Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2310
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Récupération sur succession - Hébergement - Frais - Actif net successoral - Décision - Motivation
Dossier nos 130364 et 140322

Mme X...
Séance du 25 septembre 2014

Décision lue en séance publique le 25 septembre 2014

    Vu le recours formé en date du 17 juin 2013 par Maître Michèle ABECASSIS-GUIDICELLI en sa qualité de conseil de M. M... et de M. P..., tendant à l’annulation de la décision en date du 15 février 2013 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Paris a confirmé la décision notifiée le 19 septembre 2011 du président du Conseil de Paris de récupérer la somme avancée au titre de l’aide sociale au bénéfice de Mme X... pour un hébergement en établissement pour personnes âgées du 21 avril 1999 au jour de son décès, le 9 mai 2010, soit 190 250,11 euros à concurrence de l’actif net successoral ;
    Maître Michèle ABECASSIS-GUIDICELLI conseil de M. M... et de M. P... soutient en premier lieu que cette décision a été prise par le président du Conseil de Paris siégeant en formation de conseil général alors qu’il a été jugé que seule la commission d’admission à l’aide sociale est compétente pour décider d’une récupération, en deuxième lieu, qu’il appartient au département de communiquer tous les éléments de nature à établir l’existence et le montant de la créance qu’il souhaite récupérer, qu’en l’état il est fait référence à une créance de 190 250,11 euros sans aucun détail ; en troisième lieu que cette récupération fait grief aux requérants :
      - à M. M..., d’une part, le frère de Mme X... dans la mesure où la récupération des prestations d’aide sociale accordées à Mme X... pourrait avoir pour effet de contraindre M. M... à perdre le revenu mensuel de 500 euros qui représente la part lui revenant dans le loyer alors que M. M... a besoin de ce revenu pour son budget mensuel. Par ailleurs, la récupération des prestations d’aide sociale pourrait conduire à la nécessité de vendre cet appartement à laquelle il ne peut consentir et que son propre fils, seul héritier de sa sœur - lui ayant renoncé à la succession - ne saurait lui imposer ; en effet, il a été jugé : « si les commissions d’aide sociale peuvent décider la récupération de prestations soit sur les bénéficiaires de celles-ci soit sur leur succession, soit sur leurs donataires, aucune disposition légale ou règlementaire d’aucune sorte ne leur donne compétence pour décider la récupération sur des tiers ». Que compte tenu des circonstances, il paraitrait juste et opportun que les modalités de la récupération soient aménagées de façon à ce que M. M... ne soit pas lésé par une vente de cet appartement qui le priverait d’une part de ses revenus ;
      - à M. P..., d’autre part, qui a hérité de sa tante, Mme X..., de la moitié indivise de cet appartement et dont la situation financière est telle qu’elle ne lui permet pas de régler la somme de 137 500 euros réclamée par l’aide sociale ; sachant qu’il refuse la vente de cet appartement ;
    En quatrième lieu, que l’estimation du bien réalisée par le Conseil de Paris est erronée, que la somme de 137 500 euros du bien indivis que le Conseil de Paris siégeant en formation de conseil général a demandé d’inscrire à l’actif net successoral correspond au prix d’un appartement libre à la vente, ce qui ne correspond pas à la réalité puisqu’il s’agit d’un appartement occupé, d’un appartement en indivision, et d’un appartement qui nécessite un nombre important de travaux, qu’il y a donc lieu d’appliquer au minimum une décote 20 % pour cet appartement, sachant que les décotes peuvent tout à fait s’appliquer à des biens non vendus ;
    En dernier lieu, que la décision du 19 Septembre 2011 n’a pas expliqué ses références de sorte au surplus qu’elle manque de motivation alors que les décisions de la commission d’aide sociale doivent être motivées ;
    Par ces motifs, Maître Michèle ABECASSIS-GUIDICELLI conseil de M. M... et de M. P... demande à titre principal l’annulation de la décision du président du Conseil de Paris siégeant en formation de conseil général du 19 septembre 2011, et à titre subsidiaire de constater que le département de Paris admet à présent qu’une décote de 20 % de la valeur du bien immobilier dont la moitié indivise revient à la succession peut être appliquée ce qui revient à ce qu’il accepte l’évaluation de la dite part du bien constitutif de l’actif net successoral au montant de 110 000 euros telle que proposée dès le 6 septembre 2011 par M. P... ;
    Vu le mémoire produit par le conseil général de Paris en date du 29 avril 2014 par lequel il rappelle d’une part qu’il n’appartient pas au juge de l’aide sociale de se prononcer sur la détermination de l’actif net successoral qui constitue en l’espèce, l’objet principal du litige, qu’il appartient au seul juge judiciaire de connaître les litiges portant sur la valeur de la succession, que la commission centrale d’aide sociale ne peut ainsi être saisie, et admet d’autre part « qu’une décote de 20 % de la valeur du bien immobilier à Paris Nième arrondissement dont la moitié indivise revient à la succession de Mme X... peut être appliquée si celui-ci vient à être vendu occupé, ce qui revient à accepter l’évaluation de ladite part du bien constitutive de l’actif successoral au montant de 110 000 euros en valeur occupée, ou à 135 000 euros en valeur libre, à parfaire si une vente est réalisée à un prix supérieur » ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Vu l’acquittement de la contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 euros due par toute personne saisissant la commission centrale d’aide sociale entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 en application de l’article 1635 bis Q du code général des impôts ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 25 septembre 2014, Maître Michèle ABECASSIS-GUIDICELLI, M. M... et M. P... et Laurène DERVIEU, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant dans un premier temps que l’article R. 132-11 du code de l’action sociale et des familles dispose qu’il appartient au président du conseil général ou au préfet de fixer le montant des sommes à récupérer dans le cadre d’un recours en récupération sur succession, le moyen selon lequel seule la commission d’admission à l’aide sociale est compétente pour décider d’une récupération est alors sans effet ;
    Considérant dans un deuxième temps que le moyen selon lequel le département est dans l’obligation de communiquer tous les éléments de nature à établir l’existence et le montant de la créance qu’il souhaite récupérer est inopérant dans la présente instance dès lors qu’il résulte de l’instruction du dossier un état des lieux précis du montant des frais avancés au titre de l’aide sociale, que la créance est donc certaine, liquide et exigible ;
    Considérant en troisième lieu qu’aux termes du 1o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département (...) Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire » ; qu’aux termes de l’article R. 132-11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132-8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale (...) » ;
    Considérant qu’aux termes du 4e alinéa de l’article R. 132-11 dudit code, le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer ; que dans une décision en date du 19 septembre 2011, le président du Conseil de Paris siégeant en formation de conseil général a prononcé un recours sur la succession de Mme X... à concurrence de l’actif net successoral ; qu’il résulte de l’instruction du dossier que Mme X... a bénéficié de l’aide sociale à l’hébergement pour son accueil en unité de soins de longue durée de l’hôpital H... dans le Val-de-Marne du 21 avril 1999 au 9 mai 2010, date de son décès, que le montant de la créance départementale s’élève ainsi à 190 250,11 euros, que le recours en récupération est donc fondé ;
    Considérant que, par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale de Paris a confirmé la décision du président du conseil général de récupérer, dans la limite de l’actif successoral, la totalité des sommes avancées par l’aide sociale ;
    Considérant et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens que n’est pas contesté le montant de la dette de l’aide sociale qui se porte à 190 250,11 euros, mais que le litige porte sur la valeur de l’actif net successoral ; que conformément à une jurisprudence constante de la commission centrale d’aide sociale (no 980122), il n’appartient pas à la juridiction de l’aide sociale de se prononcer sur la valeur d’un bien immobilier ni d’arrêter le montant de l’actif d’une succession ;
    Considérant qu’il y a lieu à cet effet de procéder à une évaluation contradictoire de la valeur du bien immobilier en cause, quelle que soit la solution choisie par les requérants : conserver le bien ou s’en dessaisir au profit de la collectivité créancière, à charge pour eux de procéder à sa vente ; que seul le juge judiciaire est compétent pour trancher un tel litige,

Décide

    Art. 1er.  -  La commission centrale d’aide sociale est incompétente pour apprécier la valeur du bien en cause, partie intégrante de l’actif net successoral, qui n’est, au moment de la présente instance, toujours pas fixé.
    Art. 2.  -  Le recours présenté par Maître Michèle ABECASSIS-GUIDICELLI conseil de M. M... et de M. P... est rejeté.
    Art. 3.  -  Les requérants sont invités à se présenter devant la juridiction judiciaire.
    Art. 4.  -  La présente décision sera notifiée à Maître Michèle ABECASSIS-GUIDICELLI, à M. P..., à M. M..., au président du conseil général de Paris. Copie en sera adressée au ministre en charge de l’aide sociale.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 25 septembre 2014 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme DERVIEU, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 25 septembre 2014.
    La République mande et ordonne au ministre en charge de l’aide sociale, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet