M. C...) ; que ce n’est qu’en 2012 que le département d’abord par notifications puis par titres de perception rendus exécutoires a sollicité le reversement par chacune des assistées (qui depuis leur sortie du foyer vivent à nouveau chez leur mère, faute, ce qui n’est pas contesté, qu’aient pu être trouvées des places dans un autre établissement dans le Bas-Rhin ou à proximité) des participations afférentes aux 70 % de l’AAH pour la période d’accueil au foyer, pour chacune d’un montant supérieur à 18 000 euros ; que les requérantes n’ont pas attaqué les titres de perception rendus exécutoires mais ont, par lettre du 20 mai 2012, sollicité la remise gracieuse des sommes réclamées n’ayant « que l’AAH pour vivre et il s’agit d’un minimum social » (moins de 800 euros mensuels) « bien en dessous du seuil de pauvreté » ; que par les décisions attaquées en date du 27 juin 2012, le président du conseil général du Bas-Rhin a rejeté ces demandes au motif que « compte tenu des éléments transmis, votre situation financière (...) n’est pas de nature à justifier une remise gracieuse. Par ailleurs, vous conservez la possibilité de solliciter un échéancier de remboursement de la créance auprès de la pairie départementale » ; que les requérantes ont saisi la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin qui par les décisions attaquées en date du 16 décembre 2013 a rejeté leurs demandes aux motifs que « le département n’a pas fait une inexacte application des textes en vigueur ; que la présente commission n’a pas le pouvoir de modérer le montant des sommes dues ; qu’il appartient à la requérante de solliciter un échelonnement de paiement auprès du département et que Mme X... verse pour chacune de ses deux filles 50 euros par mois depuis avril 2013 » ; que, dans sa défense d’appel, le président du conseil général se borne à réaffirmer que « la commission centrale d’aide sociale n’a pas compétence pour modérer les créances légales issues du non reversement des ressources des bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement des personnes en situation de handicap » ; que c’est en cet état, qu’il y a lieu de statuer sur les demandes ;
    Considérant in limine, puisque, non seulement l’avocate des requérantes (ce qui peut se concevoir), mais le président du conseil général ignorent la jurisprudence constante de la commission centrale d’aide sociale, en s’abstenant de préciser en quoi elle serait contraire à celle du Conseil d’Etat et en conséquence de fournir à la commission en se bornant en quelques mots à une position de principe, les moindres indications sur la situation actuelle des requérantes, de rappeler cette jurisprudence succinctement (puisque la jurisprudence du Conseil d’Etat n’admet pas la motivation par référence) en renvoyant les parties pour l’explicitation plus complète (en tant que de besoin pour l’administration...), notamment, aux nombreuses décisions publiées aux Cahiers de la jurisprudence de l’aide sociale (CAJS) (par ex. : 3 février 2012 no 110468 et no 110817, 21 septembre 2012 no 120163, 26 avril 2013 no 120453, 16 juillet 2013 no 120822) ; qu’il échet seulement de rappeler les éléments essentiels de cette jurisprudence ;
    Considérant que celle-ci avait été initiée en l’absence de jurisprudence récente du Conseil d’Etat sur le régime contentieux des décisions refusant remise ou modération en ce qui concerne l’aide sociale générale, notamment l’aide aux personnes âgées et l’aide aux personnes handicapées ; qu’en effet, la seule jurisprudence du juge de cassation portait sur la situation en matière de revenu minimum d’insertion (RMI), puis de revenu de solidarité active (RSA), qui est différente de celle des prestations d’aide sociale générale dans la mesure essentiellement où d’abord les textes applicables à cette prestation prévoient expressément la compétence du président du conseil général pour statuer par deux décisions distinctes sur, d’une part la légalité de la répétition, d’autre part la remise ou la modération des sommes indûment versées, où ensuite les décisions intervenues en matière de RSA sont soumises à un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) et que c’est dans le cadre de l’aménagement contentieux d’un tel recours que le Conseil d’Etat par une analyse « prétorienne » a considéré que lorsque dans ce dernier recours des éléments gracieux étaient invoqués, la requête dirigée sur ce terrain contre la décision de rejet était recevable devant le juge ; que la commission centrale d’aide sociale considérait que la situation n’est pas la même dans le cas d’espèce qui, compte tenu des dispositions du code général des collectivités territoriales, ne relève, en ce qui concerne la remise, que de la compétence du conseil général ;
    Considérant que dans cette situation, la commission centrale d’aide sociale a considéré que, comme le suggèrent à nouveau les faits de la présente instance, les décisions intervenues sur les demandes, subséquentes à une répétition non contestée, de remise gracieuse n’étaient pas détachables de la procédure de recouvrement des créances d’aide sociale dont il lui appartient en vertu de la jurisprudence de connaître dans son ensemble et qu’une décision prétorienne d’indétachabilité était opportune et possible ; que dans ce contexte, elle avait considéré que, à l’encontre de la décision de répétition, ou du titre de perception rendu exécutoire, sur lesquels il appartenait au président du conseil général de statuer, ne pouvaient être soulevés que des moyens de légalité (position infirmée par la décision du Conseil d’Etat du 1er juin 2015 Mme L...) ; que par contre, l’assisté, notamment s’il ne contestait pas la légalité desdites décisions, conservait la possibilité de présenter au conseil général une demande de modération ou de remise gracieuse ; qu’il en irait évidemment autrement si le Conseil d’Etat considérait que les décisions du conseil général statuant sur les décisions de demandes de remise ou de modération (toujours susceptibles - cf. plus haut - d’être formulées subséquemment aux décisions de répétition) ne seraient susceptibles, à la différence des demandes mentionnées au point 4 de la décision du 1er juin 2015, que d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif de droit commun, auquel cas on ne saurait exclure que celui-ci statue dans le cadre d’un pouvoir plus ou moins discrétionnaire de l’administration mais que tel n’est pas en l’état, dans de nombreuses décisions qu’elle a rendues et qui ne sont pas remises en cause selon elle par la décision du 1er juin 2015, la position de la présente commission qui statue sur le refus de remise ou de modération comme juge de plein contentieux à quelque stade et de quelque manière procédurale contentieuse qu’elle intervienne ;
    Considérant par ailleurs qu’il suit de ce qui précède, que les moyens contentieux invoqués par les requérantes à l’encontre des rejets de leurs demandes de remise par le département, postérieurement à des décisions de répétition non contestées, sont inopérants ;
    Considérant enfin que, nonobstant la littéralité des dispositions de l’article L. 134-1 du code de l’action sociale et des familles, la commission a admis en l’espèce sa compétence pour connaître de décisions relevant, non du préfet ou du président du conseil général, mais du conseil général lui-même pour d’évidentes raisons d’opportunité inhérentes à l’étroite intrication des décisions statuant sur les demandes de remise et de celles antérieures, notamment de répétition, qui doivent d’ailleurs être contrôlées également au titre gracieux pour peu qu’une demande antérieure audit titre ait été présentée en quelque manière à l’administration... (Jurisprudence Mme L... précitée) ;
    Considérant que tout cela rappelé, il y a lieu d’appliquer cette jurisprudence à la présente instance ; que l’originalité de celle-ci, au regard des situations dont a été antérieurement saisie la commission, est que Mmes M... et V... ont séjourné au foyer « F... » (Belgique) du 1er février 2008 jusqu’au 31 octobre 2011 mais que ce n’est qu’à compter de 2012 que l’administration a entendu recouvrer, dans les conditions de fait ci-dessus rappelées, les participations qu’elles n’avaient pas acquittées de 70 % de leurs allocations aux adultes handicapés qui étaient dues ; qu’aux dates de l’action de l’administration, les requérantes étaient retournées vivre chez leur mère faute de places dans un autre établissement et que c’est au regard, non des conditions légales de fixation de leurs participations aux frais d’hébergement et d’entretien qui ne sont pas le litige de la remise ou de la modération, mais de leur situation de ressources et des autres circonstances de fait ressortant du dossier, qu’il y a lieu de déterminer si les créances afférentes aux participations qu’elles auraient dû verser doivent ou non être remises ou modérées, compte tenu de l’ensemble des éléments du dossier à la date à laquelle statue la présente juridiction ; qu’en tout état de cause, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’allocation aux adultes handicapés est insaisissable sauf pour la participation aux frais d’hébergement et « d’entretien » (article L. 821-2 du code de la sécurité sociale) et que, quant à la légalité des répétitions, l’insaisissabilité ne peut être utilement invoquée, les requérantes ne conservant certes durant le séjour que le minimum de 30 % mensuel de l’AAH, mais cette situation apparaissant inopérante dans la présente instance où il s’agit pour le juge de la remise ou de la modération d’apprécier à la date où il statue si les ressources dont disposent Mmes M... et V... constituées, comme il n’est pas contesté, de leur seule AAH leur permettent de s’acquitter chacune de la somme supérieure à 18 000 euros qui leur est réclamée ; que, s’il est vrai que l’administration et le premier juge rappellent les possibilités d’étalement, les pièces versées au dossier font, en tout état de cause, apparaître que le payeur a fait, au moins pour une période en litige, des propositions acceptant le paiement de 50 euros pour les 11 premiers mois d’une période annuelle, mais sollicitant le solde le 12e mois... ; qu’en tout état de cause également, le juge de la remise ou de la modération n’est pas tenu par la seule possibilité d’un étalement même si, telle qu’elle a été énoncée ci-dessus en l’instance, elle conduit au paiement de sommes importantes le dernier mois de la période annuelle... ;
    Considérant que si Mmes M... et V... soutiennent que leur tutrice n’avait jamais été informée de ce que l’allocation aux adultes handicapés constituait une ressource dont 70 % était affectable aux frais d’hébergement et d’entretien et même qu’il leur aurait été expressément indiqué que la participation de l’aide sociale portait sur la totalité des frais, elles ne l’établissent pas, aucune pièce ne corroborant leurs allégations, mêmes non contestées par le défendeur ; qu’il est vrai toutefois que les décisions d’admission à l’aide sociale se bornaient à rappeler que 90 % des ressources, sous réserve du minimum garanti, sont affectées au placement, ce en quoi on ne saurait exclure que les requérantes aient pu, sans mauvaise foi, ne pas considérer l’allocation aux adultes handicapés comme une ressource ; que, nonobstant les conventions de prise en charge individuelle (art. 4) du 25 août 2008, l’établissement n’a jamais réclamé aux assistées leur participation, ni n’a, en admettant qu’il y fut fondé s’agissant d’un établissement non situé sur le territoire français, mis en œuvre auprès de la caisse d’allocations familiales les procédures lui permettant de recouvrer 70 % de l’AAH ; que dans ces conditions et même si les requérantes n’établissent pas l’absence d’information, voire l’information erronée qu’elles allèguent, il peut être admis qu’en l’absence de tout rappel de l’établissement ou de l’administration, il a pu exister au vu du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale, une ambiguïté réelle pour des personnes titulaires de la seule AAH et leur mère sur l’inclusion au nombre des ressources en cause à hauteur de 70 % de ladite allocation ; que bien entendu, la situation est ambigüe mais que le président du conseil général, au cas où il détiendrait des éléments établissant la « mauvaise foi » des requérantes, ne saurait se plaindre qu’au vu des éléments du dossier qui lui est soumis et qu’il n’a pas contribué en quelque mesure à préciser, la commission centrale d’aide sociale ne mette pas en cause la « bonne foi » des requérantes ; qu’au regard de la jurisprudence C... du 12 décembre 2014 précitée, les décisions d’admission étaient rédigées en termes trop généraux puisqu’elles ne précisaient pas le montant des ressources que les requérantes devaient acquitter directement à l’établissement, compte tenu du minimum garanti laissé à disposition ;
    Considérant qu’à la date de la présente décision et au moment d’ailleurs des décisions de répétition et d’émission de titres de perception rendus exécutoires, il n’est pas, comme il a été dit, contesté que les requérantes disposent (et disposaient...) de la seule AAH de moins de 800 euros par mois, à l’exception de capitaux placés, ce qu’elles soutiennent sans contredit, ni même infirmation par les pièces du dossier ; que, si une ordonnance statuant en matière d’aide juridictionnelle versée au dossier prend en outre en compte les ressources de la mère et tutrice Mme F... chez laquelle elles résidaient, qui étaient en 2011 d’un montant mensuel de près de 2 000 euros, ces ressources, selon la commission centrale d’aide sociale dans le cadre de la présente instance, ne sauraient être totalement prises en compte ; que sans doute, même après l’âge adulte, les parents ne sont pas dispensés d’assumer leurs obligations alimentaires vis-à-vis de leurs enfants dans le besoin en fonction des ressources du créancier et des ressources et besoins du débiteur ; que toutefois, une telle « obligation alimentaire » est inférieure à celle qui procèderait pour la période de répétition (et non d’admission...) litigieuse d’un montant de revenus laissé aux assistées de 30 % du montant de AAH, soit environ 240 euros par mois ; que Mme F... loge, au vu du dossier, sans loyer ses filles ; qu’elle a, ainsi qu’il n’est pas contesté, à charge un troisième enfant handicapé vivant également au domicile ; que les besoins de chacune des assistées au titre de leur nourriture, cotisations de prévoyance sociale, frais de loisirs, vêture etc. excèdent manifestement le quantum de 240 euros ; qu’au vu du dossier l’administration entend leur laisser pour chaque mois de la période de répétition ; que même augmenté de « l’obligation alimentaire » de leur mère à leur égard, ce quantum demeure insuffisant pour pourvoir à l’ensemble des besoins, en l’absence de toute analyse chiffrée même a minima de l’administration, compte tenu de sa position de principe ; que s’il est vrai, qu’en définitive (hors prestation de compensation du handicap utilisée par emploi direct au titre de laquelle on ignore si Mme F... est l’aidante), le foyer, abstraction faite du troisième enfant handicapé sur les ressources duquel le dossier ne fournit aucun élément, dispose d’environ 3 500 euros par mois (ressources de la mère + AAH des filles), il ne s’en déduit pas - et cela n’est même pas allégué - un intérêt recherché par Mme F... pour bénéficier des prestations sociales versées à ses filles, celle-ci alléguant au contraire, sans encore un fois aucune explicitation de l’administration, qu’elle a été amenée (outre le loyer gratuit) à supporter diverses charges non couvertes par l’AAH à domicile qui leur est versée ; qu’ainsi, compte tenu même de « l’obligation alimentaire » de leur mère à leur égard partiellement remplie par l’accueil dans son logement, Mmes M... et V... disposent de ressources qui n’excèdent pas les besoins correspondant à des dépenses obligatoires ou inévitables susévoquées qui sont les leurs, en admettant même, ce qui d’ailleurs ne va pas de soi, que durant la période de répétition litigieuse l’allocation aux adultes handicapés fut saisissable dans la limite de 70 % de son montant mensuel pour le recouvrement de frais afférents à une période de 2008 à 2011 ; qu’en toute hypothèse, comme il a été dit et tel fut-il même le cas, il y a lieu, s’agissant de statuer sur les demandes de remise ou de modération, de prendre en compte la disposition par Mmes M... et V... de la seule AAH, indépendamment de l’affectation légale, durant la période de placement, de 70 % de celle-ci aux frais de placement ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, qu’il y a lieu d’annuler la décision du président du conseil général du Bas-Rhin intervenue après l’avis d’une commission consultative qui n’est ni le « conseil général », ni la commission permanente, comme prise par une autorité incompétente, même s’il s’agit d’un « vice propre » de la décision de refus de remise gracieuse par ce président (la commission centrale d’aide sociale entendant en effet, dans ce cas très particulier, appeler l’attention de la juridiction régulatrice sur la circonstance que faute de quoi on permettrait aux départements de méconnaître systématiquement une compétence en connaissance de cause dévolue par la loi au conseil général ou à sa commission permanente, situation, s’agit-il même d’un « vice propre », sérieuse, non seulement sur le plan juridique, mais sur celui qu’il y a lieu pour le juge administratif de ne pas méconnaître de l’équilibre politique et social du fonctionnement des instances départementales dans une matière où les prestations d’aide sociale représentent environ 60 % des dépenses du département, où les décisions de répétition représentent un budget dont on ne connaît pas le chiffrage, qui n’est pas négligeable et où l’appréciation sur le plan gracieux des circonstances à chaque fois spécifiques - car la précarité et la bonne foi ne sont pas les seules qui sont rencontrées - procède d’un agencement des compétences et des pouvoirs à l’intérieur du département toujours délicat et dont la présente formation avait eu tendance (et, à vrai dire, a toujours tendance) à considérer qu’il appartient au législateur et à lui seul, d’en décider indépendamment même de ce qu’une jurisprudence négligeant un tel « vice propre » conduit le juge à avaliser de manière pratiquement systématique puisqu’à l’expérience de la commission, les départements qui appliquent la loi en faisant intervenir l’instance délibérante sont de l’ordre de la moitié et ceux qui ne l’appliquent pas en faisant intervenir le président du conseil général, voire une commission ad hoc sans existence légale, sont de l’ordre de l’autre moitié, un empiètement de l’exécutif départemental sur la compétence du conseil général !) ;
    Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de renvoyer au conseil général l’examen des demandes de Mmes M... et V..., mais d’y statuer directement ;
    Considérant que, compte tenu des ressources réduites à l’AAH en l’état de la non-défense sur le fond du président du conseil général, des allégations non contestées des requérantes et des pièces du dossier relatives à leurs situations durant la période de répétition où elles ne disposaient que de cette allocation (et compte tenu même de l’obligation de leur mère Mme F... à leur égard et de ses revenus mensuels d’environ 2 000 euros), comme des conditions ambiguës d’information aux requérantes par les décisions d’admission et en l’absence de toute demande, à elles faite par l’établissement durant la période de séjour, de verser leurs contributions, ainsi que de la circonstance non contestée que Mmes M... et V... ne trouvent toujours pas de place dans un autre établissement adapté à leur handicap et qu’aucune proposition émanant de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), ou de l’administration départementale, ne figure au dossier, il y a lieu dans l’ensemble de ces circonstances d’accorder remise à Mmes M... et V... des sommes de 18 632,51 euros et de 18 614,55 euros avancées par l’aide sociale au titre de leurs participations à leurs frais d’hébergement et d’entretien au foyer « F... » (Belgique) du 1er février 2008 au 31 octobre 2011,

Décide

    Art. 1er.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin en date du 16 décembre 2013 sont annulées.
    Art. 2.  -  Il est accordé remise à Mmes M... et V... des sommes de 18 632,51 euros et de 18 614,55 euros qui leur sont réclamées par le département du Bas-Rhin au titre de leurs participations, à hauteur de 70 % du montant mensuel de leurs ressources constituées par l’allocation aux adultes handicapés, à leur frais d’hébergement et d’entretien exposés durant leurs prises en charge du 1er février 2008 au 31 octobre 2011 au foyer « F... » (Belgique).
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée à Mme F..., à Maître AIROLDI-MARTIN, au président du conseil départemental du Bas-Rhin. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale du Bas-Rhin et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 juin 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 19 juin 2015, à 13  h  30.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet