Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3420
 
  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Union départementale des associations familiales (UDAF) - Accueil familial - Frais - Conditions de ressources - Procédure - Déclaration
Dossier no 120741

Mme X...
Séance du 28 juin 2013

Décision lue en séance publique le 16 juillet 2013

    Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 27 août 2012, la requête présentée par l’UDAF de l’Eure-et-Loir, pour Mme X..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Eure-et-Loir du 24 avril 2012 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général de l’Eure-et-Loir du 30 juin 2011 de rejet de prise en charge des frais d’accueil familial de Mme X... du 1er avril 2010 au 29 mars 2011 par les moyens que l’article L. 134-2 du code de l’action sociale et des familles dispose que : « Les décisions des commissions départementales sont susceptibles d’appel devant la commission centrale d’aide sociale. » ; que selon l’article R. 231-4 du même code : « Le placement à titre onéreux chez un particulier au titre de l’aide sociale donne lieu à une prise en charge compte tenu : 1o D’un plafond constitué par la rémunération et les indemnités mentionnées aux 1o et 2o de l’article L. 442-1, le cas échéant, selon la convention accompagnant l’habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale ; 2o Des ressources de la personne accueillie, y compris celles résultant de l’obligation alimentaire. Cette prise en charge doit garantir à l’intéressé la libre disposition d’une somme au moins égale au dixième de ses ressources, ainsi qu’au centième du montant annuel des prestations minimales de vieillesse arrondi à l’euro le plus proche. » ; que le conseil général de l’Eure-et-Loir avait accordé la prise en charge des frais d’hébergement en famille d’accueil jusqu’au 31 décembre 2010 ; qu’au mois d’avril 2010 Mme X... a dû changer en urgence de famille d’accueil ; que le conseil général était informé de cette situation puisqu’il a lui-même trouvé une place dans une nouvelle famille d’accueil et envoyé le contrat d’accueil pré-rempli indiquant les dates d’accueil ; qu’à la demande du conseil général, ils ont renouvelé la demande d’aide sociale au mois de novembre 2010 concernant la demande de prise en charge des frais d’hébergement de Mme X... chez Mme Y... ; qu’ils ont adressé en janvier 2011 au conseil général copie du contrat d’accueil chez Mme Y... ; qu’ils reconnaissent leur erreur quant au retard dans l’envoi des avenants au contrat d’accueil aux services du conseil général ; que Mme X... n’avait en date du 1er juin 2011 pour seules ressources mensuelles que l’allocation aux adultes handicapés de 727,61, alors que les charges mensuelles s’élevaient à 2 024,96 euros ; que le budget de Mme X... se trouvait alors déficitaire de 1 386,51 euros par mois ; que Mme X... ne possède aucune économie pour faire face à ce déficit ; que dans sa décision du 24 avril 2012, la commission départementale d’aide sociale confirme la décision du président du conseil général du 30 juin 2011 au motif que les frais peuvent être réglés par les ressources et le capital de l’intéressé ; qu’ils démontrent que les ressources de Mme X... sont clairement insuffisantes et son capital inexistant pour régler elle-même et sans l’aide du département ses frais d’hébergement en famille d’accueil ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu, enregistré le 13 mars 2013, le mémoire en défense du président du conseil général de l’Eure-et-Loir qui conclut au rejet de la requête par les motifs que l’instruction du dossier de renouvellement de prise en charge a fait apparaître un changement important dans la situation de l’intéressée admise non plus chez Mme Z... mais chez Mme Y... depuis le 30 avril 2010 ; que sur la décision d’admission pour les frais d’hébergement chez Mme Z..., il est précisé que toutes modifications de situations doivent être signalées sans délai et par écrit et qu’en cas d’inobservation de cette obligation les sommes indûment versées devront être remboursées ; que le conseil général n’a connu le changement de famille que le 18 novembre 2010 à la réception du dossier de demande de renouvellement de la prise en charge ; que le titre de recette émis conformément au courrier du 17 janvier 2011 évoquait déjà l’application de l’article 12 de l’annexe 3.8.1 (décret 2010-928 du 3 août 2010) ; que ce décret dispose que le contrat doit être conclu au plus tard le jour de l’arrivée de la personne accueillie chez l’accueillant familial ; que le contrat d’accueil à titre temporaire ultérieurement transmis a été signé le 3 juin 2010 alors qu’il aurait dû l’être au plus tard le jour d’arrivée de la personne accueillie chez l’accueillant familial ; que la démarche propre à la gestion du dispositif « accueil familial » ne saurait être confondue avec les règles de prise en charge financière d’un accueil ; que l’UDAF étant « professionnelle » en la matière, elle ne peut invoquer sa propre négligence et se prévaloir de ses erreurs ou des moyens financiers faibles de sa protégée pour obtenir la prise en charge des frais d’hébergement en famille d’accueil du 1er avril 2010 au 29 mars 2011 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment les articles L. 134-2 et L. 134-6 ;
    Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3 de son dispositif ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 juin 2013, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, in limine, que les diverses erreurs et approximations des parties, notamment de l’Union départementale des associations familiales (UDAF) de l’Eure-et-Loir conduisent la commission centrale d’aide sociale à rétablir les circonstances de l’espèce telles qu’elles lui apparaissent en fait et en droit sans devoir expliciter sur quels points elle ne prend pas en compte les éléments énoncés ; que toutefois une mise au net incontestable des circonstances exactes dans lesquelles sont survenus les faits litigieux impliquerait des suppléments d’instruction contradictoires voire une enquête orale que les moyens dont elle dispose ne lui permettent pas d’envisager ;
    Considérant qu’il ressort du dossier qu’à la suite d’une demande formulée pour Mme X..., alors hébergée chez Mme Z..., le président du conseil général de l’Eure-et-Loir - service d’aide sociale - a, le 6 mai 2010, admis Mme X... à l’aide sociale à l’accueil familial aux personnes handicapées pour une prise en charge chez Mme Z... ; que toutefois il n’est pas contesté que, comme l’indique l’UDAF de l’Eure-et-Loir, fin avril 2010 Mme X... a dû changer d’accueillante familiale compte tenu de la résiliation du contrat d’accueil par Mme Z... ; qu’il n’est pas contesté que les services du conseil général en charge de l’action sociale ne pouvaient d’autant plus ne pas être informés de cette situation et de l’accueil chez Mme Y... que ce sont eux-mêmes qui, pour éviter une rupture de prise en charge, ont recherché la nouvelle accueillante et adressé à l’UDAF un contrat type pré-rempli pour l’accueil permanent que les parties ont rempli pour ce qui est de la situation de Mme X... ; que le président du conseil général ne le conteste pas mais se borne en substance à considérer que cette situation ne lui est pas opposable en sa qualité de responsable du service, non d’action sociale en charge des habilitations des accueillants et du suivi des accueillis chez ceux-ci, mais de la prise en charge des frais d’aide sociale ; que, toutefois, l’administration départementale sous l’autorité du seul et même exécutif départemental ne saurait qu’être une et il appartenait au service d’action sociale d’informer le service d’aide sociale ; que la commission centrale d’aide sociale ne considère pas fondée l’argumentation du président du conseil général selon laquelle les responsabilités inhérentes à l’application des articles L. 441-1 sq. d’une part et de l’article R. 231-4 d’autre part sont différentes et qu’ainsi le président du conseil général doit être regardé par une sorte de « dédoublement fonctionnel » comme constituant deux entités distinctes la connaissance qu’il a de la situation par son service d’action sociale ne pouvant lui être opposée en sa qualité de responsable du service d’aide sociale ; qu’ainsi « le président du conseil général » ne pouvait ignorer dans les circonstances très particulières de l’espèce qu’en réalité Mme X... avait dû être placée chez Mme Y... postérieurement à la demande et antérieurement à la décision d’admission à l’aide sociale ;
    Considérant que la décision confirmée par le premier juge est fondée sur le seul motif que « la législation en vigueur impose que le contrat d’accueil familial doit être conclu au plus tard le jour de l’arrivée de la personne accueillie chez l’accueillant familial (article 12 de l’annexe 3-8-1 du décret 2010-928) » ;
    Considérant, toutefois, que si le contrat n’a été régularisé que le 3 juin 2010 et que Mme X... a été admise chez Mme Y... à compter du 30 avril 2010, d’une part les dispositions invoquées de l’annexe 8 au code de l’action sociale et des familles régissent les obligations respectives de l’accueillante et du service d’aide sociale dans le cadre de l’habilitation et du contrôle de celle-ci et non les dispositions propres à l’admission à l’aide sociale, d’autre part et en toute hypothèse, à supposer même qu’elles soient néanmoins opposables à l’assistée elle-même et non au seul accueillant, les circonstances d’urgence et de transmission du contrat à une date non précisée par les services du conseil général eux-mêmes, fût-ce ceux d’action sociale, ne sauraient emporter en conséquence le refus d’admission à l’aide sociale pour les périodes successives d’accueil chez Mme Y... eu égard au caractère d’urgence de la situation particulière de l’espèce impliquant que la méconnaissance de ces dispositions ne présente pas le caractère d’un vice substantiel de nature à interdire dans les circonstances de l’espèce la continuité de la prise en charge par l’aide sociale nonobstant le changement d’accueillant alors, au surplus, qu’il n’est pas allégué et ne ressort pas du dossier que les conditions financières et matérielles de l’accueil aient été en quelque mesure et en tout cas substantiellement modifiées ;
    Considérant, d’ailleurs, que le contrat apparaît quelque peu contradictoire dans la mesure où l’article 8 relatif à la période d’essai laisse présumer contrairement aux stipulations ci-dessus citées que l’accueil de Mme X... n’est pas temporaire mais permanent... ;
    Considérant, par ailleurs, que la transmission tardive du contrat signé le 3 juin 2010, comme des contrats signés les 4 et 7 mars 2011 pour les périodes du 30 juillet au 29 octobre 2010, du 30 octobre 2010 au 29 janvier 2011 et du 30 janvier au 29 mars 2011, motif différent de celui qui fonde seul la décision attaquée sur lequel il vient d’être statué, n’est pas de nature, dès lors qu’il n’est pas contesté que le président du conseil général était en fait informé au titre du service en charge de l’habilitation de l’accueillante et du suivi de celle-ci de la poursuite de l’accueil de Mme X... chez Mme Y..., à fonder le refus de prise en charge ; qu’au demeurant, lorsque le président du conseil général a pris la décision attaquée fondée sur le seul motif que le contrat (nécessairement le premier contrat...) devait être conclu « au plus tard le jour de l’arrivée de la personne accueillie » il ne pouvait ignorer que Mme X... avait été admise chez Mme Y... à compter du 30 avril 2010 (sinon du 1er avril !) et que cette admission s’était poursuivie et se poursuit sans solution de continuité ; que dans ces conditions non seulement la circonstance que le premier contrat n’ait été conclu que le 3 juin 2010 pour compter du 30 avril 2010, mais encore les errements de droit et fait pour regrettables qu’ils puissent être du tuteur dans la gestion du dossier ne peuvent être opposés à Mme X... pour répéter tant au titre de la répétition des frais exposés par l’aide sociale pour la période du 30 juillet 2010 au 31 décembre 2010 (lettre du 17 janvier 2011 et titre de recette consécutif) que pour la période du 1er avril 2010 au 29 juillet 2010 pour laquelle initialement l’administration avait admis la prise en charge mais y est revenue dans la décision attaquée du 30 juin 2011 et que pour la période de renouvellement de ladite prise en charge du 1er janvier 2011 au 29 mars 2011 ;
    Considérant que si le tuteur évoque à nouveau de manière erronée la circonstance que la décision attaquée de la commission départementale « du 6 juin 2012 » (date de la notification par la présidente, alors qu’il s’agit en réalité d’une décision délibérée le 25 avril 2012 !) aurait « validé la décision du président du conseil général au motif que les frais pourraient être réglés par les ressources de l’intéressée » et si le premier juge n’a nullement retenu une telle motivation, cette erreur du tuteur qui confirme les modalités de sa gestion du dossier est inopérante au regard des motifs qui précèdent faisant droit à des moyens par ailleurs soulevés devant le juge de l’aide sociale ;
    Considérant d’ailleurs que, s’agissant de la période de répétition, il n’est pas établi que « la décision d’admission du 6 mai 2010 du président du conseil général ait été prise sur la base de déclarations incomplètes ou erronées » dans la mesure où, comme il a été dit, le président du conseil général ne pouvait ignorer que Mme X... avait à l’origine été placée chez Mme Y... à compter du 30 avril 2010 du fait de la cessation de la prise en charge chez Mme Z... et de fait que, quelles que soient les approximations et incertitudes juridiques des contrats établis en ce qui concerne le caractère temporaire de l’accueil compte tenu de la combinaison incertaine de l’article 8 et de l’article 1er du contrat initial Mme X... était en fait demeurée chez Mme Y... et quelles que soient les lacunes des documents signés avec celle-ci elle devait de ce fait continuer à bénéficier de l’aide sociale dans des conditions tant de qualité et de sécurité du placement que de modalités financières de prise en charge de celui-ci par le département par ailleurs nullement contestées ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit à la requête,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Eure-et-Loir en date du 25 avril 2012, ensemble la décision du président du conseil de l’Eure-et-Loir du 30 juin 2011 sont annulées.
    Art. 2.  -  Mme X... est admise à l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’accueil familial spécialisé chez Mme Y... du 30 avril 2010 (et non du 1er avril 2010...) au 31 décembre 2010 et pour la période du 1er janvier 2011 au 29 mars 2011, et renvoyée devant le président du conseil général de l’Eure-et-Loir pour liquidation de la participation de l’aide sociale au titre desdites périodes.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 15 mars 2013 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 16 juillet 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.-C. Rieubernet