Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2220 |
DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE | ||
Mots clés : Domicile de secours - Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Hébergement - Foyer |
Dossier no 120894
M. X...
Séance du 28 juin 2013
Décision lue en séance publique le 16 juillet 2013
Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 3 octobre 2012, la requête présentée par le préfet de la Haute-Savoie tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale de désigner lautorité débitrice de laide sociale pour la prise en charge des frais dhébergement de M. X... à la résidence L... de Haute-Savoie par les moyens que lUDAF du Rhône a sollicité, pour M. X..., une demande de prise en charge par laide sociale de ses frais de séjour à la résidence L... de Haute-Savoie à compter du 11 octobre 2011 ; que sa dernière adresse connue est le foyer D... dans le Rhône ; quil a été hospitalisé à plusieurs reprises à lhôpital H... du Rhône ; que lUDAF a contacté en vain divers établissements de la région, mais que seule la résidence du L... de Haute-Savoie a accepté ladmission de lintéressé ; quen date du 28 mars 2012 lUDAF a adressé le dossier au conseil général de la Haute-Savoie ; quen date du 24 juillet 2012 celui-ci a notifié à M. X... le rejet de sa demande de prise en charge au motif que, « conformément à larticle L. 111-3 du code de laction sociale et des familles, M. X... na pas acquis de domicile de secours en Haute-Savoie » ; que le dossier a donc été renvoyé à lUDAF par le conseil général ; quen date du 30 juillet 2012 lUDAF a alors adressé le dossier au préfet du Rhône qui le lui a retourné le 20 août 2012 en précisant que ce dossier devait être transmis au préfet de la Haute-Savoie, ce qui a été fait le 23 août 2012 ; que conformément à sa demande, le service des impôts du Rhône a transmis les avis dimposition 2010 et 2011 portant ladresse foyer D.. dans le Rhône et lavis 2012 sur lequel est mentionné ladresse de la résidence du L... de Haute-Savoie ; que lalinéa 3 de larticle L. 121-1 du code de laction sociale et des familles prévoit que « les prestations légales daide sociale sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours, à lexception des prestations énumérées à larticle L. 121-7 » ; que si lon considère le tableau détaillé émanant de la direction générale de laction sociale transmis aux préfets le 8 avril 2005 apportant les éléments déterminants à la compétence du département et de lEtat au regard des règles de domicile de secours et de résidence, la situation présentée sappuie sur ce tableau et déroge à la règle de larticle du code de laction sociale et des familles précité ; que le rapport de Mme D..., gérante de tutelle, indique que M. X... a été admis le 11 octobre 2011 à la résidence L... de Haute-Savoie ; que la régularisation darriérés de pensions de retraite de lintéressé a permis le règlement des frais dhébergement au moins jusquà la date de la demande daide sociale, soit le 28 mars 2012 ; que de ce fait, à la date de la demande daide sociale, il constate que M. X... na effectivement pas acquis de domicile de secours à la résidence L... de Haute-Savoie mais y a acquis une résidence stable et fixe de par la durée de lhébergement et était hébergé à titre payant dans cette structure depuis son admission ;
Vu la décision du président du conseil général de la Haute-Savoie du 24 juillet 2012 de rejet de la prise en charge des frais dhébergement de M. X... en unité de soins de longue durée à compter du 11 octobre 2011 ;
Vu, enregistré le 4 mars 2013, le mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Savoie tendant au rejet de la requête par les motifs que conformément à larticle L. 111-3 du code de laction sociale et des familles : « les personnes pour lesquelles aucun domicile fixe ne peut être déterminé ont droit aux prestations daide sociale » dont la charge incombe à lEtat, celles-ci ayant un domicile de secours non plus départemental mais national ; quen lespèce, au regard des éléments dinformations connus concernant le parcours de M. Amar X..., il apparaît clairement que ce dernier relève des dispositions de cet article concernant la prise en charge de ses frais dhébergement et dentretien en unité de soins longue durée à la résidence L... de Haute-Savoie depuis son entrée dans cet établissement le 11 octobre 2011 ; que cette structure est en effet un établissement médico-social au sens du 6o de larticle L. 312-1 du code de laction sociale et des familles ; que, dès lors, dans le respect des termes de larticle L. 122-2 dudit code qui dispose que le séjour dans les établissements sanitaires ou sociaux sont sans effet sur le domicile de secours, M. X... na pas acquis de domicile de secours en unité de soins de longue durée (USLD) ; quil convient de déterminer quelle était la situation de M. X... avant son entrée dans cet établissement ; quun courrier du 28 mars 2012, transmis avec le dossier daide sociale, rédigé par lUDAF du Rhône, indique clairement que M. X... est « sans domicile fixe », quelle ne lui connaît « aucune adresse de domicile de secours » et quil est « marginalisé depuis longtemps » ; que ce courrier fait ressortir que M. X... a vécu un parcours derrance, avant son entrée en établissement dans le département du Rhône, ponctué par un suivi régulier par le centre hospitalier psychiatrique « V... » dans le Rhône, établissement sanitaire non acquisitif de domicile de secours, conformément à larticle L. 122-2 précité ; quil est précisé que cest dans une situation durgence quil a été accueilli dans le département de la Haute-Savoie où il na pas vécu, avant son entrée en établissement, ne remplissant pas non plus la condition dacquisition dune résidence habituelle de trois mois dans un département pour pouvoir prétendre à un domicile de secours en Haute-Savoie ; quil ressort ainsi clairement que M. X... a bien un domicile de secours national relevant dune prise en charge par lEtat ; que les éléments complémentaires indiqués dans la requête introductive dinstance devant la commission centrale daide sociale par le préfet de la Haute-Savoie ne font que confirmer le fait que M. X... est sans domicile fixe au sens de larticle L. 111-3 du code de laction sociale et des familles ; quil est ainsi indiqué dans la requête que la dernière adresse connue de M. X..., avant son admission en établissement, était le foyer D..., établissement social, non acquisitif de domicile de secours, destiné aux personnes sans domicile fixe ; que cette information vient étayer le parcours derrance de M. X... ; quil convient de souligner que les dispositions relatives à la détermination du domicile de secours telles que définies par le code de laction social et des familles sont spécifiques à laide sociale et sans rapport avec la notion de domicile fiscal retenue par les services fiscaux ; quainsi le fait que la dernière adresse qui figure sur lavis dimposition de M. X... soit celle de lUSLD située dans le département de la Haute-Savoie est sans incidence sur les règles permettant de déterminer le domicile de secours ; que de même le fait que M. X... ait dabord contribué avec ses propres deniers au financement de son établissement na également aucun effet sur les règles permettant de déterminer son domicile de secours ; que la jurisprudence de la commission centrale daide sociale est constante sur ce point et indique clairement que : « le séjour même prolongé dans un établissement sanitaire et social nest pas de nature à faire acquérir aux personnes qui en sont dépourvues un domicile de secours situé dans cet établissement ; quil y a lieu dès lors, nonobstant leur séjour au sein de létablissement social, de mettre à la charge de lEtat la dépense résultant de leur admission au bénéfice de laide sociale » (CCAS 9 juin 2008, dossier 071581) ; quen conséquence le président du conseil général considère que la situation de M. X... ne relève pas des dispositions de larticle L. 122-1 du code de laction sociale et des familles, mais bien de celles fixées par larticle L. 111-3 dudit code laissant ainsi à la charge de lEtat la charge de ses frais dhébergement et dentretien à la résidence L... de Haute-Savoie ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
Après avoir entendu à laudience publique du 28 juin 2013 Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que la carence systématique et persistante à appliquer les dispositions pourtant littéralement claires de larticle R. 131-8 du code de laction sociale et des familles des différentes structures publiques et privées concourant à la présentation au juge des dossiers daide sociale dans le cadre des litiges opposant lEtat aux départements rend difficilement gérable la gestion des dossiers dimputation financière des dépenses daide sociale de la sorte ; quen lespèce, tel est à nouveau le cas ;
Considérant quil est clair que les dispositions de larticle R. 131-8 relatives à limputation financière des dépenses daide sociale sont distinctes, et en quelque mesure indépendantes, tout comme le sont celles des articles L. 122-1 sq. des dispositions relatives dans les rapports entre lassisté et les collectivités daide sociale au droit des demandeurs à laide sociale ; quil sensuit que se trouve constamment posée la question de savoir, lorsquune collectivité daide sociale ne les respecte pas mais se borne à notifier à lassisté une décision de refus de prise en charge pour absence dimputabilité financière de la dépense à ladite collectivité, sans que ne soit pour autant contesté le droit à laide sociale, si un litige subséquent dimputation financière des dépenses peut, lorsque le demandeur à la suite du refus saisit une autre collectivité daide sociale, être valablement initié devant la commission centrale daide sociale statuant dans le cadre des dispositions de larticle L. 134-3 du code de laction sociale et des familles ;
Considérant que lUDAF du Rhône, en charge de la mesure de protection de M. X..., a déposé le 28 mars 2012 auprès du président du conseil général de la Haute-Savoie (sur imprimé du département du Rhône mais peu importe) une demande daide sociale pour M. X..., tout en relevant dans cette demande que celui-ci était sans domicile fixe ; que le 24 juillet 2012, sans saisir le préfet conformément à larticle R. 131-8, le président du conseil général de la Haute-Savoie sest borné à notifier à lUDAF du Rhône une décision de rejet de la demande au motif que M. X... relevait de larticle L. 111-3 du code de laction sociale et des familles ; que lUDAF du Rhône a alors saisi le préfet du Rhône le 30 juillet 2012 ; que celui-ci lui a retourné sa demande le 20 août 2012 en lui indiquant quil lui appartenait de saisir le préfet de la Haute-Savoie ; que lUDAF du Rhône a procédé à cette saisine le 23 août 2012 ; que par requête, enregistrée le 3 octobre 2012, le préfet de la Haute-Savoie saisit la commission centrale daide sociale au titre de larticle L. 134-3 en se bornant à faire valoir que larticle L. 111-3 du code de laction sociale et des familles nest pas opposable, alors même que labsence de domicile de secours nest pas contestée, dès lors que la résidence de M. X... dans létablissement daccueil dans lequel il avait été admis le 11 octobre 2011 à titre payant avant quil ne dépose, après avoir épuisé ses fonds, la demande daide sociale précitée, avait bien duré plus de trois mois à la date de la demande daide sociale ;
Considérant que si, comme le fait valoir le président du conseil général de la Haute-Savoie, cette argumentation de fond méconnaît la jurisprudence dorénavant constante de la présente juridiction selon laquelle, dune part, la résidence dans un établissement « social et médico-social » est sans effet sur le droit à laide sociale, dès lors que le 2o de larticle L. 122-1 nest pas applicable au demandeur qui ne peut se prévaloir du 1o du même article, dautre part, que la circonstance quà lorigine ladmission dans un établissement intervienne à titre payant demeure sans incidence sur labsence dacquisition par laccueil ainsi ménagé dans cet établissement dun domicile de secours dans le département dimplantation de celui-ci ;
Considérant que, et préalablement, se posent dans lordre dexamen des questions par le juge les deux questions de savoir, dune part, sil faut opposer au préfet de la Haute-Savoie la forclusion de sa requête à raison de sa saisine du juge plus dun mois après quil ait été rendu destinataire par lintermédiaire de M. X... de la position du président du conseil général de la Haute-Savoie, qui pourtant ne lavait jamais autrement saisi dans le respect du I de larticle R. 131-8 du code de laction sociale et des familles, dautre part, en admettant quil ne faille pas le faire, sil appartient au juge de statuer néanmoins sur le fond sans tirer aucune conséquence de la carence de lautorité départementale à appliquer les dispositions dudit I ;
Considérant que le code de laction sociale et des familles institue deux catégories de dispositions qui sont différentes, distinctes et dans une certaine mesure parallèles (même si ce dernier qualificatif peut être récusé dans la mesure où rien ne paraît empêcher une collectivité daide sociale de rejeter une demande dont elle est saisie dans ses rapports avec le demandeur au motif que sa situation ne relève pas financièrement delle), les unes relatives au droit du demandeur daide quant au bénéfice de laide sociale, les autres relatives à limputation financière de la dépense ; que tant les dispositions des articles L. 122-1 sq. que celles de larticle R. 131-8 font relever ce second litige dérivé dimputation financière dune procédure et de règles distinctes ; quainsi il y a lieu dadmettre que la collectivité daide sociale saisie qui sabstient, même en notifiant au demandeur une décision de rejet pour absence dimputabilité financière, de saisir la collectivité quelle estime financièrement compétente conserve, alors même que cest bien cette collectivité quelle aurait ainsi dû saisir qui est en charge de la dépense, la charge dont il sagit faute davoir procédé à cette saisine ; quen effet procéder autrement conduirait le juge à avaliser systématiquement les scénarios infiniment variés selon lesquels tant les organismes en charge de mesures de protection que, surtout, les agents en charge des dossiers dans les services des collectivités daide sociale méconnaissent les dispositions de larticle R. 131-8 et à rétablir doffice, au motif (en règle générale et en tout cas dans la présente instance) que rien nest contesté par les parties, la situation comme si avaient été appliquées des règles qui ne lont pas été alors quil est dintérêt général que le juge prête la main à ce que les collectivités daide sociale veuillent bien appliquer ces règles et ce, non pour de simples raisons de formalisme juridique, mais parce que substantiellement les règles relatives à limputation financière de la dépense doivent demeurer distinctes de celles de ladmission à laide sociale et que le litige dimputation financière doit demeurer un litige distinct et dérivé entre collectivités daide sociale du litige principal entre le demandeur et « laide sociale » relatif aux droits du demandeur à laide sociale ;
Considérant que, comme il suit de ce qui précède, la commission centrale daide sociale entend, quant à elle, faire respecter strictement par les collectivités daide sociale les modalités de leurs saisines respectives puis de sa saisine dans le cadre et pour lapplication de larticle R. 131-8 ; quen conséquence, dune part, le moyen tiré de ce que la collectivité initialement saisie na pas respecté ces dispositions est dordre public, la carence de saisine de la collectivité estimée en charge de la dépense étant assimilable à la carence dun recours administratif préalable obligatoire, dautre part, en lespèce, il est constant que le président du conseil général de la Haute-Savoie na pas satisfait aux obligations qui lui incombaient en vertu de larticle R. 131-8, enfin, que, dans ce cadre, il ny a pas lieu, dans lordre dexamen des questions, dopposer préalablement au préfet de la Haute-Savoie, alors quaucun préfet na jamais été saisi par le président du conseil général de la Haute-Savoie, les dispositions du même article imposant au préfet ainsi saisi de saisir la commission centrale daide sociale dans le mois de la notification de cette saisine ;
Considérant ainsi, en définitive et compte tenu de lordre dexamen des questions par le juge, dune part, quil ny a pas matière en lespèce à application des dispositions de larticle R. 131-8 sanctionnant dirrecevabilité, quant au délai, la saisine de la commission centrale daide sociale plus dun mois après la réception par une collectivité daide sociale de la transmission du dossier par une collectivité saisie par le demandeur daide au motif que la demande relève de sa compétence financière, dautre part, que préalablement à lexamen sur le fond du droit de la question de savoir si la situation de M. X... relève des dispositions de larticle L. 122-1 sq. ou de celles de larticle L. 111-3, il y a lieu préalablement pour le juge de soulever labsence de toute saisine par le département de la Haute-Savoie de lEtat par une saisine assimilable à un recours administratif préalable obligatoire, dont ne saurait tenir lieu la décision de refus opposée au demandeur au motif de la compétence financière dudit Etat et en conséquence de constater que les frais daide sociale litigieux demeurent, avant tout examen sur le fond, à la charge du département de la Haute-Savoie ;
Considérant, enfin, quen admettant même que la décision de refus du 24 juillet 2012 opposée à lUDAF de la Haute-Savoie par le président du conseil général de la Haute-Savoie comportât lindication des voies et délais de recours (le verso nest pas au dossier de la CCAS), cette circonstance naurait pas pour effet de rendre sans objet, à la date de la saisine de la commission centrale daide sociale, la requête de lEtat, dès lors que laide sociale a été refusée, non en labsence de droit du demandeur à son bénéfice, mais uniquement en raison du refus dimputation financière de la dépense au département ;
Considérant quil y a lieu, dès lors, de laisser la charge des frais litigieux au département de la Haute-Savoie,
Décide
Art. 1er. - Les dépenses daide sociale exposées pour la prise en charge des frais dhébergement et à lentretien pour les personnes âgées de M. X... à la résidence L... de Haute-Savoie sont à la charge du département de la Haute-Savoie.
Art. 2. - La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociale et de la santé, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 27 avril 2012 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 16 juillet 2013.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | La rapporteure |
Pour ampliation,
La secrétaire générale
de la commission centrale daide sociale,
M.-C. Rieubernet