Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Récupération sur donation - Aide ménagère - Assurance vie |
Dossier no 130389
Mme X...
Séance du 25 septembre 2014
Décision lue en séance publique le 25 septembre 2014
Vu le recours formé en date du 25 juin 2013 par M. Y..., tendant à lannulation de la décision en date du 29 avril 2013 par laquelle la commission départementale daide sociale de lAisne a confirmé la décision du président du conseil général de lAisne en date du 13 juillet 2012 décidant, dans le cadre dun recours contre donataire, la récupération de la somme de 2 288,86 euros, suite à ladmission de Mme X... au bénéfice de laide sociale au titre de laide ménagère à domicile durant la période du 1er janvier 2001 au 28 février 2005 pour un montant de 11 444,32 euros ;
Le requérant soutient que la souscription dun contrat dassurance vie par sa mère, Mme X..., était une opération destinée à préserver lépargne constituée par son époux décédé en 2000, effectuée sur recommandation dun agent commercial de la Poste, que cette opération ne peut en aucun cas traduire la volonté de Mme X... de se dépouiller de ses biens, quil ny a donc pas lieu de requalifier la souscription dun contrat dassurance vie en donation indirecte, que laffirmation de lintention libérale par le président du conseil général ainsi que par la commission départementale daide sociale remet par ailleurs en cause la droiture et la rectitude de Mme X..., sa mère, de même que la générosité des enfants de cette dernière qui lui ont laissé en totalité leurs avoirs successoraux lors du décès de leur père, preuve de leur volonté à tous de permettre à leur mère de conserver une épargne suffisante afin de pouvoir faire face à toute éventualité ;
Vu le mémoire en défense produit par le président du conseil général de lAisne en date du 5 décembre 2013 qui conclut au rejet de la requête au motif quun contrat dassurance vie peut être requalifié en donation indirecte sil révèle pour lessentiel une intention libérale (cf. décision du Conseil dEtat no 25479 du 19 novembre 2004), que le contrat dassurance vie souscrit par Mme X... peut être requalifié en donation indirecte au regard de lâge de cette dernière, 87 ans au moment de la souscription, et de limportance des montants placés sur cette assurance vie (16 801,18 euros) par rapport au montant de la succession (3 435,45 euros) ;
Vu le mémoire en réplique en date du 10 janvier 2014 présenté par M. Y... persistant dans les moyens de sa requête aux motifs, dune part, que larrêt du Conseil dEtat cité par le président du conseil général dit quun contrat « peut-être requalifié » en donation indirecte, quil ne sagit donc pas dune mesure systématique, quaucune preuve de lintention libérale de sa mère na été apportée, dautre part quaucune information sur les modalités de récupération na jamais été apportée par les services du conseil général ;
Vu le mémoire en réplique présenté par le président du conseil général de lAisne en date du 24 mars 2014 qui conclut toujours au rejet de la requête et au maintien du recours en récupération aux motifs quaucune disposition nimpose au département linformation préalable du demandeur daide sociale sur les conséquences de ladmission à laide sociale, et que le capital du contrat dassurance vie est presque cinq fois supérieur à celui composant le solde de la succession ;
Vu le dernier mémoire en réplique présenté par M. Y... en date du 27 avril 2014 qui persiste en tout point dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens que précédemment évoqués et regrette que ce dossier ne soit examiné que sous un angle purement administratif et que la part dhumanité qui devrait simposer aux services sociaux en soit totalement absente ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Vu lacquittement de la contribution pour laide juridique dun montant de 35 euros due par toute personne saisissant la commission centrale daide sociale entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 en application de larticle 1635 bis Q du code général des impôts ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 25 septembre 2014 Laurène DERVIEU, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant en premier lieu quaucun texte ni aucun principe général nimpose à ladministration, lorsquelle accorde une prestation daide sociale, dinformer les successeurs éventuels du bénéficiaire de lexercice possible dun recours en récupération (CE 25 avril 2001) ;
Considérant ensuite quaux termes des dispositions de larticle L. 132-8, 2o du code de laction sociale et des familles : « des recours sont exercés par ladministration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; quaux termes de larticle R. 132-11 du code précité : « Les recours prévus à larticle L. 132-8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale » ;
Considérant quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui laccepte » ; quun contrat dassurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivant du code des assurances, par lequel il est disposé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant cependant que ladministration et les juridictions de laide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions judiciaires ; quà ce titre, un contrat dassurance vie peut être requalifié en donation, si compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil résulte de linstruction que Mme X... a bénéficié de laide ménagère à domicile du 1er janvier 2001 au 28 février 2005, que les sommes avancées par le département au titre de laide sociale se sont élevées à 11 444,32 euros ; que Mme X... a souscrit le 4 janvier 2001 un contrat dassurance vie dun montant de 16 801,10 euros ;
Considérant que si lâge de Mme X... à la date de souscription du contrat dassurance vie (87 ans) ainsi que la relative importance des primes qui y ont été versées, peuvent être considérées comme des éléments tendant à prouver lintention libérale, pour autant, il semble difficile, au vu de lensemble des éléments présentés par M. Y..., son fils, de considérer quil y ait eu une réelle intention libérale et une volonté de se dépouiller de son patrimoine au profit des bénéficiaires, quen effet, ce placement fait immédiatement suite au décès du mari de Mme X... et traduit avant tout la volonté de placer largent provenant de cette succession dans les meilleures conditions possibles, que Mme X... ne présentait aucun signe de troubles de santé particuliers au moment de la signature du contrat dassurance vie, que la souscription de ce contrat semble correspondre à un simple acte de gestion patrimoniale ;
Considérant, et sans quil soit besoin de statuer sur les autres moyens, que les conditions permettant à ladministration de laide sociale de requalifier un contrat dassurance vie en donation indirecte ne sont pas réunies dans la présente instance, quil y a lieu en conséquence, dannuler les décisions attaquées en ce quelles requalifient le contrat dassurance vie en donation indirecte,
Décide
Art. 1er. - La décision du président du conseil général de lAisne en date du 13 juillet 2012 et la décision de la commission départementale daide sociale de lAisne en date du 29 avril 2013 sont annulées.
Art. 2. - Le recours en récupération est annulé ainsi que la requalification de lassurance vie en donation indirecte.
Art. 3. - La présente décision sera notifiée à M. Y..., au président du conseil général de lAisne. Copie en sera adressée au ministre en charge de laide sociale.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 25 septembre 2014 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme DERVIEU, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 25 septembre 2014.
La République mande et ordonne au ministre en charge de laide sociale, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | La rapporteure |
Pour ampliation
La secrétaire générale
de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet