Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Indu - Ressources - Déclaration - Fraude - Compétence juridictionnelle - Procédure
 

Dossier no 120502

Mme X...
Séance du 26 novembre 2013

Décision lue en séance publique le 24 janvier 2014

    Vu le recours en date du 10 avril 2012 formé par le président du conseil général des Côtes-d’Armor qui demande l’annulation de la décision en date du 26 janvier 2012 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du même département a accordé à Mme X... une remise totale l’indu de 6 107,25 euros, résultant d’un trop perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion détecté pour la période de décembre 2007 à novembre 2008 ;
    Le président du conseil général des Côtes-d’Armor conteste la décision en faisant valoir que l’indu est fondé sur le fait que M. X..., conjoint de Mme X..., percevait des indemnités chômage versées par la SNCF qui n’avaient pas été déclarées ; que cette omission de déclaration concerne quatre déclarations trimestrielles de ressources, et que la constatation de l’indu ne résulte pas d’une déclaration spontanée de l’allocataire ; qu’il y eu une fausse déclaration et qu’aucune remise ne pouvait être accordée ; que le tribunal de grande instance de Strasbourg a reconnu les époux X... coupables de déclaration mensongère à une administration publique en vue d’obtenir un avantage indu ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense en date du 6 septembre 2012 de Mme X... qui indique qu’elle n’a jamais eu de volonté de faire une fausse déclaration ; que par ailleurs, elle est séparée de son époux et élève seule ses trois enfants ; qu’elle est allocataire du revenu de solidarité active ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que le président du conseil général des Côtes-d’Armor s’est acquitté de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts depuis le 1er octobre 2011 ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 26 novembre 2013, M. BENHALLA, rapporteur et, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39 (...). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (...) » ; qu’aux termes de l’article L. 262-3 du même code : « Le bénéficiaire du revenu minimum d’insertion a droit à une allocation égale entre le montant du revenu minimum d’insertion défini à l’article L. 262-2 et les ressources définies selon les modalités fixées aux articles L. 262-10 et L. 262-12 » ; qu’aux termes de l’article R. 262-1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262-2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... a été admise au bénéfice du revenu minimum d’insertion en décembre 2007 au titre d’un couple avec trois enfants ; que suite à une régularisation de dossier, il a été constaté que l’intéressée n’avait pas déclaré des indemnités chômage perçus par son conjoint et servies par la SNCF ; que par décision en date du 6 janvier 2009, la caisse d’allocations familiales a mis à sa charge le remboursement de la somme 6 107,25 euros, à raison d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période de décembre 2007 à novembre 2008 ; que l’indu, qui résulte du défaut d’intégration de l’intégralité des ressources perçus par le foyer de Mme X... dans le calcul du montant du revenu minimum d’insertion, est fondé en droit ;
    Considérant que Mme X... a formulé une demande de remise gracieuse ; que le président du conseil général, par décision en date du 9 février 2009, a refusé toute remise ; que saisie d’un recours contre cette décision, la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor, par décision en date du 26 janvier 2012 a accordé à l’intéressée une remise totale de l’indu ;
    Considérant que la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor a notamment motivé sa décision par la circonstance qu’elle a demandé au président du conseil général, par courrier en date du 8 novembre 2011, de transmettre son mémoire en défense et ses observations sur le litige ; que cette demande a été rappelée par plusieurs courriels datés des 2 janvier et 3 janvier 2012 ; que les différentes demandes de la commission départementale d’aide sociale sont étalées sur une période de plus de trois mois ; que ces demandes sont restées sans réponse ;
    Considérant que pour l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’allocation du revenu minimum d’insertion, il appartient à l’administration de produire les éléments probants de nature à étayer le bien-fondé de sa décision ; que le conseil général des Côtes-d’Armor n’a pas produit les pièces demandées, et n’a pas davantage produit de mémoire en défense ; qu’un tel comportement fait obstacle à l’exercice par le juge de son office ;
    Considérant que le président du conseil général des Côtes-d’Armor verse au dossier un jugement en date du 14 juin 2011 du tribunal de grande instance de Strasbourg, ville où est domiciliée désormais Mme X..., qui a reconnu les époux X... coupables de déclaration mensongère à une administration publique en vue d’obtenir un avantage indu, et les a condamnés à rembourser au conseil général des Côtes-d’Armor, au titre de dommages et intérêts, la somme de 6 107,25 euros ; que ce jugement n’a pas été frappé d’appel ;
    Considérant que si l’autorité de la chose jugée au pénal s’impose aux autorités et juridictions administratives en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions, elle ne s’étend pas à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal, à l’exception des cas où la légalité d’une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale ; qu’ainsi, la qualification retenue par le juge pénal, n’est pas de nature à contraindre l’appréciation qu’il appartient à l’autorité administrative puis, le cas échéant, au juge de l’aide sociale, dans le cadre d’un litige relatif au recouvrement de sommes indûment perçues par un allocataire, de porter de manière autonome sur l’existence d’une fausse déclaration ou d’une fraude faisant obstacle à une remise pour précarité ; qu’en tout état de cause, la décision en date du 9 février 2009 du président du conseil général des Côtes-d’Armor refusant toute remise gracieuse qui a été contestée, a été motivée par l’omission déclarative de l’intéressée ; qu’au surplus, la décision de l’assemblée départementale sur laquelle s’appuie le président du conseil général pour refuser toute remise est sans incidence sur la solution du litige ; que la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor, au jour de son délibéré, n’avait pas connaissance du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg ; que par voie de conséquence, les constatations du juge pénal ne peuvent être opposables à la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor ;
    Considérant, d’une part, que pour l’application des dispositions précitées relatives à la procédure de remise gracieuse résultant de paiement d’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion, il appartient à la commission départementale d’aide sociale, en sa qualité de juridiction de plein contentieux, non seulement d’apprécier la légalité des décisions prises par le président du conseil général mais encore de se prononcer elle-même sur le bien-fondé de la demande de l’intéressée d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une ou l’autre partie à la date de sa propre décision ; que d’autre part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 262-39 et L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles qu’il appartient aux commissions départementales d’aide sociale puis, le cas échéant, à la commission centrale d’aide sociale, d’apprécier si le paiement indu de l’allocation de revenu minimum d’insertion trouve son origine dans une manœuvre frauduleuse ou une fausse déclaration, et ne peut pas, par suite, faire l’objet d’une remise gracieuse ; que toute erreur ou omission déclarative imputable à un bénéficiaire du revenu minimum d’insertion ne peut être regardée comme une fausse déclaration faite dans le but délibéré de percevoir à tort le revenu minimum d’insertion ;
    Considérant, en premier lieu, que la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor s’est appuyée, pour accorder une remise totale à Mme X..., sur les difficultés de maîtrise de la langue française de la requérante, admise au droit d’asile, et sur un rapport en date du 24 janvier 2012 de l’assistante sociale qui suit la famille de Mme X..., laquelle fait état d’un foyer en difficulté et en précarité ; qu’ainsi, la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor n’a ni méconnu sa compétence, ni insuffisamment motivé sa décision ;
    Considérant, en second lieu, qu’il ressort des règles générales de la procédure contentieuse que la juridiction d’appel ne peut statuer que dans la mesure et dans la limite de ce qui a été soumis à la juridiction du premier degré ; que l’appel est une voie de réformation du jugement de première instance auquel est attaché un effet dévolutif qui implique qu’il n’est dévolu qu’autant qu’il a été jugé ; que la décision de la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor ne fait pas mention d’un quelconque mémoire en défense du président général qui aurait soulevé le moyen de la fausse déclaration en première instance ; qu’il suit de là qu’il s’agit d’ un moyen nouveau non susceptible d’être pris en considération en appel ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, que le président du conseil général des Côtes-d’Armor n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale a annulé sa décision en date du 9 février 2009, et a octroyé à Mme X... une remise totale de l’indu qui lui a été assigné ; que son appel ne peut par conséquent qu’être rejeté,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours du président du conseil général des Côtes-d’Armor est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera notifiée par le greffe de la commission centrale d’aide sociale aux parties concernées.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 novembre 2013 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. BENHALLA, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 24 janvier 2014.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidente Le rapporteur

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet