Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3420
 
  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Curateur - Majeur protégé - Placement - Amendement CRETON - Date d’effet - Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) - Compétence juridictionnelle
Dossier no 140148

M. X...
Séance du 3 avril 2015

Décision lue en séance publique le 3 avril 2015, à 13 h 30

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 24 mars 2014, la requête présentée par l’Association de sauvegarde de l’enfant à l’adulte de la Nièvre (ADSEAN), curateur renforcé de M. X..., accompagnée d’une attestation du curatélaire d’ « être d’accord pour former un recours », tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Nièvre en date du 7 janvier 2014 rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général de la Nièvre du 8 mars 2013 admettant M. X... à l’aide sociale au titre du maintien des adultes handicapés en établissements médico-éducatifs (amendement CRETON) pour la période du 15 juin 2012 au 2 septembre 2012, en tant qu’elle ne fait pas droit à sa demande pour la période du 31 juillet 2011 au 2 septembre 2012, par les moyens que compte tenu des délais et de la situation, il était nécessaire de prendre des décisions rapidement, sachant que M. X... a été informé de la procédure en cours comme l’atteste le document joint ; que des recours antérieurs identiques ont été déclarés recevables ; qu’en tout état de cause, l’intérêt de la personne protégée était de former un recours afin d’obtenir une rétroactivité plus importante de la prise en charge ; que la situation de besoin de M. X... a bien été actée puisque le conseil général l’a admis à compter du 15 juin 2012 ; qu’en tout état cause, si la demande avait été déposée dans les délais, le département aurait financé l’hébergement de ce jeune majeur qui, faute de place disponible en établissement d’aide par le travail (ESAT), a dû rester plus longtemps en institut médico-éducatif (IME) dans le cadre de l’amendement CRETON ; que les notifications émanant de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) spécifiaient que la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) était l’organisme payeur, induisant par là même une erreur de connaissance des lecteurs dans le financement de la prise en charge des frais d’hébergement lié à l’amendement CRETON ; qu’aucune information contraire n’a été délivrée par l’IME et que celui-ci n’a effectué aucune démarche pour son propre financement ; qu’ainsi, une décision peut être prise dans l’intérêt du majeur protégé pour régulariser la situation en l’admettant à compter du 31 juillet 2011 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 10 juillet 2014, le mémoire en défense du président du conseil général de la Nièvre tendant au rejet de la requête par les motifs que la signature de la demande par le seul curateur renforcé méconnait l’article 468 alinéa 3 du code civil ; que le signataire ne produit d’ailleurs aucune délibération du conseil d’administration de l’ADSEAN justifiant de sa compétence pour ester en justice ; que l’ADSEAN a fait signer le 11 octobre 2013, postérieurement à la décision de la commission départementale d’aide sociale, une attestation l’autorisant à former un recours auprès de la commission et produit la même attestation en date du 6 mars 2014 en appel ; que la demande demeure donc doublement irrecevable ; que les modalités de financement des « maintiens CRETON » sont prévus par l’article L. 242-4 du code de l’action sociale et des familles ; que compte tenu, notamment, du fait que la contribution de la personne handicapée doit être fixée conformément à l’article R. 344-29 du même code, une demande d’aide sociale doit être déposée pour permettre le financement par le conseil général, ce que confirme la circulaire interministérielle du 9 novembre 2010 ; que le règlement départemental d’aide sociale (RDAS) reprenant les articles L. 131-4 et « L » (= R !) 131-2 du code de l’action sociale et des familles rappelle les obligations prévues par ces dispositions ; qu’ainsi, la décision d’admission à compter du 15 juin 2012, quatre mois avant réception de la demande d’aide sociale demeure justifiée ; que le service de protection, pourtant professionnel de l’aide sociale, ne peut se prévaloir de ce qu’il méconnaissait les modalités de financement du dispositif de prise en charge des personnes handicapées au titre de l’amendement CRETON ; que durant la période d’admission à l’aide sociale de M. X..., il a pu conserver la totalité de ses ressources sans contribution à ses frais d’hébergement ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er alinéa 3 de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 3 avril 2015, M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que, bien que la requête doive être rejetée au fond, il apparaît utile pour l’information du président du conseil général de la Nièvre de rappeler la jurisprudence publiée de la présente juridiction, confirmée sur le second point ci-après motivé par décision de non admission du conseil d’Etat d’où il résulte d’abord, que lorsque l’assisté signe une lettre autorisant et de fait s’associant à la demande du curateur renforcé, ces modalités de saisine conjointes valent co-signature de la requête et qu’au surplus, en l’instance, contrairement à ce que soutient le président du conseil général, le curateur renforcé a produit devant la commission départementale d’aide sociale l’attestation de son protégé en date 11 octobre 2013 avant la lecture le 7 janvier 2014 et, en tout état de cause, l’audience le 19 novembre 2013 ; que par ailleurs, en l’absence de production des statuts de l’association requérante, l’éventuelle méconnaissance de ceux-ci par la décision autorisant le directeur adjoint à introduire l’instance et sanctionnée dans les relations entre la personne protégée et l’organisme de protection, est sans incidence quant à la recevabilité devant le juge de l’aide sociale d’une demande dirigée contre un refus (en l’espèce partiel) d’admission à l’aide sociale ;
    Mais considérant que le requérant, qui ne conteste pas que la date du dépôt de la demande d’aide sociale n’ait pas été respectée par lui-même, assisté de son curateur renforcé qui ne saurait raisonnablement en tant que professionnel du droit (et non « simple » travailleur social) se prévaloir de ce « qu’il ne peut connaitre parfaitement les dispositifs liés au financement de l’IME et de l’aide sociale », alors que l’organisme de protection dans la gestion des prestations sociales attribuées à la personne protégée n’est pas sensé méconnaître la loi (y compris la loi d’aide sociale !), ne formule à l’appui de son appel que des moyens pour l’essentiel inopérants, observation faite qu’aucun autre moyen distinct n’avait été formulé en première instance ;
    Considérant en premier lieu, que le moyen selon lequel « la situation de M. X... David a bien été actée pour la période d’admission » est sans aucun emport, puisque ce n’est pas le besoin de l’assisté qui a été contesté pour la période écartée par l’administration (de la durée de laquelle contrairement à ce que celle-ci indique en défense M. X... n’est pas fondé à se plaindre) ; qu’ainsi l’invocation du « besoin » qui avait été reconnu, comme il n’appartenait qu’à elle de le faire, par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) est sans emport, voire incompréhensible, non seulement juridiquement, mais simplement pour les besoins d’un raisonnement « logique » ; que le moyen tiré de ce que « si la demande avait été déposée dans les temps, le conseil général aurait financé l’hébergement de ce jeune majeur » est sans emport, puisque justement, comme il vient d’être rappelé, le seul objet du litige est que « la demande » n’a pas été « déposée dans les temps » ;
    Considérant en deuxième lieu, que la circonstance que sur les décisions émanant de la CDAPH (dont la commission centrale d’aide sociale ne parvient d’ailleurs pas à comprendre les modalités de traitement du dossier, au regard d’une première décision prétendument de « maintien CRETON » pour une période comportant une « sous-période » où la majorité n’était pas atteinte et, en tout état de cause, plusieurs années avant 25 ans, prise avant une seconde décision d’orientation « en ESAT » (que le président du conseil général a raisonnablement interprété comme en ESAT et en foyer !...), puis deux nouvelles décisions d’orientation en « maintien CRETON »), celle-ci ait indiqué que la prise en charge des frais incombe à l’assurance maladie, ne peut avoir d’incidence que sur la responsabilité du groupement d’intérêt public Maison départementale des personnes handicapées et n’a d’ailleurs pas empêché en définitive le requérant, il est vrai semble t-il averti par le département, de déposer une demande d’aide sociale ; qu’il appartient donc à M. X..., assisté de son curateur renforcé, de mettre en cause, s’il s’y estime fondé, la responsabilité de la MDPH de la Nièvre devant la juridiction compétente ;
    Considérant que M. X... fait encore valoir qu’ « il n’y pas eu d’informations contraires délivrées par l’IME I... suite à la réception des notifications MDPH et aucune démarche n’a été faite par l’IME pour son propre financement » ; que ce moyen ( ? !...) en tant qu’il se prévaut de la responsabilité du gestionnaire de l’établissement dans les modalités tardives de dépôt de la demande d’aide sociale n’est pas opposable au président du conseil général de la Nièvre dans l’instance d’aide sociale dont est saisie la commission centrale d’aide sociale et ne saurait utilement être formulé que dans une instance éventuelle tendant à mettre en cause la responsabilité de l’association gestionnaire de l’établissement à la suite de la mise à charge éventuelle de l’organisme de protection des conséquences de la situation créée par le retard de la demande après mise en cause de sa responsabilité par la personne protégée ;
    Considérant qu’ainsi et comme à l’accoutumée les « protagonistes » « se renvoient la balle », du moins l’ADSEAN à l’association gestionnaire de l’IME I... et à la MDPH, mais que ces imputations de responsabilités respectives sont sans incidence, seul le demandeur d’aide sociale, assisté le cas échéant de l’organisme de protection, étant partie dans l’instance devant la juridiction d’aide sociale dans ses rapports avec le département auquel les errements éventuels de la MDPH dans la notification des décisions d’orientation et de l’association gestionnaire de l’établissement ne sont pas opposables ; que si le requérant déduit de ces moyens inopérants qu’ « une décision peut donc être prise dans l’intérêt du majeur protégé pour régulariser la situation », il suit de ce qui précède qu’en fonction des moyens soulevés aucune décision d’admission rétroactive au-delà de la période retenue par l’administration ne peut intervenir et, par ailleurs, l’intérêt du majeur protégé, en admettant que celui-ci soit invoqué de façon « autonome », ne saurait permettre au juge de censurer une décision de l’administration dont l’illégalité et en conséquence le mal fondé ne sont pas établis ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit nécessaire pour la commission centrale d’aide sociale de préciser, compte tenu des moyens du requérant, les modalités, certes complexes compte tenu de la jurisprudence du conseil d’Etat considérant l’article L. 242-4 comme « self executing », de combinaison des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’admission à l’aide sociale (notamment l’article R. 131-2) et des dispositions législatives de l’article L. 242-4 (alinéas 2 et 3 « amendement CRETON ») que le requérant ne met pas en cause, les moyens soulevés ne relevant pas pour l’essentiel du juge de l’aide sociale ou étant juridiquement inopérants, que les conclusions de la requête ne peuvent qu’être rejetées,

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de M. X..., assisté de l’Association de sauvegarde de l’enfant à l’adulte de la Nièvre (ADSEAN), est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera notifiée à M. X..., à l’Association de sauvegarde de l’enfant à l’adulte de la Nièvre et au président du conseil départemental de la Nièvre. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de la Nièvre et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 3 avril 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 3 avril 2015 à 13 h 30.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet