Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2300 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Contrat dassurance-vie |
Dossier no 111067
Mlle X...
Séance du 14 mai 2013
Décision lue en séance publique le 21 mai 2013
Vu le recours en date du 20 mai 2011 présenté par Mme Y... tendant à lannulation de la décision du 18 janvier 2011 par laquelle la commission départementale daide sociale du Rhône a ramené de 10 010,35 à 9 010,35 euros le montant de la récupération prononcée à son encontre en tant que donataire de Mlle X..., bénéficiaire de laide sociale, par une décision du président du conseil général du Rhône en date du 16 octobre 2009, en tant que celle-ci a rejeté le surplus de ses conclusions ;
La requérante précise quelle a déjà réglé 55 % de droits à lEtat pour entrer en possession du contrat dassurance-vie soit une somme de 40 862,68 euros ; quelle peut proposer de régler la créance daide sociale due par un versement de 100 euros par mois pour un remboursement étalé sur six ans et trois mois ; quelle est âgée de 77 ans ; que son mari, malade, est âgé de 80 ans ; que le couple nest pas imposable sur le revenu ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, en date du 31 août 2011, présenté par le président du conseil général du Rhône, qui conclut au rejet du recours ; il soutient que la décision attaquée a pris en compte, dune part, la santé de M. Y... ainsi que la faiblesse de la couverture sociale dun ancien artisan, dautre part, la postérité de la demande par rapport au déblocage des fonds ; que la donation est intervenue dans les dix ans qui ont précédé la demande daide sociale ; que les sommes versées sur le contrat dassurance-vie étant hors succession, la souscription du contrat dassurance-vie a diminué lactif net successoral, ce qui a directement lésé le département du Rhône ; quune fois les droits de mutation réglés au service des impôts, il est resté à disposition de Mme Y... la somme de 63 137,32 euros, hors les intérêts produits par le contrat dassurance-vie, soit une somme largement supérieure à la somme récupérée au titre de la créance daide sociale ; que le département ne peut être tenu responsable des difficultés rencontrées par la requérante avec les tiers du bénéficiaire de laide sociale ainsi que des anomalies constatées sur ses comptes bancaires ; que la situation du donataire est sans incidence juridiquement sur la légalité dun recours en récupération exercé par le département ;
Vu le mémoire en réplique, en date du 1er décembre 2011, présenté par Mme Y..., qui reprend les conclusions de son recours ;
Vu le supplément dinstruction en date du 14 juin 2012 et les observations présentées en réponse par Mme Y... en date du 25 juin 2012 ;
Vu le supplément dinstruction en date du 14 juin 2012 et les observations présentées en réponse par le président du conseil général du Rhône en date du 8 août 2012 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 14 mai 2013 Mme Sophie ROUSSEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant, dune part, quaux termes de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par lEtat ou le département : / (...) 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; » ;
Considérant, dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ; quun contrat dassurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant toutefois que ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération ; que le même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire ; quà ce titre, un contrat dassurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil résulte de linstruction que Mlle X..., née le 7 juillet 1911, a souscrit le 16 octobre 1998, alors quelle était âgée de 87 ans, un contrat dassurance-vie au profit de sa nièce, Mme Y..., requérante, par le versement dune prime de 120 000 euros ; quaprès le décès de Mme X... le 18 février 2007, Mme Y... a accepté le bénéfice de lassurance-vie ; quà la date du décès de Mlle X..., la créance daide sociale au titre de la prise en charge par le département du Rhône de ses frais dhébergement à la maison de retraite « R... » pour la période allant du 1er janvier 2006 au 18 février 2007 sélevaient à 10 035 euros ; que, compte tenu de lâge de Mlle X... à la date de la souscription du contrat dassurance-vie litigieux ainsi que de limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, la souscription de ce contrat doit être regardée comme procédant dune intention libérale ; que, par suite, cest à bon droit que le président du conseil général, par sa décision du 16 octobre 2009, a estimé que Mme Y... avait bénéficié dune donation de la part de sa tante Mlle X... dans les dix ans qui ont précédé la demande daide sociale de Mlle X... ;
Considérant quest sans incidence sur la légalité de cette décision la circonstance que Mme Y... ait dû acquitter des droits de mutation à un taux de 55 % pour pouvoir entrer en possession du contrat souscrit à son profit par Mlle X... ; que sont également sans incidence sur la légalité de cette décision les difficultés rencontrées par la requérante avec des tiers du bénéficiaire de laide sociale et les anomalies constatées sur les comptes bancaires du bénéficiaire ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que Mme Y... nest pas fondée à soutenir que cest à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale daide sociale, qui a porté à 9 010,35 euros le montant de la récupération prononcée à son encontre en tant que donataire de Mlle X..., a rejeté le surplus de ses conclusions,
Décide
Art. 1er. - Le recours de Mme Y... est rejeté.
Art. 2 - La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 14 mai 2013 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. CENTLIVRE, assesseur, Mme ROUSSEL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 21 mai 2013.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | La rapporteure |
Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet