Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2220
 
  DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE  
 

Mots clés : Domicile de secours - Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Etablissement - Foyer - Ressources - Fonctionnement
 

Dossier nos 140171 et 140389

M. X...
Séance du 3 avril 2015

Décision lue en séance publique le 3 avril 2015, à 13 h 30

    Vu, 1o) enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 18 avril 2014, sous le no 140171, la requête présentée par l’union départementale des associations familiales (UDAF) de la Loire-Atlantique, pour M. X..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale fixer le domicile de secours de M. X... « entre le conseil général de Loire-Atlantique et le conseil général des Côtes-d’Armor » par les moyens que M. X... est domicilié depuis 2003 et encore actuellement à la résidence R... de Loire-Atlantique, gérée par l’Association des paralysés de France (APF) et était pris en charge par l’aide sociale des Côtes-d’Armor ; que cette prise en charge a cessé à compter du 1er janvier 2014, le conseil général des Côtes-d’Armor déniant sa compétence et en informant le directeur de « l’APF » par téléphone, sans que le conseil général de la Loire-Atlantique ne « reprenne la suite » ; qu’au 31 mars 2014, la créance s’élève à 14 756,40 euros et ne cesse de croitre ; qu’il y a lieu pour la commission centrale d’aide sociale d’intervenir auprès « des deux conseils généraux impliqués » ( !) afin de trouver une solution au litige et que les paiements soient repris ;
    Vu la lettre jointe du président du conseil général des Côtes-d’Armor adressée à M. X... en date du 11 décembre 2013 ;
    Vu, enregistré le 19 juin 2014, le mémoire en défense du président du conseil général des Côtes-d’Armor tendant à ce que le domicile de secours de M. X... soit fixé dans le département de la Loire-Atlantique par les motifs que du 1er juin 2009 au 31 décembre 2013, M. X..., qui était pris en charge par le département des Côtes-d’Armor au titre de son hébergement en foyer de vie à la résidence R..., a également perçu la prestation de compensation du handicap (PCH) à domicile au titre de l’aide humaine ; que la résidence R... est constituée d’appartements regroupés devant permettre à des personnes en situation de handicap de vivre de façon autonome dans un logement individualisé avec un accompagnement à domicile réalisé par l’APF qui intervient également comme prestataire dans le cadre de la PCH ; que les résidents acquittent un loyer, les charges y afférentes et règlent les dépenses alimentaires, frais de téléphone, de transports etc. ; qu’étant par ailleurs locataires de leur logement, ils perçoivent l’aide personnalisée au logement (APL) ; que le séjour en appartement dit « de préparation et de réentrainement à la vie sociale » ( !) est une étape intermédiaire entre le foyer classique où la prise en charge des personnes est continuée et l’appartement loué auprès d’un bailleur privé par la personne elle-même une fois qu’elle a pu acquérir assez d’autonomie ; que cette prise en charge expérimentale a fait l’objet d’un conventionnement le 26 septembre 2003 au titre de la création d’un foyer occupationnel signé entre l’APF et le conseil général de la Loire-Atlantique ; que ce mode d’accueil particulier aurait dû faire l’objet d’un nouveau conventionnement après la parution du décret du 11 mars 2005 instaurant les SAVS et SAMSAH, les frais acquittés à tort par le département des Côtes-d’Armor au titre d’un accueil en foyer de vie correspondant en réalité aux frais d’un accompagnement à domicile ; que ce montage financier n’est pas opposable au département des Côtes-d’Armor et que, même si l’APF est le bailleur principal, on ne peut considérer que M. X... est placé en établissement, ce que confirme le conseil d’Etat dans son arrêt du 15 mai 2013 qui précise que la prise en charge d’un accompagnement à domicile, concomitante à la conclusion d’un bail pour un logement autonome et même si ce logement appartient à l’association gérant le service, ne peut être assimilée à un hébergement en établissement sanitaire ou social, arrêt qui s’inscrit dans la continuité de précédentes décisions prises par le Conseil d’Etat ;
    Vu, 2o) enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 30 juillet 2014, sous le no 140389, la requête du président du conseil général de la Loire-Atlantique tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale déterminer le domicile de secours de M. X... pour la prise en charge des frais d’accueil à la résidence R... à compter du 1er janvier 2014 par les moyens que le dossier a été transmis le 11 décembre 2013 par le département des Côtes-d’Armor à son département et que par lettre du 25 février 2014, il a informé le département des Côtes-d’Armor qu’il n’admettait pas sa compétence, l’accueil dans une structure reconnue comme établissement demeurant sans effet sur le domicile de secours ; que la résidence R... a été créée en tant que foyer de vie constitué d’une unité d’hébergement fonctionnant en appartements regroupés par arrêté du 9 novembre 1999 ; qu’un arrêté du 7 août 2003 l’a habilité à l’aide sociale pour 18 places en hébergement permanent et une en hébergement temporaire (sur 20 autorisées) ; qu’il a été complété par une convention d’habilitation à l’aide sociale datée du 26 septembre 2003, laquelle précise que la structure n’est pas acquisitive du domicile de secours ; que cette convention décrit les modalités de fonctionnement du foyer, en particulier son article 8 précisant que « par dérogation du code de l’action sociale et des familles, les résidents ne seront soumis à aucune contribution mais qu’ils s’acquitteront directement de leurs frais de logement, de restauration, de loisirs et d’habillement et conserveront leur aide au logement » ; que ce fonctionnement atypique s’explique par la volonté de mettre en place une structure d’hébergement permettant une intégration sociale et favorisant l’autonomie au sein de la structure et à l’extérieur de personnes en situation de handicap moteur ; que le foyer propose une prise en charge intermédiaire entre celle du foyer collectif et celle du service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) ; que le prix de journée du foyer prend en compte les dépenses de personnel ainsi que les frais financiers et d’amortissements ; que conformément à une décision de la commission centrale d’aide sociale du 4 avril 2005, le foyer R... peut être qualifié d’établissement non acquisitif de domicile de secours ; que depuis le 1er janvier 2013, les résidents bénéficiaires de la PCH perçoivent celle-ci à hauteur de 10 % de son montant durant les périodes d’accueil dans l’établissement conformément aux dispositions des articles D. 245-73 et suivants du code de l’action sociale et des familles relatifs à la PCH en établissement, le fonctionnement antérieur ayant été remis en cause du fait de l’incompatibilité juridique entre autorisation « foyer de vie » et la PCH à domicile ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 3 avril 2015, M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il y a lieu de joindre les deux requêtes susvisées relatives à la fixation du domicile de secours de M. X... et d’y statuer par une seule décision ;
    Sur la requête no 140389 du président du conseil général de la Loire-Atlantique ;
    Considérant que pour qu’une « structure » ( !...) résidentielle d’accueil pour adultes handicapés soit regardée comme établissement, elle doit être d’une part, autorisée comme telle, d’autre part, l’assisté doit y résider effectivement ; que la commission centrale d’aide sociale persiste à considérer jusqu’à confirmation expresse de sa décision du 15 mai 2013 par le Conseil d’Etat faisant apparaitre que la solution retenue s’applique bien à une structure globalement autorisée comme établissement, ce qui était le cas du foyer de C..., structure qui devrait être, ce nonobstant, « disqualifiée » en service, dès lors que le gestionnaire du « service » a conclu par ailleurs un bail avec l’assisté ne comportant « aucune clause permettant d’assimiler la prise en charge par le service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) à une admission » dans un établissement ; qu’en cas d’autorisation « globale » d’une telle « structure » comme « établissement », il y a bien lieu de la considérer comme tel ;
    Considérant toutefois, en l’état et à titre principal, que la situation de la présente espèce pour la période litigieuse n’est pas la même que dans la situation de l’espèce jugée le 15 mai 2013 ; que d’ailleurs, dans aucun dossier elle ne sera strictement la même, l’application de la méthode du « faisceau d’indices » disqualifiant l’autorisation globale accordée à l’établissement conduisant, au vu de l’expérience des dossiers depuis lors examinés, chaque collectivité d’aide sociale à mettre en œuvre des « montages » permettant que la solution à retenir s’inscrive dans la ligne de celle retenue par l’arrêt du 15 mai 2013 ; que c’est le motif d’ailleurs pour lequel, à titre subsidiaire, la commission centrale d’aide sociale persistera pour sa part dans sa précédente position jusqu’à décision confirmant clairement l’inopérance de la seule résidence de l’assisté dans la structure (appartements plus service non autorisé comme tel) globalement autorisée comme établissement ; qu’à titre principal, toutefois, la commission centrale d’aide sociale estime que, dans la présente instance, les conditions d’application mêmes de la décision du 15 mai 2013 ne sont pas réunies ;
    Considérant en effet, sans doute, qu’il n’est pas contesté que M. X... a conclu un bail avec l’association, mais que ce bail n’est pas produit et qu’il s’agit soit d’un bail verbal, soit d’un sous-bail (si l’association n’est pas propriétaire des appartements), soit d’une mise à disposition ; que par ailleurs, les appartements regroupés constituant l’ensemble du foyer n’apparaissent pas comme des appartements indépendants situés à une autre adresse que celle du « service », même si (cf. décision du 12 décembre 2014, Paris/Hauts-de-Seine no 130237) cette circonstance n’apparait pas déterminante à la commission centrale d’aide sociale ; que pour la période litigieuse, la prestation de compensation, qui n’est d’ailleurs plus la prestation à domicile mais la prestation en établissement, est affectée comme telle aux frais d’hébergement et d’entretien, seuls 10 % de la ressource dont s’agit étant laissés à l’assisté et le tarif prenant en compte, quant à lui, l’ensemble de la dépense d’auxiliaires de vie, d’où il suit un prix de journée « d’établissement » dans la moyenne haute de ceux des foyers « traditionnels », les autres ressources non affectées de M. X... demeurant versées directement au gestionnaire hors mécanique « tarif/participation de l’aide sociale » ; qu’au regard des faits ressortant ainsi du dossier qui lui est soumis, la commission centrale d’aide sociale considèrera que la situation est, en tout état de cause, différence de celle du foyer de C... examinée par le Conseil d’Etat le 15 mai 2013 ;
    Considérant à titre subsidiaire et en toute hypothèse, qu’à supposer que la commission centrale d’aide sociale ait, dans l’analyse qui précède, dénaturé les faits et les pièces du dossier, au regard de leur assimilation de fait et ainsi de droit à la situation sur laquelle a statué la décision du 15 mai 2013, elle persiste néanmoins, jusqu’à décision explicite du Conseil d’Etat confirmant que la solution de ladite décision s’applique quelles que soient les énonciations de la décision d’autorisation quant à la nature de la structure (« établissement » ou « service »), en prenant en compte la réalité de son fonctionnement, à considérer que lorsqu’une « structure » comportant à la fois « un service » (au sens « matériel ») et des appartements, fussent-ils loués à bail (ou en sous bail) à l’assisté, bénéficiaire de l’intervention de ce « service », lequel réside effectivement dans les appartements partie de la « structure », une telle autorisation globale comme « établissement » n’a pas lieu d’être « disqualifiée » en autorisation d’un « service » ; qu’ainsi, dans cette hypothèse, il n’y aurait pas lieu de suivre la position du département des Côtes-d’Armor dans la présente instance selon laquelle, depuis l’entrée en vigueur des dispositions de la loi du 2 janvier 2002 prévoyant l’autorisation des services (qui ne sont d’ailleurs jamais entrées en vigueur au titre de la prise en charge par l’aide sociale laquelle demeure une aide sociale facultative mais c’est, encore, une autre question...), il conviendrait dans chaque cas d’espèce de rechercher si, en cas de signature d’un bail, la structure n’est pas en réalité un service, compte tenu du faible montant des frais de personnel (de suivi plutôt que d’accompagnement) pris en charge par l’aide sociale ; que si, ce faisant, le juge est amené à valider « les stratégies de transfert ou d’évitement de charges » mises en œuvre par les départements pour la gestion des projets voulus « autonomisant » présentés par les gestionnaires, la réalité lui parait être que les effets pervers de la position contraire seraient quoique par d’autres biais les mêmes, les collectivités d’aide sociale faisant évoluer leurs « stratégies » au fur et à mesure des modalités d’application du « faisceau d’indices » retenues par la jurisprudence ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir la requête susvisée ;
    Sur la requête no 140171 de l’UDAF de la Loire-Atlantique, pour M. X... ;
    Considérant que dès lors qu’il a été fait droit aux conclusions de la requête no 140389 du département de la Loire-Atlantique, celles de la requête no 140171 de l’UDAF de la Loire-Atlantique sont sans objet et qu’il n’y a lieu d’y statuer,

Décide

    Art. 1er.  -  A compter du 1er janvier 2014, le domicile de secours de M. X... demeure dans le département des Côtes-d’Armor.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête no 140171 de l’UDAF de la Loire-Atlantique.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée à l’union départementale des associations familiales de la Loire-Atlantique, au président du conseil départemental des Côtes-d’Armor et au président du conseil départemental de la Loire-Atlantique. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 3 avril 2015 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 3 avril 2015, à 13 h 30.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet