Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE | ||
Mots clés : Domicile de secours (DOS) - Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Etablissement public dhébergement pour personnes dépendantes (EPHAD) - Résidence - Etranger - Compétence dattribution
Dossier no 130233
Mme X...
Séance du 27 juin 2014
Décision lue en séance publique le 27 juin 2014, à 13 heures
Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 24 avril 2013, la requête présentée par le président du conseil général de la Moselle tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale fixer le domicile de secours de Mme X... dans le département de la Meuse pour la prise en charge de ses frais de placement ainsi que ceux relatifs à lallocation personnalisée dautonomie par les moyens que Mme X... est domiciliée depuis trente-cinq ans au dans le département de la Meuse ; quelle a été hospitalisée dans la Haute-Marne du 12 août 2012 au 28 septembre 2012 ; que dans lurgence ses enfants lui ont trouvé un hébergement dans la résidence « P... » en Belgique où elle a résidé jusquau 28 janvier 2013 ; quà compter de cette date, elle a été admise à lEHPAD en Moselle ; quune demande dallocation personnalisée dautonomie a été réceptionnée par la direction de la solidarité de la Meuse le 11 février 2013 ; quaprès instruction administrative, le conseil général de la Meuse a transmis la demande au conseil général de la Moselle, le 18 février 2013 pour compétence au motif que Mme X... a perdu son domicile de secours dans la Meuse suite à son hébergement en établissement en Belgique ; que selon larticle L. 122-2 du code de laction sociale et des familles, « le domicile de secours sacquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à lémancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires ou sociaux, (...) qui conservent le domicile de secours quelles avaient acquis avant leur entrée dans létablissement et avant le début de leur séjour chez un particulier. Le séjour dans ces établissements ou au domicile dun particulier agréé ou dans un placement familial est sans effet sur le domicile de secours. » ; que Mme X... a bien quitté le département de la Meuse pendant plus de trois mois mais na pas pour autant acquis un autre domicile de secours puisquelle a dune part, séjourné dans un établissement médico-social et que dautre part, « si labsence résulte de circonstances excluant toute liberté de choix du lieu de séjour, le délai ne commence à courir que du jour où ces circonstances nexistent plus ; quainsi le conseil général de la Moselle considère que Mme X... a conservé son domicile de secours dans le département de la Meuse car elle y a conservé son appartement durant toute sa période dhospitalisation et dhébergement à la résidence « P... » en Belgique ; quainsi les dépenses relatives à laide sociale au placement de Mme X... et relatives à lallocation personnalisée dautonomie doivent être servies par le département de la Meuse ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré le 14 octobre 2013, le mémoire en défense du président du conseil général de la Meuse tendant au rejet de la requête par les motifs que les deux arguments développés par le département de la Moselle doivent être écartés : que sur le séjour en établissement médico-social, aux termes de larticle L. 122-3 alinéa 2 du code de laction sociale et des familles, sauf si celle-ci est motivée par un séjour dans un établissement sanitaire ou social ou au domicile dun particulier agréé ou dans un placement familial, le domicile de secours se perd par une absence ininterrompue depuis plus de trois mois ; que larticle L. 312-1 du même code dresse la liste des établissements médico-sociaux ; que, pour bénéficier de cette qualification, les établissements doivent faire lobjet dune autorisation sur le fondement de larticle L. 313-1 dudit code ; quà la lecture de ces articles les établissements accueillant des personnes âgées sont des établissements médico-sociaux et un séjour dans un établissement de ce type ne fait pas perdre le domicile de secours sous réserve que létablissement ait obtenu lautorisation requise ; quen lespèce, létablissement belge ne satisfait pas à cette condition, cest pourquoi le séjour de Mme X... du 29 septembre 2012 au 29 janvier 2013 a eu pour conséquence de lui faire perdre son domicile de secours dans la Meuse ; que, par ailleurs, larticle L. 122-3 précise que, si labsence résulte de circonstances excluant toute liberté de choix du lieu de séjour ou dun traitement dans un établissement de santé situé hors du département où réside habituellement le bénéficiaire de laide sociale, le délai de trois mois ne commence à courir que du jour où ces circonstances cessent ; quen loccurrence ladmission de Mme X... dans un établissement en Belgique ne se justifie pas par la nécessité de recevoir un traitement particulier et les seules difficultés de santé rencontrées par cette dernière pour un maintien à domicile nimpliquent pas de fait une absence de liberté de choix quant à son lieu de vie ; quainsi il ne peut être fait application, en lespèce, du dernier alinéa de larticle L. 122-3 du code de laction sociale et des familles ; quainsi, lors du dépôt de sa demande dallocation personnalisée dautonomie, Mme X... ne disposait plus dun dispositif de secours en France et par conséquent ses dépenses daide sociale incombent au département dans lequel elle réside au moment du dépôt de sa demande, soit le département de la Moselle ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
Après avoir entendu à laudience publique du 27 juin 2014, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quen application de larticle L. 122-1 du code de laction sociale et des familles, les dépenses daide sociale légale incombent au « département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours » ou, à défaut, dans lequel ils résident au moment du dépôt de la demande ; quaux termes de larticle L. 122-2 du même code, celui-ci sacquiert « [...] par une résidence habituelle de trois mois dans le département postérieurement à la majorité ou à lémancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires ou sociaux ou accueillies habituellement [...] au domicile dun particulier agréé [...] » ; quà ceux de larticle L. 122-3, il se perd soit « [...] par une absence ininterrompue de trois mois postérieurement à la majorité ou à lémancipation, sauf si celle-ci est motivée par un séjour dans un établissement sanitaire ou social ou au domicile dun particulier agréé [...] », soit « par lacquisition dun nouveau domicile de secours » ; quaux termes de larticle L. 264-1 dernier alinéa : « le département débiteur de lallocation personnalisée dautonomie [...] est celui dans le ressort duquel lintéressé a élu domicile » ;
Considérant quil ressort des pièces du dossier et nest pas contesté que Mme X... était domiciliée depuis trente-cinq ans dans le département de la Meuse ; quelle a été hospitalisée du 12 août 2012 au 21 septembre 2012 dans la Haute-Marne, puis en moyen séjour dans la Haute-Marne jusquau 28 septembre 2012 ; quelle a ensuite été admise en Belgique dans une maison de repos dispensant des prestations dhébergement et de soins adaptés à la dépendance le 28 septembre 2012 ; quelle a enfin été admise à lEHPAD (Moselle) le 28 janvier 2013 sans solution de continuité ; quil nest pas contesté que durant les périodes dhospitalisation du 12 août 2012 au 28 septembre 2012 où Mme X... était hébergée en établissement « sanitaire ou social », elle navait pas perdu son domicile de secours dans le département de la Meuse ;
En ce qui concerne les conclusions du président du conseil général de la Moselle tendant à ce que « les dépenses daide sociale afférentes au placement de Mme X... » soient à charge du département de la Meuse ;
Considérant que, non seulement il est constant que le président du conseil général de la Meuse na transmis le dossier au président du conseil général de la Moselle quen ce qui concerne la charge de lallocation personnalisée dautonomie et non des frais de placement, quil sagisse dailleurs du tarif hébergement comme du tarif dépendance, mais encore quil résulte de linstruction quaucune demande de prise en charge par laide sociale afférente aux frais de placement non suceptibles dêtre couverts par lassistée et/ou ses débiteurs daliments na été formulée à ce jour ; que, quelles que puissent être les conséquences délétères dune telle situation pour létablissement daccueil, au regard des dispositions de larticle R. 131-2 du code de laction sociale et des familles, il nappartient pas à la commission centrale daide sociale de statuer à titre « préventif » sur une demande susceptible dêtre formulée auprès du département compétent en ce qui concerne limputation financière des dépenses, mais non formulée à lheure actuelle, alors même que labsence dune telle demande sexpliquerait, sinon se justifierait, par la saisine préalable de lautorité judiciaire pour fixer la participation des débiteurs daliments ; que dans ces conditions, et alors quil nappartient pas au juge de statuer sur des litiges non encore existants, les conclusions de la requête du président du conseil général de la Moselle ne peuvent, en cet état, quêtre rejetées ; quil appartiendra au département lorsquil sera saisi dune demande daide sociale de statuer sur cette demande et de se déterminer sur limputation financière de la dépense sous le contrôle, en tant que de besoin, du juge de laide sociale ;
Sur les conclusions relatives à limputation financière des dépenses dallocation personnalisée dautonomie ;
Considérant en premier lieu, que le président du conseil général de la Moselle soutient que Mme X... na pas pu perdre son domicile de secours dans la Meuse, dune part pour avoir séjourné dans un établissement « sanitaire ou social », dautre part, parce que lorsquelle a été admise en maison de repos en Belgique, elle na pu exercer librement le choix de son lieu de résidence au sens de larticle L. 122-3 du code précité ; mais que, dune part létablissement belge nétait pas autorisé au titre des articles L. 312-1 et L. 313-1 et que laccueil dans cet établissement demeurait donc sans incidence sur la perte, comme sur lacquisition du domicile de secours, Mme X... ayant perdu ledit domicile dans la Meuse trois mois après avoir quitté ce département et nayant pu acquérir un nouveau domicile de secours à létranger ; que, dautre part il résulte de linstruction que, si Mme X... a dû provisoirement être admise dans la structure belge, dont il résulte de ce qui précède quelle dispense des prestations dhébergement et de soins comparables à celles dispensées par des EHPAD en France, cest parce que dès alors elle avait besoin dêtre admise en EHPAD en raison de son état de dépendance et seule labsence de place dans un établissement français adapté à sa situation familiale et sociale a contraint sa famille à trouver, en attendant quune place soit disponible, une structure daccueil en Belgique où elle a résidé quatre mois et quainsi Mme X... a quitté le département de la Meuse, non en raison de circonstances extérieures à son état de dépendance, mais en raison de létat même dont il sagit, alors que pour lapplication de larticle L. 122-3, les circonstances qui jouent dans la perte du domicile de secours doivent sentendre comme des circonstances extérieures à la personne même du bénéficiaire de laide sociale et ne sauraient par suite résulter de la seule situation de dépendance physique ou psychique de lintéressé ; quil suit de là que les deux moyens du président du conseil général de la Moselle doivent, en tant quils concernent limputation financière de lallocation personnalisée dautonomie, être écartés ;
Considérant en deuxième lieu, que le président du conseil général de la Meuse soutient quen application de larticle L. 122-1 2e alinéa selon lequel « à défaut de domicile de secours [les]dépenses incombent au département où réside lintéressé au moment de la demande dadmission à laide sociale », limputation financière des arrérages versés à Mme X..., qui résidait à la date de sa demande le 12 février 2013 à lEHPAD de Metz sont à charge du département de la Moselle ; que, toutefois, le séjour, même non prolongé et inférieur à trois mois au moment de la demande, dans un établissement « sanitaire ou social » nest pas de nature à faire acquérir aux personnes soit dépourvues de domicile fixe, soit dans une situation assimilable, comme en lespèce, à celle de telles personnes, un domicile fixe situé dans cet établissement et que, dans cette situation, elles ne peuvent non plus être regardées au regard de la détermination de limputation financière de la dépense daide sociale comme « résidant » dans létablissement au sens et pour lapplication du 2e alinéa de larticle L. 122-1 ; quainsi, contrairement à ce que soutient le président du conseil général de la Meuse, il ny a pas lieu, en lespèce, de faire application de ces dispositions ;
Considérant en troisième lieu, que, dans la décision Pyrénées-Atlantiques du 27 septembre 2006, le conseil dEtat a admis que, si une personne en provenance de létranger est admise dès son arrivée sur le territoire français dans un établissement « sanitaire ou social », elle doit être regardée comme dépourvue de domicile fixe en application des dispositions combinées des articles L. 121-1, L. 121-7 et L. 111-3 du code de laction sociale et des familles ; que, dans cette espèce, lintéressée était établie aux Etat-Unis depuis plusieurs années et y séjournait encore lors de sa demande daide sociale formulée avant son arrivée en France ; que la présente juridiction a fait application de cette jurisprudence dans les cas où la demande daide sociale était formulée par la personne admise dans un établissement en France avant davoir pu au bout de trois mois y acquérir un domicile de secours ; que, dans les affaires jugées, il lui apparaît que, comme dans le dossier Pyrénées-Atlantiques, lintéressé séjournait depuis une période relativement longue à létranger ; que la situation de lespèce est différente en ce que, dans les conditions de fait ci-dessus rappelées, la requérante na séjourné dans un établissement belge, non acquisitif du domicile de secours, que pour une période brève de quatre mois dans lattente quune place lui soit trouvée près du domicile de sa famille ; quil apparaît, toutefois, quil ny a pas lieu de discriminer, non plus entre les situations de résidence à létranger durant une période relativement longue et celles de résidence brève y compris dans les circonstances de lespèce, mais dune durée supérieure à trois mois entrainant la perte du domicile de secours en France ; quen effet, faute dune telle assimilation tout aussi « prétorienne » que celle faite par le conseil dEtat dans sa décision précitée, aucune collectivité daide sociale française ne pourrait être regardée débitrice des frais daide sociale et quune telle situation ne peut être raisonnablement admise dans linterprétation inévitablement constructive, compte tenu de leur obsolesence des textes applicables et de lintention du législateur ; que, dans ces conditions, il y a lieu dadmettre que Mme X... était, lors de sa demande daide sociale dans une situation assimilable à celle dune personne sans domicile fixe ;
Considérant, toutefois, quaux termes de larticle L. 264-1 dernier alinéa précité, « le département débiteur de lallocation personnalisée dautonomie est celui dans le ressort duquel lintéressé a élu domicile » ; que la question est de savoir si, dès lors que la situation des personnes en provenance directe de létranger, lors de ladmission dans un établissement, est assimilable à celle dune personne sans domicile fixe, il y a lieu de faire application de ces dispositions faute de quoi la charge de lallocation personnalisée dautonomie incomberait en lespèce à lEtat en application de larticle L. 111-3 ; que, dans létat ci-dessus qualifié des textes applicables, la commission centrale daide sociale considère quil y a lieu de tirer toutes les conséquences de lassimilation des situations en cause effectuée par le juge régulateur et ainsi de considérer que larticle L. 264-1 est bien applicable ;
Considérant, il est vrai, que dans la situation ci-dessus décrite lassistée na - à lévidence !... - pas procédé à lélection de domicile ; quil appartiendra aux intéressés de tirer les conséquences de cette situation lors de lexamen de la demande daide sociale, la présente décision étant notifiée, pour information, tant à Mme X..., quà létablissement, et que, dans lhypothèse où le département de la Moselle se croirait juridiquement - et socialement - fondé à refuser laide sociale jusquà la date deffet de lélection de domicile, il appartiendrait à lassistée de saisir le juge de laide sociale pour quil soit statué sur une telle décision de refus, mais quen létat la commission centrale daide sociale saisie dans le cadre des articles L. 122-1 sq. et L. 111-3 ne considère pas quil ne lui appartienne pas de statuer pour lapplication desdits articles en ce qui concerne « le département débiteur de lAPA » selon les dispositions du 1er alinéa de larticle L. 264-1 (et non seulement celui au sens du 2e alinéa du même article « compétent pour attribuer une prestation daide sociale légale »... !) au titre du litige entre les collectivités daide sociale quant à limputation financière de la dépense daide sociale ; quainsi limputation financière de la dépense daide sociale à intervenir sur la demande de Mme X... apparaît être, en létat, au département de la Moselle ;
Décide
Art. 1er. - Les conclusions de la requête susvisée du président du conseil général de la Moselle sont rejetées.
Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président du conseil général de la Moselle, au président du conseil général de la Meuse et, pour information, à Mme X... et à la directrice de lEHPAD de Moselle. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 27 juin 2014 où siégeaient M. LEVY, président, Mme BROSSET-HOUBRON, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 27 juin 2014, à 13 heures.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | La rapporteure |
Pour ampliation
La secrétaire générale
de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet