Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
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REVENU MINIMUM DINSERTION (RMI) | ||
Mots clés : Revenu minimum dinsertion (RMI) - Procédure - Compétence juridictionnelle - Ressources |
Dossier no 130142
M. X...
Séance du 8 novembre 2013
Décision lue en séance publique le 26 novembre 2013
Vu la requête, enregistrée au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 8 janvier 2013, présentée pour M. X... par Maître Jean-Baudoin KAKELA SHIBABA, qui demande à la commission centrale daide sociale :
1o Dannuler la décision du 14 avril 2011 par laquelle la commission départementale daide sociale de la Loire a rejeté son recours tendant, dune part, à lannulation de la décision du 14 juin 2010 par laquelle le président du conseil général de la Loire a rejeté sa demande tendant à ce quil puisse bénéficier rétroactivement du droit au revenu minimum dinsertion, à compter de la date de son entrée en France, dautre part à ce que lui soit accordé le bénéfice rétroactif du droit au revenu minimum dinsertion, à compter de la date de son entrée en France, le 24 février 2005 ;
2o Dannuler la décision du 14 juin 2010 par laquelle le président du conseil général de la Loire a rejeté sa demande tendant à ce quil puisse bénéficier rétroactivement du droit au revenu minimum dinsertion, à compter de la date de son entrée en France et de lui accorder le bénéfice rétroactif du droit au revenu minimum dinsertion, à compter de la date de son entrée en France ;
3o De mettre à la charge du président du conseil général de la Loire la somme de 1 500 euros au titre de larticle 700 du code de procédure civile, à verser à Maître Jean-Baudoin KAKELA SHIBABA, à condition que celui-ci renonce au bénéfice de laide juridictionnelle et de condamner aux dépens le président du conseil général ;
M. X... soutient que la décision attaquée de la commission départementale daide sociale de la Loire a été rendue aux termes dune procédure irrégulière, en méconnaissance de larticle 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales, dès lors que son avocat a été avisé de la date de laudience trop tard pour pouvoir sy rendre ; que la décision lui refusant le bénéfice rétroactif du droit au revenu minimum dinsertion à la date de son entrée en France a été prise par une autorité incompétente ; quil avait soulevé ce moyen devant la commission départementale daide sociale qui a omis dy répondre et na pas suffisamment motivé sa décision ; que la différence de situation entre les réfugiés et les ressortissants nationaux impose de ne pas leur appliquer de la même façon larticle L. 262-9 du code de laction sociale et des familles sous peine de méconnaître larticle 1er de la Constitution, qui consacre légalité devant la loi ; que le conseil général de la Loire ne la pas informé de ses droits en méconnaissance de larticle 5 de la directive 2003/9 du 27 janvier 2003 ; quon ne saurait lui opposer une prescription, sous peine de méconnaître larticle 3 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 ; que le statut de réfugié est recognitif ; que larticle 24 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés stipule que les réfugiés doivent bénéficier des mêmes droits que les travailleurs français ; que la loi nationale viole larticle 55 de la Constitution, qui consacre la supériorité des traités et accords régulièrement ratifiés sur les lois internes ; que durant la période pour laquelle il demande à bénéficier du droit au revenu minimum dinsertion, il remplissait toutes les conditions de ressources pour que lui soient ouverts les droits à cette allocation ;
Vu le mémoire, enregistré au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 8 janvier 2013, présentée pour M. X... par Maître Jean-Baudoin KAKELA SHIBABA, en application de larticle 23-1 de lordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958, qui demande à la commission centrale daide sociale, à lappui de sa requête, de transmettre au Conseil dEtat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de larticle L. 262-7 du code de laction sociale et des familles dans sa rédaction antérieure au 1er juin 2009, de larticle R. 262-39 du code de laction sociale et des familles et de larticle L. 553-1 du code de la sécurité sociale ;
M. X... soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent le principe dégalité devant la loi garanti par larticle 1er de la Constitution ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2013, présenté par le président du conseil général de la Loire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête de M. X... est tardive et donc irrecevable ; que les moyens soulevés par le requérant sont inopérants ou infondés ;
Vu les pièces desquelles il ressort que M. X... sest vu accorder laide juridictionnelle par décision du bureau daide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Lyon en date du 16 septembre 2011 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la décision no 363928, 363929, 363930, 363931 du 13 février 2013 du Conseil dEtat statuant au contentieux ;
Vu le code de laction sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales ;
Après avoir entendu à laudience publique du 8 novembre 2013, M. LABRUNE, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quil résulte de linstruction que M. X... est entré sur le territoire français le 24 février 2005 ; quil sest vu reconnaître la qualité de réfugié le 18 décembre 2006 ; que, sil a demandé, le 2 juin 2009, le bénéfice du revenu de solidarité active, allocation dont les droits lui ont dailleurs été ouverts à compter de juin 2009, il na pas déposé de demande de revenu minimum dinsertion avant la disparition de cette allocation ; quil a demandé, le 21 avril 2010, à bénéficier rétroactivement du droit au revenu minimum dinsertion à compter de son entrée en France ; que le président du conseil général de la Loire a rejeté cette demande par une décision du 14 juin 2010 ; que M. X... a contesté cette décision devant la commission départementale daide sociale de la Loire, qui a rejeté sa demande par une décision du 14 avril 2011, suffisamment motivée, dont M. X... relève appel ;
Sans quil soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le président du conseil général de la Loire ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
Considérant quil résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de lordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le conseil constitutionnel, que la commission centrale daide sociale saisie dun moyen tiré de ce quune disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil dEtat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, quelle nait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif dune décision du conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ; que le second alinéa de larticle 23-2 de la même ordonnance précise que : « En tout état de cause, la juridiction doit, lorsquelle est saisie de moyens contestant la conformité dune disposition législative, dune part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, dautre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil dEtat (...) » ;
Considérant que seule une disposition législative peut faire lobjet dune question prioritaire de constitutionnalité ; que larticle R. 262-39 du code de laction sociale et des familles ne revêt pas le caractère dune disposition législative au sens de larticle 61-1 de la Constitution ; quil ne peut donc faire lobjet dune question prioritaire de constitutionnalité ;
Considérant que le litige soulevé par M. X... a trait au revenu minimum dinsertion, qui nest pas régi par le code de la sécurité sociale mais par le code de laction sociale et des familles ; que, par suite, larticle L. 553-1 du code de la sécurité sociale nest pas applicable au présent litige ;
Considérant quaux termes de larticle L. 262-7 du code de laction sociale et des familles relatif à lallocation de revenu minimum dinsertion, dans sa rédaction antérieure au 1er juin 2009 : « Si les conditions mentionnées à larticle L. 262-1 sont remplies, le droit à lallocation est ouvert à compter de la date du dépôt de la demande » ;
Considérant, en premier lieu, que lattribution des prestations familiales, régie par les dispositions des articles L. 512-1 et L. 512-2 du code de la sécurité sociale, ne répond pas aux mêmes finalités que celles fixées par les dispositions contestées du code de laction sociale et des familles pour bénéficier de lallocation de revenu minimum dinsertion ; quainsi, le requérant ne saurait utilement soutenir que ces dispositions sont contraires à larticle 1er de la Constitution en ce quelles introduisent une différence de traitement entre les enfants mineurs de parents ayant la qualité de réfugié, qui peuvent prétendre au versement à titre rétroactif des prestations familiales, et leurs parents qui ne peuvent bénéficier à titre rétroactif de lallocation de revenu minimum dinsertion ; que, par suite, la question soulevée est dépourvue de caractère sérieux ;
Considérant, en deuxième lieu, que le requérant soutient également que larticle L. 262-7 du code de laction sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure au 1er juin 2009, est contraire à larticle 1er de la Constitution en ce quil crée une rupture dégalité entre, dune part, les personnes ayant la qualité de réfugié, dautre part, les titulaires dune carte de séjour, les ressortissants de lUnion européenne et les citoyens français ; que, toutefois, le principe dégalité noblige pas à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; que larticle L. 262-7 cité ci-dessus dispose que le droit à lallocation de revenu minimum dinsertion est ouvert à compter de la date de dépôt de la demande, sans établir de distinction en fonction de la situation administrative de lintéressé ; que la circonstance que les personnes sétant vu reconnaître la qualité de réfugié ne peuvent justifier, dès leur entrée en France, dun titre de séjour est sans incidence sur la constitutionnalité des dispositions législatives litigieuses ; que, par suite, la question soulevée est dépourvue de caractère sérieux ;
Considérant, en troisième lieu, que si le requérant soutient que les dispositions législatives litigieuses sont contraires à larticle 55 de la Constitution, ce moyen tend en réalité à les critiquer au regard des stipulations de la convention de Genève ; quun tel moyen ne saurait être utilement invoqué au soutien dune question prioritaire de constitutionnalité ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que, sans quil soit besoin de renvoyer au Conseil dEtat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que de les articles L. 262-7 et R. 262-39 du code de laction sociale et des familles, dans leur rédaction antérieure au 1er juin 2009, et larticle L. 553-1 du code de la sécurité sociale portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
Au fond :
Considérant que M. X... soutient que la décision attaquée de la commission départementale daide sociale de la Loire a été rendue aux termes dune procédure irrégulière, en méconnaissance de larticle 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales, dès lors que son avocat a été avisé de la date de laudience trop tard pour pouvoir sy rendre ; quil résulte toutefois de linstruction quil sest écoulé un délai raisonnable entre la convocation de lavocat de M. X... devant la commission départementale daide sociale de la Loire et laudience à laquelle a été évoqué le dossier de M. X... ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;
Considérant que, si M. X... soutient dans sa requête que les dispositions de la loi nationale qui lui sont applicables, notamment larticle L. 262-9 du code de laction sociale et des familles, violent larticle 1er de la Constitution, qui garantit le principe dégalité devant la loi, ainsi que larticle 55 de la Constitution, qui consacre la supériorité des traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés sur les lois, ces moyens ne sont pas de nature à être utilement soulevés devant le juge administratif hors du cadre dune question prioritaire de constitutionnalité ;
Considérant que lorsquil statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle ladministration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits dune personne à lallocation de revenu minimum dinsertion, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention dans la reconnaissance du droit à cette prestation daide sociale quà sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais dexaminer les droits de lintéressé sur lesquels ladministration sest prononcée, en tenant compte de lensemble des circonstances de fait qui résultent de linstruction ; quau vu de ces éléments il appartient au juge administratif dannuler ou de réformer, sil y a lieu, cette décision en fixant alors lui-même les droits de lintéressé, pour la période en litige, à la date à laquelle il statue ou, sil ne peut y procéder, de renvoyer lintéressé devant ladministration afin quelle procède à cette fixation sur la base des motifs de son jugement ; quil en résulte quil appartient à la commission centrale daide sociale de se prononcer directement sur les droits de M. X... à lallocation de revenu minimum dinsertion ; quest à cet égard sans incidence la circonstance que la décision attaquée du président du conseil général de la Loire aurait été prise par une autorité incompétente ; que, dès lors que le moyen tiré de lincompétence du signataire de la décision attaquée du président du conseil général était inopérant, la commission départementale daide sociale nétait pas tenue dy répondre ;
Considérant que si M. X... soutient que le conseil général de la Loire ne la pas informé de ses droits, en méconnaissance de larticle 5 de la directive 2003/9 du 27 janvier 2003, il narticule, au soutien de ses allégations, aucun commencement de preuve ; que le moyen doit par suite être écarté ;
Considérant que si M. X... soutient quon ne saurait lui opposer une prescription, sous peine de méconnaître larticle 3 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968, ce moyen est inopérant dès lors quaucune prescription daucune sorte ne lui est opposée ;
Considérant quaux termes de larticle L. 262-1 du code de laction sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262-10 et L. 262-12, natteignent pas le montant du revenu minimum défini à larticle L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans (...) et qui sengage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit (...) à un revenu minimum dinsertion » ; quaux termes de larticle L. 262-7 de ce même code : « Si les conditions mentionnées à larticle L. 262-1 sont remplies, le droit à lallocation est ouvert à compter de la date du dépôt de la demande » ; quaux termes de larticle R. 262-39 de ce même code : « Lallocation est due à compter du premier jour du mois civil au cours duquel la demande (...) a été déposée auprès de lorganisme mentionné à larticle L. 262-14 (...) » ;
Considérant que le statut de réfugié qui a été accordé le 18 décembre 2006 à M. X... et dont il bénéficie rétroactivement depuis le 24 février 2005 lui donne droit au bénéfice de laide sociale dans les mêmes conditions que les ressortissants français, conformément aux stipulations conventionnelles relatives aux réfugiés, mais ne permet pas de déroger aux dispositions qui régissent lallocation de revenu minimum dinsertion ; quil résulte des dispositions précitées du code de laction sociale et des familles que le droit au bénéfice du revenu minimum dinsertion, qui nest pas une prestation familiale et nest pas régi par le code de la sécurité sociale, est ouvert à compter de la date du dépôt de la demande de revenu minimum dinsertion ; que M. X... ne peut donc pas se voir ouvrir de droits au revenu minimum dinsertion, puisquil na pas déposé de demande de revenu minimum dinsertion avant la disparition de cette allocation le 1er juin 2009 ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que M. X... nest pas fondé à soutenir que cest à tort que la commission départementale daide sociale de la Loire a rejeté sa demande ; que sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux dépens et ses conclusions présentées au titre des dispositions de larticle 700 du code de procédure civile,
Décide
Art. 1er. - Il ny a pas lieu de renvoyer au Conseil dEtat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. X...
Art. 2. - La requête de M. X... est rejetée.
Art. 3. - La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 8 novembre 2013 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. LABRUNE, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 26 novembre 2013.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
La présidente | Le rapporteur |
Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet