Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Etablissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) - Ressources - Capitaux placés - Décision - Erreur - Conseil d’Etat
Dossier no 130612

Mme X...
Séance du 17 octobre 2014

Décision lue en séance publique le 12 décembre 2014

    Vu, enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 25 novembre 2013, l’appel formé par l’union départementale des associations familiales (UDAF) de la Dordogne, agissant en qualité de curatrice de M. X..., résidant à l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) du Centre hospitalier de Dordogne, assistée de Maître Guillaume DEGLANE, avocat, contre la décision du 19 septembre 2013 de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne ayant confirmé celle par laquelle président du conseil général de la Dordogne, le 30 avril 2013, a refusé le bénéfice de l’aide sociale à l’intéressé à compter du 1er février 2013, au motif que ses ressources, « y compris ses capitaux placés », étaient suffisantes pour faire face à ses frais d’entretien et d’hébergement dans cet établissement ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré, comme ci-dessus, le 2 avril 2014, le mémoire en défense du président du conseil général de la Dordogne tendant au rejet des conclusions de l’appel au motif que l’intéressé « détiens des capitaux placés pour un montant de 39 293,55 euros qui lui permettent d’acquitter ses frais d’hébergement pendant neuf ans sans recourir à l’aide sociale. » ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 17 octobre 2014, M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la décision attaquée énonce que la commission est composée du président et rapporteur et de la secrétaire ; qu’en l’état des dispositions de l’article L. 134-6, issues de la décision du Conseil constitutionnel du 25 mars 2011 no 2010-110 QPC, la commission est composée du président et du rapporteur qui est le secrétaire de la commission, auquel « il peut (...) être adjoint un ou plusieurs rapporteurs (...) nommés par le président de la commission parmi les personnes figurant sur une liste établie conjointement par le président du conseil général et le préfet » ; que ces dispositions ne permettent pas au président de siéger comme rapporteur d’une commission composée de lui-même (avec voix prépondérante) et du secrétaire de la commission ou d’un autre rapporteur intervenant dans les conditions susrappelées ; qu’il n’est du reste même pas allégué que le président se soit nommé lui-même sur la liste des rapporteurs établie sur proposition des deux instances précitées ; qu’ainsi, la composition de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne qui a rendu la décision attaquée était irrégulière en ce qu’elle comportait un « président-rapporteur » et une secrétaire non rapporteur au regard des dispositions du 2e alinéa de l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles ; qu’il y a lieu de l’annuler et d’évoquer la demande ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. » ; qu’à ceux de l’article R. 132-1 du même code : « Pour l’appréciation des ressources des postulants prévue à l’article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. » ;
    Considérant qu’il suit de ces dispositions que les ressources à prendre en compte pour accorder ou refuser le bénéfice de l’aide sociale comprennent les revenus perçus par le demandeur, notamment ceux tirés du placement des capitaux qu’il détient ; qu’à défaut pour lui de faire fructifier ces derniers, l’administration calcule un revenu fictif qui s’ajoute à ceux effectivement perçus ; qu’en revanche, le président du conseil général n’est pas fondé à prendre en considération le montant des capitaux eux-mêmes, tant mobiliers qu’immobiliers, pour décider de l’admission ou non à l’aide sociale, conformément à une jurisprudence constante du juge de l’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment des énonciations de la décision attaquée elle-même, que M. X... perçoit des revenus qui s’élèvent à 1 591,87 euros par mois, dont 98,23 euros tirés de placements sous différentes formes (livret d’épargne, livret d’épargne populaire, livret de développement durable, compte d’épargne logement), d’un capital de 39 293,55 euros ; qu’il est fondé à conserver sur ces ressources mensuelles une somme de 232,98 euros ; que le solde disponible, soit 1 358,89 euros, ne suffit pas à couvrir ses frais d’entretien et d’hébergement à l’EHPAD du Centre hospitalier de Dordogne, s’élevant à 1 718,48 euros ;
    Considérant qu’est entachée d’erreur de droit la décision du 30 avril 2013 par laquelle le président du conseil général de la Dordogne a refusé à M. X... le bénéfice de l’aide sociale au motif que l’intéressé serait en mesure de combler la différence en puisant dans ses capitaux placés ; que le défendeur expose que « c’est ignorer de façon éhontée la globalité de la situation financière du demandeur » que de ne pas tenir compte « d’une capacité financière qui (...) permet de payer (les) frais d’hébergement pendant neuf ans (...) au mépris de la réalité » ; que sans que la commission centrale d’aide sociale entende, quant à elle, qualifier la position ainsi énoncée par le défendeur, il suffit de relever que cette position méconnait les termes précités de la loi tels qu’ils ont été interprétés par la jurisprudence constante du conseil d’Etat jamais remise en cause, certes édictée à une époque où en matière d’aide sociale aux personnes handicapées, les possibilités de récupération étaient les mêmes que celles dans les autres matières relevant de l’aide sociale générale notamment l’aide sociale aux personnes âgées, alors qu’elles sont aujourd’hui limitées à la récupération contre la succession si les personnes recherchées notamment les collatéraux n’ont pas assumé la charge effective et constante de l’assisté, mais que la jurisprudence s’est maintenue à l’identique jusqu’à ce jour en fonction des termes de la loi et qu’il n’appartient, le cas échéant, qu’au législateur de modifier celle-ci, le juge étant quant à lui en charge de l’appliquer comme auparavant l’administration,

Décide

    Art. 1er.  -  Ensemble sont annulées les décisions des 30 avril et 19 septembre 2013 du président du conseil général de la Dordogne et de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne.
    Art. 2.  -  A compter du 1er février 2013, M. X... est admis au bénéfice de l’aide sociale au titre de ses frais d’entretien et d’hébergement à l’EHPAD centre hospitalier de Dordogne.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée à l’union départementale des associations familiales de la Dordogne, au président du conseil général de la Dordogne et, pour information, à Maître Guillaume DEGLANE. copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 17 octobre 2014 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 12 décembre 2014
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet