Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Compétence juridictionnelle - Conditions d’octroi - Procédure
 

Dossier no 120671

Mme X...
Séance du 30 janvier 2014

Décision lue en séance publique le 20 février 2014

    Vu la requête, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 14 août 2012, présentée pour Mme X... par Maître Guillaume CHANUT qui demande à la commission centrale d’aide sociale :
    1o  D’annuler la décision du 29 mai 2012 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Calvados a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 30 mars 2009 par laquelle le président du conseil général du Calvados a refusé de lui ouvrir les droits au bénéfice du revenu minimum d’insertion à compter de la date de sa demande, le 28 novembre 2008, d’autre part, à ce que les droits au bénéfice du revenu minimum d’insertion lui soient ouverts à compter de cette date ;
    2o  D’annuler cette décision du 30 mars 2009 par laquelle le président du conseil général du Calvados a refusé de lui ouvrir les droits au bénéfice du revenu minimum d’insertion à compter de la date de sa demande, le 28 novembre 2008 et de lui ouvrir les droits au bénéfice du revenu minimum d’insertion à compter de cette date ;
        Mme X... soutient que l’administration dont elle dépend n’a pas pris l’initiative, depuis le 10 juillet 2008, de clarifier sa situation administrative, et ce alors qu’elle est sans ressources depuis cette date ; qu’après avoir sollicité à nouveau son administration pour être mise en disponibilité d’office, le comité médical départemental a, dans son avis du 10 mai 2010, conclu au renouvellement rétroactif de sa mise en disponibilité d’office à compter du 2 juillet 2008 ; qu’elle est inapte à la reprise de son activité depuis le mois de juillet 2008 ; qu’au vu de la faiblesse de ses ressources, seul élément sur lequel le conseil général peut légalement se fonder pour déterminer ses droits, elle est éligible au revenu minimum d’insertion depuis 2008 ; qu’en 2004, alors dans la même situation, elle avait bénéficié du revenu minimum d’insertion ; que la conclusion d’un contrat d’insertion ne faisait pas obstacle à ce qu’elle bénéficie du revenu minimum d’insertion, dès lors que son inaptitude nécessitait un changement de poste ou une réorientation professionnelle ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2012, présenté par le président du conseil général du Calvados, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu’aucune contre indication médicale n’avait été posée à la reprise de l’activité de Mme X... lorsqu’elle a formé sa demande de revenu minimum d’insertion ;
    Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 janvier 2014, présenté par Mme X..., qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; elle soutient en outre qu’elle souffre depuis longtemps de diverses pathologies, notamment un eczéma important, qui la rendent inapte à la reprise du travail sur son poste et produit de nombreuses pièces au soutien de son argumentation ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que Mme X... s’est vu accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 30 janvier 2014, M. LABRUNE, rapporteur, Mme X..., requérante, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X..., contrôleur du travail, a déposé le 28 novembre 2008 une demande de revenu minimum d’insertion ; que, par une décision du 30 mars 2009, le président du conseil général du Calvados a rejeté sa demande au motif que le comité médical, le 17 juin 2008, puis à nouveau le 16 décembre 2008, avait estimé qu’elle était apte à reprendre son activité à compter du 7 juillet 2008 ; que Mme X... a contesté cette décision du 30 mars 2009 du président du conseil général du Calvados devant la commission départementale d’aide sociale du Calvados qui, par la décision du 29 mai 2012 dont Mme X... relève appel, a rejeté son recours ;
    Considérant que lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l’administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d’une personne à l’allocation de revenu minimum d’insertion, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention dans la reconnaissance du droit à cette prestation d’aide sociale qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner les droits de l’intéressé sur lesquels l’administration s’est prononcée, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction ; qu’au vu de ces éléments il appartient au juge administratif d’annuler ou de réformer, s’ il y a lieu, cette décision en fixant alors lui-même les droits de l’intéressé, pour la période en litige, à la date à laquelle il statue ou, s’il ne peut y procéder, de renvoyer l’intéressé devant l’administration afin qu’elle procède à cette fixation sur la base des motifs de son jugement ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 115-1 du code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction en vigueur : « Toute personne qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation de l’économie et de l’emploi, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. A cet effet, un revenu minimum d’insertion est mis en œuvre. (...) Il constitue l’un des éléments d’un dispositif global de lutte contre la pauvreté tendant à supprimer toute forme d’exclusion » ; qu’aux termes de l’article L. 262-1 du même code : « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262-10 et L. 262-12, n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit, dans les conditions prévues par la présente section, à un revenu minimum d’insertion » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 51 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat : « (...) La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l’intéressé, soit d’office à l’expiration des congés prévus aux 2o, 3o et 4o de l’article 34 ci-dessus (...) » ; que les 2o, 3o et 4o de l’article 34 de cette même loi traitent respectivement des congés de maladie, des congés de longue maladie, et du congé de longue durée ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire placé en position de disponibilité d’office à l’expiration d’un congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée, n’a pas choisi lui-même de renoncer à exercer une activité rémunérée ou de suspendre cette activité ; qu’ainsi, à supposer même que la circonstance qu’une personne aurait volontairement renoncé à exercer une activité rémunérée ou aurait suspendu cette activité soit par elle-même de nature à priver l’intéressé du revenu minimum d’insertion, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le fonctionnaire placé en position de disponibilité d’office puisse bénéficier du revenu minimum d’insertion ; qu’il suit de là que le fonctionnaire placé en position de disponibilité d’office peut bénéficier du revenu minimum d’insertion, dès lors qu’il remplit les conditions législatives et réglementaires y ouvrant droit et, notamment, que ses ressources, au sens des articles L. 262-10 et L. 262-12 du code de l’action sociale et des familles, n’atteignent pas le montant du revenu minimum d’insertion ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X..., contrôleur du travail, a été placée en congé maladie du 2 janvier 2007 au 1er janvier 2008 ; qu’à l’expiration de ce congé maladie, elle a été placée en disponibilité d’office, pour une période de six mois ; qu’à l’issue de cette période, le comité médical ayant estimé qu’elle était apte à reprendre son service à compter du 7 juillet 2008, sa disponibilité d’office n’a pas été renouvelée ; qu’elle a repris son activité du 7 au 9 juillet 2008 ; que, depuis le 10 juillet 2008, elle ne s’est plus représentée à son poste ; qu’après avoir sollicité à nouveau son administration pour être mise en disponibilité d’office, le comité médical départemental a, dans son avis du 10 mai 2010, conclu au renouvellement rétroactif de sa mise en disponibilité d’office à compter du 2 juillet 2008 ; qu’il est constant que Mme X... n’a pas été radiée des cadres de la fonction publique ; qu’ainsi, eu égard aux incertitudes quant à sa position administrative, dans les circonstances très particulières de l’espèce, Mme X... doit être regardée, pour la détermination de ses droits au revenu minimum d’insertion, comme étant en disponibilité d’office pour raisons de santé depuis le 2 juillet 2008 ;
    Considérant qu’il est constant que Mme X... ne perçoit aucun traitement et ne dispose d’aucune ressource depuis le 10 juillet 2008 ; qu’il n’est pas contesté qu’elle remplit les autres conditions ouvrant droit au revenu minimum d’insertion ; que, par suite, Mme X... doit se voir ouvrir les droits au revenu minimum d’insertion à compter de la date de sa demande, c’est-à-dire à compter du 1er novembre 2008 ;
    Considérant que, toutefois, l’état de l’instruction ne permet pas de déterminer le montant de la somme due à Mme X... au titre de l’allocation de revenu minimum d’insertion depuis lors ; qu’il y a lieu, en conséquence, de renvoyer Mme X... devant le président du conseil général du Calvados pour le calcul et le versement de cette somme, conformément aux motifs de la présente décision ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision du 30 mars 2009 par laquelle le président du conseil général du Calvados a rejeté la demande de revenu minimum d’insertion de Mme X..., ainsi que la décision du 29 mai 2012 de la commission départementale d’aide sociale du Calvados rejetant son recours tendant à l’annulation de cette décision doivent être annulées,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 30 mars 2009 du président du conseil général du Calvados, ensemble la décision du 29 mai 2012 de la commission départementale d’aide sociale du Calvados, sont annulées.
    Art. 2.  -  Les droits au revenu minimum d’insertion sont ouverts à Mme X... à compter du 1er novembre 2008. Mme X... est renvoyée devant le président du conseil général du Calvados pour le calcul et le versement de la somme qui lui est due à ce titre, conformément aux motifs de la présente décision.
    Art. 2.  -  La présente décision sera notifiée à Mme X..., à Maître Guillaume CHANUT, au conseil général du Calvados, au préfet du Calvados. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 Janvier 2014 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. LABRUNE, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 20 février 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidente Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire générale,
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet