Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
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REVENU MINIMUM DINSERTION (RMI) | ||
Mots clés : Revenu minimum dinsertion (RMI) - Indu - Ressources - Déclaration - Autorité de la chose jugée - Fraude - Qualification |
Dossier no 130116
M. X...
Séance du 24 juin 2014
Décision lue en séance publique le 18 juillet 2014
Vu le recours en date du 11 février 2013 et les mémoires en date des 12 avril 2013, 2 mai 2013 et 15 mai 2013 présentés par Maître Thibaut BEAUHAIRE, conseil de M. X..., qui demande lannulation de la décision en date du 7 décembre 2012 par laquelle la commission départementale daide sociale de lEure a rejeté le recours tendant à lannulation de la décision en date du 17 novembre 2009 du président du conseil général qui a refusé toute remise gracieuse sur un indu de 97 189,34 euros, résultant dun trop-perçu dallocations de revenu minimum dinsertion décompté pour la période de juillet 1991 à juillet 2008 ;
Maître Thibaut BEAUHAIRE ne conteste pas lindu ; il demande la réformation de la décision en faisant valoir que le tribunal correctionnel dEvreux, par jugement en date du 19 juin 2012, na retenu à la charge de M. X... que la somme de 82 211,37 euros ; que la décision de la commission départementale daide sociale attaquée a méconnu lautorité de la chose jugée au pénal et que sa décision crée une contrariété de jugement ; que M. X... a été relaxé pour la période du 1er janvier 1990 au 26 février 1994 et que le jugement du tribunal correctionnel, devenu définitif, simpose au civil ; que le président du conseil général de lEure, en se désistant de son appel incident au pénal, a acquiescé au jugement rendu ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense du président du conseil général de lEure en date du 22 avril 2013 qui fait valoir que le jugement pénal reconnaît la pleine responsabilité de M. X... depuis juillet 1991 ; que le jugement pénal na pas retenu la période 1er janvier 1990 au 26 février 1994 que dans la mesure où les dispositions de larticle L. 262-46 du code de laction sociale et des familles, sous réserve du délit défini et sanctionné par les articles 313-et 313-3 du code pénal qui répriment lobtention frauduleuse du revenu minimum dinsertion et retiennent la qualification descroquerie, sont entrées en vigueur le 1er mars 1994 ; que le jugement pénal simpose aux juridictions administratives uniquement pour les constatations de fait ; le président du conseil général de lEure conclut au rejet de la requête ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les pièces desquelles il ressort que Maître Thibaut BEAUHAIRE sest acquitté de la contribution pour laide juridique de 35 euros instituée par larticle 1635 bis Q du code général des impôts depuis le 1er octobre 2011 ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;
Après avoir entendu à laudience publique du 24 juin 2014, M. BENHALLA, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes de larticle L. 262-41 du code de laction sociale et des familles : « Tout paiement indu dallocations ou de la prime forfaitaire instituée par larticle L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale daide sociale dans les conditions définies à larticle L. 262-39 (...). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; quaux termes de larticle R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de lallocation de revenu minimum dinsertion comprennent (...) lensemble des ressources, de quelque nature quelles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) » ; quaux termes de larticle R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de lallocation de revenu minimum dinsertion est tenu de faire connaître à lorganisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à larticle R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans lun ou lautre de ces éléments (...) » ;
Considérant quaux termes de larticle L. 262-46 du même code : « Sous réserve de la constitution éventuelle du délit défini et sanctionné aux articles 313-1 et 313-3 du code pénal, le fait de bénéficier frauduleusement ou de tenter de bénéficier frauduleusement de lallocation de revenu minimum dinsertion ou de la prime forfaitaire instituée par larticle L. 262-11 est passible dune amende de 4 000,00 euros. En cas de récidive, ce montant est porté au double » ;
Considérant que M. X... a été admis au bénéfice du droit au revenu minimum dinsertion en avril 1991 au titre dun couple sans enfant ; que suite à un contrôle de lorganisme payeur, il a été constaté que lintéressé a exercé une activité salariée dès le 1er avril 1991 ; que cette dernière, nonobstant les changements demployeurs, a été constante ; que par suite, le remboursement de la somme de 97 189,34 euros a été mis à sa charge, à raison dallocations de revenu minimum dinsertion indûment perçues pour la période de juillet 1991 à juillet 2008 ; que cet indu a été motivé par la circonstance que lintéressé a exercé une activité salariée et sest abstenu de déclarer ses ressources qui, de par leur montant, le rendait inéligible au revenu minimum dinsertion ; quainsi, il a bénéficié à tort du revenu minimum dinsertion et que lindu est fondé en droit ;
Considérant que par décision en date du 17 novembre 2009 le président du conseil général a refusé toute remise gracieuse ; que saisie dun recours, la commission départementale daide sociale de lEure, par décision en date du 7 décembre 2012, la rejeté ;
Considérant quil nest pas contesté que M. X... a bénéficié à tort du revenu minimum dinsertion durant toute la période litigieuse ; que par ailleurs le président du conseil général de lEure a déposé plainte auprès du procureur de la République ; quil a été produit à linstance le jugement du tribunal correctionnel dEvreux en date du 19 juin 2012 condamnant M. X... à six mois demprisonnement avec sursis et à payer la somme de 82 211,37 euros au département pour la période du 9 avril 1994 au 5 août 2008 ; queu égard à lautorité qui sattache aux constatations du juge pénal, la fausse déclaration est établie ;
Considérant en premier lieu que lautorité de la chose jugée au pénal ne simpose aux autorités et juridictions administratives quen ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions ;
Considérant en deuxième lieu que lautorité de chose jugée au pénal ne sétend pas à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal, à lexception des cas où la légalité dune décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale ; quainsi, la qualification retenue par le juge pénal, faisant application des dispositions de larticle L. 262-46 du code de laction sociale et des familles, nest pas de nature à contraindre lappréciation quil appartient à lautorité administrative puis, le cas échéant, au juge de laide sociale, dans le cadre dun litige relatif au recouvrement de sommes indûment perçues par un allocataire, de porter de manière autonome sur lexistence dune fausse déclaration ou dune fraude faisant obstacle à lapplication de la prescription biennale prévue à larticle L. 262-40 du même code ;
Considérant en troisième lieu que le jugement du tribunal correctionnel dEvreux en date du 19 juin 2012 précise : « Le dépôt par X... de déclarations mentionnant de façon systématique labsence totale dactivité ou de revenu de remplacement pour le trimestre échu caractérise toutefois une opération délictueuse unique dès lors que ces déclarations ont été déposées auprès de lorganisme social gestionnaire du revenu minimum dinsertion, sans discontinuité dans la période davril 1991 à novembre 2008 (...) » ; que toutefois le tribunal na retenu les faits constitutifs de délit pénal quà compter de mars 1994, date de lentrée en vigueur de larticle 441-6 du code pénal punissant linfraction liée au « (...) fait de fournir sciemment une fausse déclaration ou une déclaration incomplète en vue dobtenir ou de tenter dobtenir, de faire obtenir ou de tenter de faire obtenir dune personne publique, dun organisme de protection sociale ou dun organisme chargé dune mission de service public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu » ;
Considérant en quatrième lieu quau jour du délibéré de la commission départementale daide sociale de lEure le 7 décembre 2012, le jugement du tribunal correctionnel dEvreux en date du 19 juin 2012 nétait pas définitif dans la mesure où M. X... en avait relevé appel le 26 juin 2012 et que laffaire était pendante devant la cour dappel de Rouen ; que les actes de désistement de lappel, tant de lappelant que de lintimé de son appel incident, sont postérieurs à la date de la décision de la commission départementale daide sociale de lEure ; quil en sera donné acte par la cour dappel de Rouen par arrêt en date du 26 mars 2013 ;
Considérant quil résulte de lensemble de ce qui précède que M. X... reste bien redevable de la somme de 97 189,34 euros, et quil nest dès lors pas fondé à soutenir que cest à tort que la commission départementale daide sociale de lEure a, par sa décision en date du 7 décembre 2012, rejeté son recours,
Décide
Art. 1er. - Le recours de M. X... est rejeté.
Art. 2. - La présente décision sera notifiée à Maître Thibaut BEAUHAIRE, à M. X..., au président du conseil général de lEure. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 24 juin 2014 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. BENHALLA, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 18 juillet 2014.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
La présidente | Le rapporteur |
Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet