Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3420
 
  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement familial - Etablissement et service d’aide par le travail (ESAT) - Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)
Dossier no 120167

M. X...
Séance du 13 décembre 2013

Décision lue en séance publique le 13 décembre 2013

    Vu, enregistrée à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de Tarn-et-Garonne le 31 janvier 2012, la requête présentée pour l’Association tutélaire de Tarn-et-Garonne en Tarn-et-Garonne, agissant par Mme Z..., « mandataire judiciaire délégué », pour M. X..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de Tarn-et-Garonne en date du 29 novembre 2011 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général de Tarn-et-Garonne du 3 mai 2011 refusant d’admettre M. X... à l’aide sociale au placement familial des personnes handicapées à compter du 9 juillet 2010 par les moyens que bien que les conditions fixées à l’article L. 241-1 du code de l’action sociale et des familles ne semblent pas réunies elle fait valoir qu’elle a sollicité auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) la révision, voire la réforme, de sa décision relative à la situation de M. X... dont l’état permet d’affirmer qu’il n’est pas en capacité de satisfaire aux exigences d’un travail en établissement et que son taux de handicap est supérieur à 80 % ; qu’un essai en ESAT n’ayant pas été concluant, un placement en famille d’accueil a été recherché ; qu’elle est dans l’attente de la nouvelle décision de la MDPH ; que le retard pris par la cellule d’aide sociale dans la communication de la décision de refus pour le dossier lui porte préjudice dans la mesure où, si elle avait eu connaissance, dès le départ, de l’exclusion du bénéfice de l’aide pour M. X..., elle aurait recherché d’autres solutions ; que M. X... n’est pas en mesure d’assurer le paiement de la famille d’accueil dans son intégralité ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 7 mars 2012, la communication par la requérante de la production de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de Tarn-et-Garonne en date du 15 février 2012 ;
    Vu, enregistré le 5 août 2013, le mémoire présenté pour M. X... et l’Association tutélaire de Tarn-et-Garonne, par Maître SCHOENACKER ROSSI, avocat, tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale aux fins de déterminer le taux d’incapacité de M. X..., à ce que soit jugé que le taux d’incapacité est supérieur à 80 % et à ce que soit condamnée la « commission centrale d’aide sociale » au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article « L. 761-1 » du code de justice administrative ;
    Vu, enregistré le 13 août 2013, le mémoire en défense du président du conseil général de Tarn-et-Garonne tendant au rejet de la requête par les mêmes motifs que ceux exposés devant la commission départementale d’aide sociale et expressément repris en annexe à son mémoire et le motif que la requête n’est pas recevable puisqu’elle ne comporte pas la délibération du conseil d’administration de l’Association tutélaire de Tarn-et-Garonne autorisant l’action en justice, non plus que celle autorisant Mme Z... à ester en justice, pas plus que les statuts de l’association faisant mention qu’une déléguée aux mandats judiciaires puisse être autorisée à représenter l’Association tutélaire de Tarn-et-Garonne en justice ;
    Vu, enregistré le 19 septembre 2013, le nouveau mémoire « rectificatif en réponse » présenté pour M. X... et l’Association tutélaire de Tarn-et-Garonne, par Maître SCHOENACKER ROSSI, avocat, se substituant de fait au mémoire enregistré le 5 août 2013 tendant à titre principal à ce qu’il soit constaté que M. X... se trouve dans l’impossibilité de se procurer un emploi depuis le 9 juillet 2010 et à ce qu’il peut prétendre au bénéfice de l’aide sociale à l’hébergement pour la période courant de cette date, à titre subsidiaire, constater que le taux d’incapacité permanente de M. X... est supérieur à 80 % depuis le 9 février 2012 et, en conséquence, ordonner une expertise psychiatrique afin de déterminer ce taux à compter de juillet 2010, ainsi qu’en toute hypothèse à ce que le département de Tarn-et-Garonne soit condamné à payer la somme de 500 euros « en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative (...) » ainsi qu’aux entiers dépens par les moyens que Mme Z..., agissant comme mandataire judiciaire déléguée, peut agir en justice pour le compte de son majeur protégé ; que l’article L. 241-1 du code de l’action sociale et des familles pose deux conditions alternatives à l’octroi d’une aide à l’hébergement, un taux d’incapacité permanente au moins égal à 80 %, ou être dans l’impossibilité de se trouver un emploi compte tenu de son handicap ; que, s’il est effectif qu’à compter du 9 juillet 2010 la CDAPH a fixé le taux d’incapacité permanente à 50 %, il n’en demeure pas moins qu’à compter de cette date M. X... était dans l’impossibilité absolue d’assumer un emploi ; qu’en effet la décision du 8 janvier 2009 de la CDAPH avait prévu un essai d’intégration en ESAT qui s’est révélé infructueux ; qu’il a fallu se rendre à l’évidence que le handicap dont souffrait M. X... faisait obstacle à toute activité professionnelle ; que, contrairement à ce qu’affirme la commission départementale d’aide sociale, l’essai d’intégration en ESAT décidé par la CDAPH n’implique pas ipso facto une capacité à travailler ; que, bien au contraire, seule la validation de cette période d’essai aurait pu permettre de conclure à la capacité de M. X... d’exercer une activité professionnelle, ce qui n’a pas été le cas ; que cet état de fait a été attesté le 31 mai 2011 par le médecin psychiatre du requérant ; qu’ainsi celui-ci se trouve bien dans l’impossibilité de se procurer un emploi ; qu’à titre subsidiaire il y aurait lieu d’ordonner une expertise médicale compte tenu de l’historique de la situation de M. X... ;
    Vu, enregistré le 9 octobre 2013, le mémoire du président du conseil général de Tarn-et-Garonne persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et les motifs que la décision de la CDAPH du 25 janvier 2008 et du 8 janvier 2009 reconnait la qualité de travailleur handicapé et donc une capacité de travail reconnue en ESAT ; que ce n’est qu’un an plus tard qu’elle a décidé d’un taux d’incapacité au moins égal à 80 % ; qu’en application de l’article 12-1 des statuts de l’Association tutélaire de Tarn-et-Garonne est instituée l’obligation pour le président de requérir une délibération de son conseil d’administration pour ester en justice, délibération qui n’a pas été produite ; qu’en outre, si le président peut déléguer l’exercice de cette prérogative, il doit opérer cette délégation « conformément aux dispositions de présent article » sur délibération du conseil d’administration ; qu’en outre Mme Z... n’a produit aucun document attestant de la délégation des prérogatives du président à son profit ; que Mme Z... n’a pas la qualité de tuteur privé et que c’est l’Association tutélaire de Tarn-et-Garonne qui est le mandataire judiciaire, l’action en justice ne pouvant dès lors s’opérer que par délégation conformément aux stipulations de ses statuts ; qu’au moment de l’examen de l’aide sociale M. X... ne remplissait aucune des deux conditions de taux d’incapacité égal ou supérieur à 80 % et d’impossibilité de se procurer un emploi compte tenu de son handicap, étant établi qu’il avait la possibilité de trouver un emploi en milieu protégé ; qu’aucun recours en contestation n’a été introduit à la suite de la décision de la CDAPH, soit devant le tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI), soit devant la juridiction administrative de droit commun ; que la reconnaissance de travailleur handicapé représente un statut juridico-administratif ouvrant des droits à son bénéficiaire, mais ne saurait contenir, même si elle s’appuie sur le dossier médical de l’intéressé, toute la complexité d’un cas médical donné ; que seule la CDAPH, et non le médecin du requérant, est fondée à prendre une décision sur la possibilité de se procurer un emploi et par suite conditionner une admission ou un rejet pour une demande d’aide sociale au placement ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la sécurité sociale ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 13 décembre 2013 Mme CIAVATTI, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que le mémoire, enregistré le 19 septembre 2013, présenté pour M. X... et l’Association tutélaire de Tarn-et-Garonne, par Maître SCHOENACKER ROSSI, avocat, est regardé comme annulant et remplaçant celui enregistré le 5 août 2013 ;
        Sur la recevabilité de la requête ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 12-1 des statuts de l’Association tutélaire de Tarn-et-Garonne : « Le président (...) est compétent pour représenter l’association en justice ainsi que pour introduire toute action en justice qu’il estimera nécessaire. Le président rend compte de toutes les actions en justice introduites au nom de l’association au conseil d’administration qui en délibère. Il peut déléguer l’exercice de cette prérogative conformément aux dispositions du présent article. Il en sera de même pour (...) toutes actions ou conventions au nom du majeur. (...) Il peut (...) sous sa responsabilité et son contrôle, et avec l’autorisation du conseil d’administration, confier à un salarié de l’association l’exécution de certaines des fonctions qui lui incombent. » ; qu’il résulte de ces stipulations que les salariés de l’association ne peuvent agir en justice que moyennant, d’une part, une délibération (préalable, à la différence de celle délibérant sur les actions en justice que le président a lui-même personnellement introduites) du conseil d’administration ; que la requérante invitée à produire la délégation conférée à Mme Z... et la délibération du conseil d’administration y pourvoyant ne l’a pas produite ; que, toutefois, les stipulations statutaires régissant l’exercice des actions en justice au nom de l’association ne sauraient être opposées pour préjudicier au droit à l’aide sociale de la personne protégée dans l’intérêt de laquelle elles ont été instituées, moyennant l’exercice par celle-ci, le cas échéant, d’une action aléatoire en responsabilité contre le mandataire de justice ; que dans ces conditions le président du conseil général de Tarn-et-Garonne n’est pas fondé à soutenir que la requête présentée par l’Association tutélaire de Tarn-et-Garonne, pour M. X..., serait irrecevable comme introduite par Mme Z... en méconnaissance des stipulations précitées de l’article 12-1 des statuts de l’Association tutélaire de Tarn-et-Garonne ;
    Au fond, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens et les conclusions subsidiaires ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 241-1 du code l’action sociale et des familles : « Toute personne handicapée dont l’incapacité permanente est au moins égale au pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou qui est, compte tenu de son handicap, dans l’impossibilité de se procurer un emploi peut bénéficier des prestations prévues au chapitre 1er du titre III du présent livre, à l’exception de l’allocation simple à domicile. » ; que ces dispositions sont bien applicables au présent litige qui porte sur une période d’environ dix mois courant de juillet 2010, à l’exclusion des dispositions applicables à l’allocation aux adultes handicapés à compter de la date d’entrée en vigueur de la modification par la loi du 27 décembre 2008 de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, modification d’ailleurs applicable à compter seulement de l’entrée en vigueur du décret du 16 avril 2011 en précisant les conditions d’application ;
    Considérant que lors de la période litigieuse étaient applicables les décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées du 24 janvier 2008 décidant de « la reconnaissance de travailleur handicapé (...) car votre handicap réduit votre capacité de travail du 24 janvier 2008 au 24 janvier 2013 » et « orientation professionnelle, essai en établissement et service d’aide par le travail, période d’essai prise en charge six mois à compter de la date d’entrée » et du 8 janvier 2009 décidant de « taux d’incapacité 50 %. La commission préconise pour votre hébergement un placement en foyer de vie, décision valable du 8 janvier 2009 au 4 janvier 2011, accueil de jour. Nouvelle période d’essai d’intégration ESAT à envisager durant cette période. » ;
    Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que l’aide au placement familial des personnes handicapées qui y sont éligibles est accordée dans les mêmes conditions que l’aide aux personnes âgées ; que la circonstance, d’ailleurs non invoquée, selon laquelle la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées n’a pas orienté M. X... vers un placement familial spécialisé est donc inopposable à celui-ci ;
    Considérant que, si la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées a bien reconnu à M. X... la qualité de travailleur handicapé et a fixé un taux d’invalidité de 50 % (taux qui d’ailleurs, en l’état actuel du droit, ne fait pas obstacle à l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés [AAH] au titre de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale), elle a par contre limité l’orientation de l’intéressé, non seulement aux ESAT, mais, davantage encore, à des périodes d’essai en ESAT ; que l’activité exercée par les personnes handicapées admises dans les ESAT visée à l’article L. 344-3 du code de l’action sociale et des familles, et, davantage encore, les orientations, d’ailleurs, successivement inabouties vers de tels établissements pour des périodes d’essai, ne constituent pas un emploi au sens de l’article L. 241-1 du code de l’action sociale et des familles ; qu’il résulte, dès lors, d’ailleurs clairement, des décisions précitées de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de Tarn-et-Garonne, dont les diverses dispositions sont indissociables, que, bien qu’ayant reconnu à M. X... la qualité de travailleur handicapé, la commission ne l’a fait que dans le cadre d’une orientation pour des périodes d’essai en ESAT lesquelles, de même - et davantage encore - que l’accueil dans un tel établissement qui peut les suivre, ne constituent pas un « emploi » au sens des dispositions précitées de l’article L. 241-1 du code de l’action sociale et des familles issues, en réalité, de l’article 35-II de la loi du 30 juin 1975 demeuré applicable en matière de placement familial spécialisé ; que, dans ces conditions, M. X... devait bien aux termes mêmes des décisions de l’instance d’orientation être regardé comme ayant été pour la période litigieuse « dans l’impossibilité de se procurer un emploi » au sens des dispositions de l’article L. 241-1 et que c’est à tort que, par la décision attaquée, le président du conseil général de Tarn-et-Garonne a considéré que « M. X... n’est pas, compte tenu de son handicap, dans l’impossibilité de se procurer un emploi » et que le premier juge a confirmé cette décision ; qu’il y a lieu par suite de faire droit aux conclusions de la requête ;
    Considérant que le conseil de M. X... sollicite la condamnation du département de Tarn-et-Garonne à payer à M. X... la somme de 500 euros en application des dispositions « de l’article L. 761-1 du code de justice administrative » ; que, toutefois, M. X... a été admis à l’aide juridictionnelle et que son conseil ne précise pas sur quel fondement légal il y a lieu, pour la commission centrale d’aide sociale, de substituer l’application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à celle des textes régissant les vacations en matière d’aide juridictionnelle ; que, dans ces conditions, les conclusions dont s’agit ne peuvent être que rejetées ;
    Considérant qu’est également sollicitée la condamnation du département « aux entiers dépens » ; que, toutefois, d’une part, M. X... a bénéficié de l’aide juridictionnelle et le droit de timbre n’est pas exigible, d’autre part, il n’existe pas d’autres dépens dans les instances introduites devant la juridiction de l’aide sociale,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de Tarn-et-Garonne en date du 29 novembre 2011 et la décision du président du conseil général de Tarn-et-Garonne en date du 3 mai 2011 sont annulées.
    Art. 2.  -  M. X... est admis à l’aide sociale au placement familial spécialisé des personnes handicapées pour la prise en charge de ses frais de placement chez Mme A... à compter du 9 juillet 2010 jusqu’à la fin de la période de placement chez cette accueillante familiale et est renvoyé devant le président du conseil général de Tarn-et-Garonne pour liquidation de la participation de l’aide sociale.
    Art. 3.  -  Les conclusions de la requête présentées sur le fondement de « de l’article L. 761-1 du code de justice administrative » et celles tendant à la condamnation du département de Tarn-et-Garonne « aux entiers dépens » sont rejetées.
    Art. 4.  -  La présente décision sera notifiée par le greffe de la commission centrale d’aide sociale aux parties concernées.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 13 décembre 2013 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme CIAVATTI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 13 décembre 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet