Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Récupération sur donation - Assurance vie |
Dossier no 120871
M. X...
Séance du 11 février 2014
Décision lue en séance publique le 20 février 2014
Vu la requête et le mémoire complémentaire, en date respectivement des 13 décembre 2012 et 15 février 2013, présentés par Maître Ghislain FAY au nom et pour le compte de Mme C..., veuve X..., tendant, dune part, à lannulation de la décision du 21 septembre 2012 en tant que, par cette décision, la commission départementale daide sociale de Paris a rejeté son recours tendant à lannulation de la décision du 24 juin 2010 en tant que, par cette décision, le président du conseil de Paris a prononcé à son encontre, en sa qualité de donataire, la récupération de la somme de 39 202,04 euros perçue au titre dun contrat dassurance vie, dautre part, à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commission départementale daide sociale en application des dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mme C..., veuve X..., soutient que le contrat dassurance vie souscrit le 7 mai 2007 a été requalifié à tort en donation indirecte ; que M. X..., son mari, nétait âgé que de 69 ans à la date de souscription du contrat, alors quil était hospitalisé depuis quatre ans et que son état de santé demeurait stable ; et que les primes versées au contrat dassurance vie, dun montant mensuel de cinq euros, représentaient une somme modique par rapport à ses ressources mensuelles et au patrimoine concerné ; que la souscription du contrat dassurance vie relevait ainsi exclusivement dun acte de gestion du patrimoine ; que lintention libérale ne saurait être caractérisée dès lors que le principal bénéficiaire du contrat était lintéressé lui-même, et seulement en cas de décès, son épouse ; que le contrat avait été souscrit pour une durée limitée à 8 années ; quen soutenant que le patrimoine de M. X... avait été liquidé sans que Mme X... puisse en apporter une explication sérieuse, la décision de la commission départementale daide sociale est illégale car dépourvue de preuve ; que si la commission départementale entend soulever lexistence de manuvres dolosives de Mme X... en sa qualité dadministrateur légal des biens de son époux, il lui appartient dintroduire une procédure en ce sens ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, en date du 4 novembre 2013, présenté par le président du conseil de Paris, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conditions requises pour la requalification du contrat dassurance vie en donation sont réunies, eu égard à lespérance de vie de M. X..., qui était dans un état de santé précaire et dans un niveau de dépendance GIR 1 à la date de souscription du contrat et de limportance des primes versées par rapport à son patrimoine ; que M. X... est décédé environ sept mois après la souscription du contrat ; que la somme affectée à ce placement représente la quasi totalité de son patrimoine ; que si M. X... a disposé dun patrimoine, celui-ci napparaît plus que pour une somme résiduelle au jour de son décès ; que Mme C..., épouse X..., qui a perçu la totalité des ressources que son époux, aurait dû les reverser pour la prise en charge des frais dhébergement de son époux, de même que les sommes versées par les enfants de M. X... au titre de leur obligation alimentaire, soit un montant total de 78 400 euros ;
Vu le mémoire en réplique, en date du 18 novembre 2013, présenté par Maître Ghislain FAY au nom et pour le compte de Mme C..., veuve X..., qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient en outre que si elle a effectivement perçu la somme de 78 400 correspondant aux ressources de son époux et à lobligation alimentaire versée par les enfants de celui-ci, cette somme lui a permis dassumer les charges du couple, notamment les loyers pour un montant de 47 600 euros ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
Vu lacquittement de la contribution pour laide juridique dun montant de 35 euros due par toute personne saisissant la commission centrale daide sociale entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 en application de larticle 1635 bis Q du code général des impôts ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 11 février 2014, Mme ROUSSEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant, en premier lieu, que si Mme X... soutient que la commission départementale daide sociale a à tort relevé, dans la décision attaquée, quelle nexpliquait pas sérieusement lutilisation du produit de la vente du patrimoine immobilier de M. X..., elle napporte pas déléments suffisants au soutien de ce moyen ; quen tout état de cause, ces éléments ont été relevés par la commission départementale daide sociale à titre surabondant ;
Considérant, en second lieu, dune part, quen vertu des dispositions du 2o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles, une action en récupération est ouverte au département « contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; » ;
Considérant, dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ; quun contrat dassurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou quune rente sera versé au souscripteur en cas de décès du souscripteur avant cette date na pas, en lui-même, le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant toutefois que ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération ; que le même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire ; quà ce titre, un contrat dassurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil résulte de linstruction que M. X... a bénéficié de laide sociale pour la prise en charge de ses frais dhébergement en maison de retraite pour la période allant du 17 avril 2003 au 20 décembre 2007, date de son décès, pour un montant de 128 892,55 euros ; que Mme C..., épouse X..., en sa qualité dadministrateur légal sous contrôle judiciaire de son époux, a souscrit le 7 mai 2007, après ladmission à laide sociale de M. X..., un contrat dassurance vie dune durée de huit années pour un montant de 39 202,04 euros, dont le bénéficiaire était M. X... lui-même et, à son décès, son épouse ; que si, à la date de la souscription de ce contrat, M. X... nétait âgé que de 69 ans et que son état de santé était stable, il était déjà hébergé en établissement depuis quatre ans et son niveau de dépendance était GIR 1 depuis 2003, soit le degré de dépendance le plus élevé ; que M. X... est dailleurs décédé sept mois après la souscription ; que si les primes mensuelles versées, dun montant de cinq euros, représentaient une somme modique, la prime initiale sélevait à 40 000,00 euros ; que le montant total des sommes libérées au profit de Mme C..., épouse X..., au décès de M. X... sest élevé à 39 202,04 euros ; que ce montant doit être mis en relation avec lactif net successoral, dun montant de 718,06 euros, composé des deniers détenus par létablissement et de liquidités bancaires pour un montant de 679,49 euros ; que, dans ces circonstances, eu égard à lespérance de vie de M. X... à la date de souscription du contrat et de limportance des montants versés par rapport à son patrimoine, la souscription de ce contrat doit être regardée comme procédant dune intention libérale ;
Considérant, par suite, que le président du conseil de Paris a pu, à bon droit, sur le fondement du 2o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles, engager un recours en récupération à lencontre de Mme C..., veuve X..., en sa qualité de donataire ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que Mme C..., veuve X... nest pas fondée à soutenir que cest à tort, que, par la décision attaquée, la commission départementale daide sociale de Paris a rejeté son recours ;
Considérant que le code de justice administrative nest pas applicable devant les juridictions de laide sociale ; que les conclusions présentées par Mme C..., veuve X..., sur le fondement de larticle L. 761-1 de ce code ne peuvent par suite quêtre rejetées,
Décide
Art. 1er. - La requête de Mme C..., veuve X... est rejetée.
Art. 2. - La présente décision sera notifiée à Maître Ghislain FAY, à Mme X..., au conseil général de Paris, au préfet de Paris. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 11 février 2014 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. CENTLIVRE, assesseur, Mme ROUSSEL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 20 février 2014.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | La rapporteure |
Pour ampliation
La secrétaire générale
de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet