Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3200
 
  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Radiation - Ressources - Compétence juridictionnelle - Précarité - Revenu de solidarité active (RSA)
 

Dossier no 120678

M. X...
Séance du 21 février 2014

Décision lue en séance publique le 25 mars 2014

    Vu le recours formé le 24 juillet 2012 par M. X..., représenté par son conseil, Maître Charlotte HIRIART, à l’encontre de la décision du 14 juin 2012 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne a rejeté sa demande d’annulation de la décision du président du conseil général de la Dordogne en date du 28 mai 2010 refusant d’une part une révision de la décision de radiation du revenu minimum d’insertion à compter du 1er juin 2007 prise à son encontre pour dissimulation de capitaux et de salariés travaillant illégalement, d’autre part toute remise gracieuse sur un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 16 133,34 euros mis à sa charge pour la période du 1er juin 2007 au 31 mai 2009 ;
    M. X... conteste la décision litigieuse ainsi que le trop-perçu porté à son débit, affirmant n’avoir dissimulé aucune ressource ni aucun salarié ; il dénonce les erreurs commises dans le rapport d’enquête sur sa situation et ses ressources précisant avoir subi des procédures et décisions judiciaires devant les autorités espagnoles pour une affaire dont il conteste formellement les faits et qui a conduit son foyer à la ruine ; il sollicite l’annulation de la décision litigieuse, ainsi qu’une décharge et un remboursement du trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion à compter de mai 2010 ; pour finir, il demande la condamnation de l’Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que M. X... est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale par décision en date du 31 janvier 2013 du bureau d’aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Paris, le dispensant ainsi de s’acquitter de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts depuis le 1er octobre 2011 ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de la Dordogne en date du 17 août 2012 qui conclut au rejet de la requête ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 21 février 2014 Mme Fatoumata DIALLO, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39 (...). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262-2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge » ;
    Considérant qu’il ressort de l’instruction que M. et Mme X..., mariés depuis le 20 octobre 1973, tous deux de nationalité française, ont vécu en Espagne jusqu’en décembre 2006 où ils géraient un restaurant ; qu’à la suite de procédures et décisions judiciaires, le couple a été condamné par les tribunaux espagnols à tous les frais et dépens dans le cadre d’une affaire dont les faits sont formellement contestés par les époux ; que, par un arrêté de la Delegada del Gobierno en Estrémadure en date du 25 octobre 2006, les intéressés ont été contraints de quitter le territoire espagnol ; que, de retour en France en 2007, M. X... a déposé, le 8 juin 2007, une demande de revenu minimum d’insertion au titre d’une personne mariée, hébergeant gratuitement son fils âgé de 25 ans, occupant un logement dont lui et sa femme sont propriétaires sans charge de remboursement, n’exerçant aucune activité et ne percevant aucun revenu hormis les prestations sociales ; que M. X... était chômeur non indemnisé depuis le 29 mai 2007 et son épouse sans activité depuis le 30 juin 1997 ; qu’un rapport d’enquête administrative sur la situation et les ressources du couple en date du 18 mars 2010 a révélé la dissimulation de capitaux par le couple et l’exercice par lui d’un travail illégal par dissimulation de salariés ; qu’il suit de là que, par une décision de la caisse d’allocations familiales de la Dordogne en date du 26 mai 2010, le requérant a été radié du revenu minimum d’insertion à compter du 1er juin 2007 et qu’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 16 133,34 euros lui a été assigné pour la période du 1er juin 2007 au 31 mai 2009 ; que par un courrier en date du 20 mai 2010 adressé au président du conseil général de la Dordogne, M. X... a sollicité une révision de la décision de radiation du revenu minimum d’insertion prise à son encontre, affirmant avoir perdu tous les biens de son foyer suite aux procédures judiciaires entamées en Espagne ayant entraîné son expulsion et celle de sa femme de ce pays, et faisant valoir que son foyer ne disposait d’aucune ressource et se trouvait dans une situation d’extrême précarité avec divers charges et crédits portés à son débit ; que par une décision en date du 28 mai 2010, le président du conseil général de la Dordogne n’a pas fait droit à cette demande aux motifs d’une part que le rapport d’enquête a révélé que les époux percevaient régulièrement des sommes sur leur compte bancaire, d’autre part qu’ils aidaient leur fils pour l’exploitation de son commerce, enfin que le requérant a investi son épargne dans l’achat d’un bien immobilier au nom de son fils lors de son entrée dans le dispositif du revenu minimum d’insertion ; que par un courrier en date du 15 juin 2010 adressé à la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne, M. X... a demandé l’annulation de cette décision et une remise totale de dette ; qu’il soutenait avoir 61 ans, ne disposer d’aucun revenu, sa demande de retraite étant en cours de traitement ; qu’il affirmait que les difficultés auxquelles son foyer était confronté résultaient d’une erreur judiciaire des autorités espagnoles dans le cadre d’une vente ayant conduit à une saisie du restaurant du couple et à une expulsion d’Espagne en 2006 ; qu’il était dans l’impossibilité de rembourser le trop-perçu litigieux et demandait le remboursement des allocations de revenu minimum d’insertion à compter de mai 2010 ; que par une décision en date du 14 juin 2012, la Commission saisie a rejeté ce recours en raison de l’origine de l’indu ;
    Considérant que pour l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives à la procédure de remise gracieuse des dettes résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion, il appartient à la commission départementale d’aide sociale, en sa qualité de juridiction de plein contentieux, non seulement d’apprécier la légalité des décisions prises par le président du conseil général pour accorder ou refuser la remise gracieuse d’une dette, mais encore de se prononcer elle-même sur le bien-fondé de la demande de l’intéressé d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une ou l’autre partie à la date de sa propre décision ; qu’en l’espèce, la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne ne s’est pas interrogée sur la question de savoir si la situation de précarité de l’allocataire justifiait que lui soit accordé une remise de dette ; qu’il s’ensuit qu’elle a méconnu sa compétence et que sa décision doit être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la requête de M. X... ;
Considérant qu’il résulte du dossier que l’indu est formellement contesté par les époux X... ; qu’il ressort d’une attestation émanant du consul honoraire de France pour C... et B... en date du 5 novembre 2007, d’une part que les époux X... ne demeuraient plus en Espagne, n’y possédaient aucun bien et ne percevaient aucun revenu de ce pays, d’autre part qu’ « il a été prononcé le 16 décembre 2006 la saisie des murs de leur maison principale et de leur restaurant sis [en Espagne], les meubles et matériels ayant fait l’objet d’une vente séparée pour un montant de 28 000 euros environ » ; que par une seconde attestation en date du 6 août 2009, ce même consul précisait que l’expulsion du couple du territoire espagnol ainsi que les décisions judiciaires l’ont conduit « à la ruine alors que toutes les voies de recours n’ont pas été épuisées en Espagne » et « à rentrer en France rapidement sans ressources » ; qu’il affirmait enfin que « malgré cette situation, [le couple a] toujours eu un comportement correct envers toutes les autorités espagnoles et françaises y compris les autorités judiciaires ; que les époux X... ont fourni diverses pièces (factures et relevés de compte) justifiant que les sommes mentionnées par le rapport d’enquête comme étant des revenus du couple qui n’auraient pas été déclarés dans les déclarations trimestrielles de ressources, correspondent en réalité à un certain nombre de remboursement de factures et aux frais de dossier engendrés dans le cadre des procédures judiciaires engagées en Espagne ; que les avis d’impôt sur le revenu 2009 et 2010 du couple indiquent qu’il n’était pas imposable ; qu’un « extrait K » en date du 25 janvier 2012, atteste que le fils des époux X..., exploitant direct d’une épicerie depuis le 1er août 2009, a cessé son activité et que son fonds de commerce a été supprimé ; qu’ainsi, aucune intention frauduleuse ne peut être reprochée aux intéressés ; qu’il s’ensuit qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en accordant à M. X..., au vu de sa situation de précarité avérée, une remise totale de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 16 133,34 euros qui lui a été assigné ;
    Considérant que Maître Charlotte HIRIART, conseil de M. X..., demande à la commission centrale d’aide sociale d’enjoindre au conseil général de la Dordogne de verser à ce dernier les sommes dues au titre du revenu minimum d’insertion à compter de mai 2010 ; qu’en application de l’article 1er de la loi du 1er décembre 2008, le revenu de solidarité active, dont le contentieux relève en premier ressort de la compétence des tribunaux administratifs, s’est substitué au revenu minimum d’insertion à compter du 1er juin 2009 ; qu’ainsi, la commission centrale d’aide sociale n’a pas compétence pour connaître de ces conclusions ;
Considérant enfin qu’aux termes de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. En toute matière, l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Si le juge fait droit à sa demande, l’avocat dispose d’un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S’il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l’Etat. S’il n’en recouvre qu’une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l’Etat. Si, à l’issue du délai de douze mois mentionné au troisième alinéa, l’avocat n’a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l’Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci. Un décret en Conseil d’Etat fixe, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent article. » ; qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;
    Considérant que les conclusions de Maître Charlotte HIRIART, conseil de M. X... tendent également à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 1 500 euros conformément aux dispositions sus-rappelées ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 14 juin 2012 de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne, ensemble la décision du président du conseil général de la Dordogne en date du 28 mai 2010 sont annulées.
    Art. 2.  -  Il est consenti à M. X... une remise totale de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 16 133,34 euros porté à son débit.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de M. X... est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera notifiée à M. X..., à Maître Charlotte HIRIART, au président du conseil général de la Dordogne, au préfet de la Dordogne. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 21 février 2014 où siégeaient M. BELORGEY, président, Mme PEREZ - VIEU, assesseure, Mme DIALLO, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 25 mars 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet