Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
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REVENU MINIMUM DINSERTION (RMI) | ||
Mots clés : Revenu minimum dinsertion (RMI) - Recours - Décision - Notification - Délai - Régularité - Erreur |
Conseil dEtat statuant au contentieux
Dossier no 368077
Mme A...
Lecture du 9 avril 2014
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... a demandé à la commission départementale daide sociale de lAriège dannuler, dune part, la décision du 27 mai 2009 par laquelle la caisse dallocations familiales, agissant par délégation du président du conseil général, lui a notifié la suspension de ses droits au revenu minimum dinsertion et, dautre part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président du conseil général de lAriège sur son recours gracieux tendant au retrait de cette décision. Par une décision du 30 mai 2011, la commission départementale daide sociale de lAriège a modifié la décision du 27 mai 2009 en renvoyant au département lexamen des revenus perçus au titre de son activité de loueuse en meublé et en affirmant que les revenus des loyers perçus des logements sociaux devaient être retenus sans déduction de charges, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Par une décision no 111148 du 20 novembre 2012, la commission centrale daide sociale, après avoir annulé la décision de la commission départementale daide sociale de lAriège du 30 mai 2011, a rejeté la demande présentée par Mme A... devant cette commission ;
Procédure devant le Conseil dEtat
Par un pourvoi et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 25 avril, 16 juillet et 18 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, Mme A... demande au Conseil dEtat :
1o Dannuler cette décision no 111148 de la commission centrale daide sociale du 20 novembre 2012 ;
2o Réglant laffaire au fond, de faire droit à sa demande et de la rétablir dans ses droits à percevoir le revenu minimum dinsertion à compter du 1er septembre 2008 puis le revenu de solidarité active à compter du 1er juin 2009 ;
3o Denjoindre au directeur de la caisse dallocations familiales de lAriège de lui verser la somme de 27 162,02 euros augmentée des intérêts cumulés au taux légal à compter du 1er septembre 2008, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4o De saisir le Conseil constitutionnel des questions soulevées ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2013, le département de lAriège conclut au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de larticle L. 761-1 du code de justice administrative ;
Par application des dispositions de larticle R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la décision du Conseil dEtat était susceptible dêtre fondée sur le moyen, relevé doffice, tiré de lincompétence des juridictions de laide sociale pour connaître du litige ;
A la suite de cette communication, Mme A... a présenté un nouveau mémoire, enregistré le 7 novembre 2013, qui reprend les conclusions de son pourvoi et les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 27 mai 2009, qui, rapprochée de la décision du même jour également adressée à Mme A..., doit être regardée comme prenant effet à la date du 1er mai 2009, la caisse dallocations familiales de lAriège a informé Mme A... de ce quelle ne remplissait plus les conditions lui permettant de bénéficier de lallocation de revenu minimum dinsertion et ne pouvait plus percevoir cette allocation. Mme A... ayant saisi le président du conseil général de lAriège dun recours gracieux tendant au retrait de cette décision, une décision implicite de rejet est née, le 28 septembre 2009, du silence gardé par cette autorité sur sa demande. Mme A... se pourvoit contre la décision de la commission centrale daide sociale du 20 novembre 2012 en tant que la commission centrale, après avoir annulé pour irrégularité la décision de la commission départementale de lAriège du 30 mai 2011, a rejeté sa demande tendant à lannulation des décisions des 27 mai et 26 septembre 2009.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le département de lAriège :
2. Aux termes du premier alinéa de larticle R. 821-1 du code de justice administrative : « Sauf disposition contraire, le délai de recours en cassation est de deux mois ». En vertu de larticle 39 du décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à laide juridique, lintroduction dune demande daide juridictionnelle à loccasion dune instance devant le Conseil dEtat a pour effet dinterrompre le délai de pourvoi en cassation. Le nouveau délai courant à compter du jour de la réception par lintéressé de la notification de la décision du bureau daide juridictionnelle est lui-même interrompu lorsque lintéressé défère régulièrement cette décision au président de la section du contentieux du Conseil dEtat.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a, après avoir reçu notification de la décision attaquée, régulièrement introduit une demande daide juridictionnelle devant le Conseil dEtat puis un recours contre la décision du bureau daide juridictionnelle, qui a été rejeté par une ordonnance du 2 avril 2013, notifiée le 11 avril 2013. Ces demandes ayant eu pour effet de suspendre le délai de recours, son pourvoi, introduit le 25 avril 2013, nest pas tardif. Par suite, le département de lAriège nest pas fondé à soutenir que le pourvoi de Mme A... serait tardif.
Sur les droits de Mme A... à lallocation de revenu minimum dinsertion entre le 1er mai 2009 et le 31 mai 2009 :
En ce qui concerne la régularité de la décision de la commission centrale daide sociale :
4. En premier lieu, la commission centrale daide sociale a siégé dans une formation présidée par un magistrat honoraire et comprenant une personne particulièrement qualifiée en matière daction sociale, assesseur, et un membre du Conseil dEtat, rapporteur. Par suite, Mme A... nest pas fondée à soutenir que la commission centrale daide sociale aurait siégé dans une composition irrégulière au regard de la décision no 2012-250 QPC du Conseil constitutionnel du 8 juin 2012, qui a déclaré inconstitutionnelle une partie des dispositions de larticle L. 134-2 du code de laction sociale et des familles.
5. En deuxième lieu, si la commission centrale a mentionné que Mme A... pouvait, si elle sy croyait fondée, demander au département de lAriège de réexaminer ses droits à titre dérogatoire sur le fondement des dispositions de larticle R. 262-16 du code de laction sociale et des familles, il nen résulte aucune méconnaissance des principes dindépendance et dimpartialité.
6. En troisième lieu, si Mme A... soutient que différentes pièces ne lui ont pas été communiquées, la commission centrale daide sociale ne sest pas fondée sur ces pièces pour prendre sa décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté.
7. En quatrième lieu, la circonstance que Mme A... nait pas été invitée à assister à la séance publique au cours de laquelle la décision attaquée a été lue ne méconnaît pas lexigence de publicité découlant de larticle 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales.
8. En cinquième lieu, la circonstance que sa notification ne fasse pas état de la possibilité de présenter un pourvoi en cassation devant le Conseil dEtat, sans ministère davocat, est sans incidence sur la régularité de cette décision.
9. En dernier lieu, Mme A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des articles R. 421-5, R. 741-7 et R. 751-2 du code de justice administrative, qui ne sont pas applicables aux décisions de la commission centrale daide sociale, non plus que lirrégularité de la procédure qui a abouti à lordonnance du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2010, qui est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie devant la commission centrale.
En ce qui concerne le bien-fondé de la décision de la commission centrale daide sociale :
Quant à lapplication, par la commission centrale daide sociale, des dispositions de larticle R. 262-15 du code de laction sociale et des familles :
10. Aux termes du premier alinéa de larticle R. 262-15 du code de laction sociale et des familles, dans sa rédaction en vigueur entre le 1er mai 2009 et le 31 mai 2009 : « Les personnes relevant de limpôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux peuvent prétendre à lallocation de revenu minimum dinsertion lorsquau cours de lannée de la demande et depuis lannée correspondant au dernier bénéfice connu elles nont employé aucun salarié et ont été soumises aux régimes dimposition prévus aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts et quen outre le dernier chiffre daffaires annuel connu actualisé, le cas échéant, nexcède pas, selon la nature de lactivité exercée, les montants fixés auxdits articles ».
11. En premier lieu, la commission centrale daide sociale na pas commis derreur de droit en appliquant cet article dans sa rédaction en vigueur avant le 1er juin 2009 pour apprécier des droits de Mme A... au revenu minimum dinsertion du 1er au 31 mai 2009.
12. En deuxième lieu, en vertu des dispositions de larticle R. 262-15 du code de laction sociale et des familles, qui ne méconnaissent pas le principe dégalité, les personnes relevant de limpôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ne peuvent prétendre à lallocation de revenu minimum dinsertion que si elles sont soumises au régime des micro-entreprises prévu à larticle 50-0 du code général des impôts. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., qui exerce des activités non salariées de location de logements meublés et de bailleur-prêteur social et très social, déclare des revenus sous le régime fiscal des bénéfices industriels et commerciaux en étant soumise au régime réel simplifié. Dès lors, en déduisant des dispositions de larticle R. 262-15 du code de laction sociale et des familles quelle navait pas de droit au bénéfice de cette allocation, alors même que le résultat de ses activités de location en meublé et de bailleur-prêteur social et très social étaient déficitaires, la commission centrale daide sociale na pas commis derreur de droit.
Quant aux autres moyens :
13. En premier lieu, la décision de la commission départementale daide sociale de lAriège du 30 mai 2011 ayant été annulée par la commission centrale daide sociale, la circonstance que la commission départementale aurait siégé dans une composition irrégulière est dépourvue dincidence sur le bien-fondé de la décision de la commission centrale.
14. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commission centrale daide sociale se serait fondée, pour rendre sa décision, sur des faux en écriture publique.
15. En troisième lieu, cest par un motif surabondant que la commission centrale daide sociale a mentionné que Mme A... pouvait, si elle sy croyait fondée, demander au département de lAriège de réexaminer ses droits à titre dérogatoire sur le fondement des dispositions de larticle R. 262-16 du code de laction sociale et des familles. Par suite, le moyen tiré de ce que larticle R. 262-16 nétait plus en vigueur à la date à laquelle la commission centrale a statué ne peut quêtre écarté.
16. En dernier lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que dautres personnes résidant dans la même commune quelle bénéficieraient de lallocation de revenu minimum dinsertion. Elle ne peut de même valablement soutenir que la décision de la commission centrale daide sociale, qui a recherché si elle remplissait les conditions légales et réglementaires auxquelles est subordonné loctroi de lallocation de revenu minimum dinsertion, revêtirait un caractère discriminatoire à son égard.
17. Il résulte de ce qui précède, sans quil y ait lieu de saisir le Conseil constitutionnel, que Mme A... nest pas fondée à demander lannulation de la décision de la commission centrale daide sociale en tant quelle se prononce sur ses droits à lallocation du revenu minimum dinsertion entre le 1er et le 31 mai 2009.
Sur les droits de Mme A... au bénéfice de lallocation de revenu de solidarité active à compter du 1er juin 2009 :
18. En application du I de larticle 28 de la loi no 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques dinsertion, les dispositions relatives au revenu de solidarité active sont entrées en vigueur à compter du 1er juin 2009. A partir de cette date, aux termes du IV de larticle 31 de la même loi : « Afin dassurer la continuité du service des prestations dues aux personnes non mentionnées au II, bénéficiaires, au titre du mois de mai 2009, du revenu minimum dinsertion (...), le droit au revenu de solidarité active est examiné par les organismes mentionnés à larticle L. 262-16 du code de laction sociale et des familles sans quil soit fait obligation à ces personnes de déposer un dossier de demande auprès des organismes désignés par le décret prévu à larticle L. 262-14 du même code ». Il résulte des dispositions de larticle L. 134-1 du code de laction sociale et des familles que le contentieux des décisions relatives au revenu de solidarité active relève, à compter de lentrée en vigueur de la loi du 1er décembre 2008, des juridictions administratives de droit commun.
19. Par sa décision du 28 septembre 2009, le président du conseil général de lAriège doit être regardé comme sétant nécessairement prononcé sur les droits de Mme A... à lallocation de revenu de solidarité active à compter du 1er juin 2009. Il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus quen se prononçant sur les droits de Mme A... à compter de cette date, la commission centrale daide sociale a commis une erreur de droit.
20. Mme A... est fondée à demander, dans cette mesure, lannulation de la décision attaquée.
21. Il y a lieu, dans les circonstances de lespèce, de régler laffaire au fond, dans cette mesure, en application des dispositions de larticle L. 821-2 du code de justice administrative.
22. La commission centrale daide sociale ayant annulé la décision du 30 mai 2011 de la commission départementale daide sociale de lAriège, le Conseil dEtat est saisi de la demande présentée par Mme A... devant cette commission. Il y a lieu, dans les circonstances de lespèce, dattribuer au tribunal administratif de Toulouse le jugement des droits de Mme A... au bénéfice du revenu de solidarité active à compter du 1er juin 2009.
23. Il ny a pas lieu, dans les circonstances de lespèce, de mettre une somme à la charge de Mme A... au titre de larticle L. 761-1 du code de justice administrative.
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission centrale daide sociale du 20 novembre 2012 est annulée en tant quelle se prononce sur les droits de Mme A... au bénéfice de lallocation de revenu de solidarité active à compter du 1er juin 2009.
Le jugement de laffaire est attribué, dans cette mesure, au tribunal administratif de Toulouse.
Art. 3. - Le surplus des conclusions présentées par Mme A... est rejeté.
Art. 4. - Les conclusions du département de lAriège présentées au titre des dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Art. 5. - La présente décision sera notifiée à Mme A..., au département de lAriège et au président du tribunal administratif de Toulouse.