Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
3200 |
REVENU MINIMUM DINSERTION (RMI) | ||
Mots clés : Revenu minimum dinsertion (RMI) - Radiation - Indu - Fraude - Conditions administrative - Remise - Précarité - Preuve |
Dossier no 120674
M. X...
Séance du 16 mai 2014
Décision lue en séance publique le 4 juillet 2014
Vu la requête enregistrée au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 7 septembre 2012, présentée pour le président du conseil général du Calvados par Maître Coralie LOYGUE, qui demande à la commission centrale daide sociale :
1o Dannuler la décision du 5 juillet 2012 par laquelle la commission départementale daide sociale du Calvados a annulé les décisions des 24 juin et 4 juillet 2006 par lesquelles la caisse dallocations familiales du Calvados a notifié à M. X... dune part quil ne remplissait plus les conditions pour bénéficier du droit au revenu minimum dinsertion, dautre part quil était redevable dun indu dallocations de revenu minimum dinsertion dun montant de 43 014,91 euros correspondant à la période du 1er juillet 1995 au 31 janvier 2006 ;
2o De rejeter la demande présentée par M. X... devant la commission départementale daide sociale du Calvados ;
Le président du conseil général du Calvados soutient que M. X... a produit une fausse carte de résident lors de sa demande de revenu minimum dinsertion ; que durant la période litigieuse, il vivait en couple, percevait des revenus quil déclarait aux services fiscaux mais navait pas déclaré à la caisse dallocations familiales, possédait une entreprise au Maroc et y employait des salariés ; que la commission départementale daide sociale na pas tenu compte de certains éléments déterminants et a tenu pour établi des allégations non démontrées de M. X... ; quelle na pas tenu compte des déclarations de la préfecture établissant que le document produit pour lobtention du revenu minimum dinsertion était un faux ; quelle ne sest pas interrogée sur la situation fiscale de M. X... antérieurement à 2004, ni sur la situation de son épouse antérieurement à 2002 ; quelle a regardé comme établi les allégations de M. X... concernant sa prétendue activité salariée alors quaucun élément de fait ne vient les corroborer ; que la commission départementale daide sociale fait état de la présomption dinnocence dont jouit M. X... mais na pas pris la peine de prendre connaissance du dossier pénal ; que M. X... a fait lobjet de plusieurs condamnations pénales devenues définitives qui établissent de façon incontestable quil a fabriqué et utilisé de faux documents pour bénéficier de divers avantages ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 27 mai 2013, présenté pour le président du conseil général du Calvados par Maître Coralie LOYGUE, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre que les déclarations faites par M. X... dans les différentes procédures dans lesquelles il est en cause se contredisent les unes les autres ; que les éléments produits dans le cadre de linstruction pénale ouverte contre M. X... pour fraude au revenu minimum dinsertion démontre la véracité des éléments avancés par le département ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 24 octobre 2013, présenté pour le président du conseil général du Calvados par Maître Coralie LOYGUE, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il produit lordonnance de renvoi rendue par le juge dinstruction près le tribunal de grande instance de Caen sur le dossier de M. X... ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2014, présenté pour M. X... par Maître Thomas POIRIER ROSSI qui conclut :
- au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que soit accordé à M. X... une remise totale de son indu dallocations de revenu minimum dinsertion ;
- à ce quil soit déchargé de son indu, laction tendant à sa répétition étant prescrite ;
- à ce que soit mise à la charge du président du conseil général du Calvados la somme de 1 500,00 euros à verser à Maître Thomas POIRIER-ROSSI, avocat de M. X..., au titre de larticle 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
M. X... soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ; que les éléments de la procédure pénale en cours ne peuvent être retenus, dès lors, dune part quil bénéficie de la présomption dinnocence, dautre part que ces éléments sont couverts par le secret de linstruction ; quen tout état de cause, lordonnance de renvoi conclut au non-lieu concernant les faits de fraude au revenu minimum dinsertion ; quà titre subsidiaire, sa situation de précarité justifie une remise totale de son indu ; que laction en répétition de lindu est prescrite, en application de larticle L. 262-40 du code de laction sociale et des familles ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 février 2014, présenté pour le président du conseil général du Calvados par Maître Coralie LOYGUE, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens, et demande en outre à la commission centrale daide sociale :
- de rejeter toutes les conclusions de M. X... ;
- de mettre à la charge de M. X... la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de larticle 700 du code de procédure civile ;
Il soutient en outre que le secret de linstruction couvre les actes denquête pendant le cours de linstruction mais ce nest plus le cas une fois linstruction close par lordonnance rendue par le juge dinstruction ; que la commission centrale daide sociale peut donc prendre en compte les éléments contenus dans lordonnance de renvoi du juge dinstruction et recueillis dans le cadre de lenquête pénale ; que si lordonnance de renvoi conclut au non lieu pour linfraction de fraude au revenu minimum dinsertion, ce nest quaprès avoir relevé que les faits de nature à caractériser linfraction étaient établis, M. X... ayant sciemment dissimulé sa situation matrimoniale et lexistence de revenus, et uniquement parce que les faits ne sauraient être poursuivis soit du fait de la prescription soit en raison de labsence de texte répressif sur une partie de la période considérée ; que linstruction pénale a permis de relever que M. X... a utilisé un faux titre de séjour, quil avait plusieurs adresses dans la région du Calvados mais également en région parisienne, sous son nom, sous des pseudonymes ou sous le nom de frères restés au Maroc, quil a bien eu des revenus non déclarés durant la période considérée ; que M. X... ne saurait se prévaloir dune quelconque prescription dès lors, dune part, que le délai de prescription de deux ans nest pas applicable en cas de fraude ou de fausse déclaration, dautre part que les décisions des 24 juin et 4 juillet 2006 notifiant lindu ont interrompu la prescription ; que M. X... ne saurait solliciter une remise de sa dette, dès lors, dune part, quil est impossible de connaître la réalité de sa situation actuelle, dautre part que la fraude rend inconcevable toute remise de dette ;
Vu les pièces desquelles il ressort que le président du conseil général du Calvados sest acquitté de la contribution pour laide juridique de 35,00 euros instituée par larticle 1635 bis Q du code général des impôts depuis le 1er octobre 2011 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 16 mai 2014, M. LABRUNE, rapporteur, les représentants du conseil général du Calvados et Maître Coralie LOYGUE, conseil du président du conseil général du Calvados, ainsi que Maître Thomas POIRIER ROSSI, conseil de M. X..., et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quil résulte de linstruction, que M. X..., bénéficiaire du droit au revenu minimum dinsertion à compter du mois daoût 1995, sest vu notifier, par des décisions des 24 juin et 4 juillet 2006 de la caisse dallocations familiales du Calvados, agissant par délégation du président du conseil général de ce département, dune part quil ne remplissait plus les conditions pour bénéficier du droit au revenu minimum dinsertion, dautre part quil était redevable dun indu dallocations de revenu minimum dinsertion dun montant de 43 014,91 euros correspondant à la période du 1er juillet 1995 au 31 janvier 2006, au motif quil avait produit une fausse carte de résident lors de sa demande de revenu minimum dinsertion et que, durant la période litigieuse, il vivait en couple, percevait des revenus quil navait pas déclaré, et possédait une entreprise au Maroc ; que M. X... a contesté ces décisions devant la commission départementale daide sociale du Calvados qui, par la décision du 5 juillet 2012 dont le président du conseil général du Calvados relève appel, a annulé les deux décisions des 24 juin et 4 juillet 2006 de la caisse dallocations familiales du Calvados ;
Sur le bien-fondé de lindu :
Considérant quaux termes de larticle L. 262-10 du code de laction sociale et des familles : « Lensemble des ressources retenues pour la détermination du montant du revenu minimum dinsertion est pris en compte pour le calcul de lallocation » ; quaux termes de larticle L. 262-41 du même code : « Tout paiement indu dallocations ou de la prime forfaitaire instituée par larticle L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale daide sociale dans les conditions définies à larticle L. 262-39. Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire (...) » ; quaux termes de larticle R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de lallocation de revenu minimum dinsertion comprennent (...) lensemble des ressources, de quelque nature quelles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...), et notamment les avantages en nature, les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; quaux termes du premier alinéa de larticle R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de lallocation de revenu minimum dinsertion est tenu de faire connaître à lorganisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer (...) » ;
Considérant quil résulte de ces dispositions quil appartient au bénéficiaire de lallocation de revenu minimum dinsertion de faire connaître à lautorité administrative lensemble des ressources dont il dispose ainsi que sa situation familiale et tout changement en la matière ; que sil est établi que le bénéficiaire a procédé à des déclarations inexactes ou incomplètes et quil nest, en outre, pas possible, faute de connaître le montant exact des ressources des personnes composant le foyer, de déterminer sil pouvait ou non bénéficier de cette allocation pour la période en cause, lautorité administrative est en droit, sous réserve des délais de prescription, de procéder à la répétition de lensemble des sommes qui ont été versées à lintéressé et de mettre fin à ses droits au revenu minimum dinsertion ;
Considérant que lautorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs ne sattache quaux constatations de fait qui sont le soutien nécessaire du dispositif de leurs jugements statuant au fond ; que tel nest pas le cas des ordonnances de renvoi que rendent les juges dinstruction, quels que soient leurs dispositifs et quelles que soient les constatations de fait sur lesquelles elles sont fondées ; que si ces constatations ne simposent donc pas au juge administratif, il peut les prendre en considération parmi les pièces du dossier qui lui est soumis ;
Considérant quil résulte de linstruction, notamment des termes mêmes de lordonnance du 30 juillet 2013, qui figure au dossier et par laquelle le juge dinstruction, a, dune part, après avoir relevé que la fraude au revenu minimum dinsertion était établie, dit ny avoir pas lieu de poursuivre M. X... à ce titre, uniquement du fait de labsence, sur une partie de la période litigieuse, de base légale à lincrimination, dautre part, renvoyé M. X... devant le tribunal correctionnel pour dautres infractions ; que M. X... a utilisé, pour lobtention du revenu minimum dinsertion de 1995 à 2000, un faux titre de séjour ; quil a perçu, durant toute la période litigieuse, dimportants revenus dont il na pu préciser la source ; que M. X... na déclaré aucun de ces éléments à la caisse dallocations familiales du Calvados qui était, dès lors, en droit, faute de connaître le montant des ressources dont disposaient réellement M. X... et son foyer, de procéder, sous réserve des délais de prescription, à la récupération des sommes quelle avait versées au titre de lallocation de revenu minimum dinsertion et de mettre fin aux droits de M. X... au revenu minimum dinsertion ;
Sur la prescription :
Considérant quen vertu de larticle L. 262-40 du code de laction sociale et des familles, laction intentée par un organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées se prescrit par deux ans, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration ; que la notion de fausse déclaration au sens de cet article doit sentendre comme visant les inexactitudes ou omissions délibérément commises par lallocataire dans lexercice de son obligation déclarative ; quil résulte de linstruction, notamment de lordonnance du 30 juillet 2013 par laquelle le juge dinstruction a renvoyé M. X... devant le tribunal correctionnel, que M. X... a sciemment dissimulé à la caisse dallocations familiales du Calvados et au conseil général du Calvados tant sa situation matrimoniale que ses revenus ; quil doit, dès lors, être regardé comme ayant commis de fausses déclarations et ne saurait, par suite, se prévaloir de la prescription biennale prévue par larticle L. 262-40 du code de laction sociale et des familles ;
Sur la demande de remise :
Considérant quen vertu du premier alinéa de larticle L. 262-41 du code de laction sociale et des familles, tout paiement indu de lallocation de revenu minimum dinsertion doit normalement donner lieu à récupération ; que, si le dernier alinéa de cet article permet au président du conseil général, en cas de précarité de la situation du débiteur, de réduire la créance du département ou den accorder la remise, il résulte des dispositions ajoutées à cet alinéa par la loi no 2006-339 du 23 mars 2006, entrées en vigueur le 25 mars suivant, que cette faculté de réduction ou de remise est toutefois exclue en cas de manuvre frauduleuse ou de fausse déclaration de la part de lintéressé ; quen décidant ainsi de priver les allocataires se livrant à des manuvres frauduleuses ou à de fausses déclarations de toute possibilité de réduction ou de remise, le législateur a entendu sanctionner ces agissements et empêcher leur réitération ; que ces dispositions ne sont par suite applicables quaux seuls faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ; quelles ne sont, par suite, pas applicable à lindu dallocations de revenu minimum dinsertion mis à la charge de M. X..., dès lors que celui-ci correspond à la période du 1er juillet 1995 au 31 janvier 2006 ;
Considérant que si M. X... demande que sa dette dallocations de revenu minimum dinsertion lui soit remise en invoquant la précarité de sa situation, il ne produit, au soutien de sa demande et de ses allégations, aucun élément probant susceptible de permettre den apprécier le bien-fondé ; quil ne met donc pas la commission centrale daide sociale en mesure dapprécier si sa situation pourrait être de nature à justifier une remise de dette ; que sa demande ne peut, dans ces conditions et en tout état de cause, quêtre rejetée ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que le président du conseil général du Calvados est fondé à soutenir que cest à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale daide sociale du Calvados a annulé les décisions des 24 juin et 4 juillet 2006 de la caisse dallocations familiales du Calvados ;
Sur les conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile :
Considérant que les dispositions de larticle 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce quune somme soit mise, sur leur fondement, à la charge du président du conseil général du Calvados, qui nest pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que, dès lors que les dispositions de larticle 700 du code de procédure civile ne sont pas applicables devant les juridictions de laide sociale, juridictions administratives spécialisées, les conclusions présentées par Maître Thomas POIRIER ROSSI, conseil de M. X..., sur leur fondement ne peuvent être que rejetées,
Décide
Art. 1er. - La décision en date du 5 juillet 2012 de la commission départementale daide sociale du Calvados est annulée.
Art. 2. - La demande présentée par M. X... devant la commission départementale daide sociale du Calvados et les conclusions présentées par M. X... et son conseil, Maître Thomas POIRIER ROSSI devant la commission centrale daide sociale, sont rejetées.
Art. 3. - Le surplus des conclusions de la requête du président du conseil général du Calvados est rejeté.
Art. 4. - La présente décision sera notifiée à Maître Coralie LOYGUE, au président du conseil général du Calvados, à Maître Thomas POIRIER ROSSI, à M. X.... Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 16 mai 2014 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. MONY, assesseur, M. LABRUNE, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 4 juillet 2014.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | La rapporteure |
Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet