Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Mandataire - Ressources - Appréciation
 

Dossier no 120214

Mme X...
Séance du 12 mars 2013

Décision lue en séance publique le 12 avril 2013

    Vu le recours formé le 5 janvier 2012 par Mme Y..., mandataire judiciaire et agissant en qualité de tutrice de Mme X..., tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente en date du 22 novembre 2011 confirmant la décision du président du conseil général de la Charente du 13 décembre 2010 qui rejette la demande de renouvellement d’aide sociale pour la prise en charge des frais d’hébergement à la maison de retraite R... de Mme X..., pour la période du 1er décembre 2005 au 30 novembre 2011, alors qu’elle en bénéficiait depuis son entrée dans l’établissement le 12 février 1972, au motif que l’état de besoin n’est pas avéré ;
    La requérante soutient qu’en vertu de l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles et de la jurisprudence constante, seuls les revenus professionnels et autres ainsi que la valeur en capital des biens non productifs sont retenus, et donc, de fait, seuls les revenus tirés de ses capitaux mobiliers et ses ressources doivent être pris en compte ; que depuis deux ans, le président du conseil général de la Charente rejette toutes demandes si la personne a de l’épargne ; que le président du conseil général s’appuie sur une décision du tribunal d’instance d’Angoulême qui préconise l’utilisation du capital avant de solliciter l’obligation alimentaire ; que cela ne concerne que les demandes d’obligation alimentaire, ce qui n’est pas le cas ici ; qu’elle demande l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’hébergement de Mme X... ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense présenté par le président du conseil général de la Charente qui conclut au maintien de la décision de la commission départementale d’aide sociale du 22 novembre 2011 et de sa décision ; il soutient que le dépôt d’une demande d’aide sociale ne doit pas être automatique ; que le curateur n’a nullement l’obligation de demander l’aide sociale ; que rien n’interdit à la personne protégée, hébergée en établissement, d’utiliser son capital pour faire face à ses charges ; que l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles définit les modalités de calcul du besoin d’aide et n’exclut pas la possibilité d’utiliser le capital ; que rien n’interdit expressément d’utiliser le capital ; que l’aide sociale est subsidiaire et est un droit subjectif ; qu’il faut que le demandeur fasse la preuve de son état de besoin et les instances d’admission disposent d’un pouvoir pour apprécier ce besoin et l’absence de moyens alternatifs d’y pourvoir ; qu’il convient de se référer à la jurisprudence du juge aux affaires familiales ; que les articles L. 132-6 et L. 132-7 du code de l’action sociale et des familles font expressément référence à l’obligation alimentaire et prévoient la saisine du juge aux affaires familiales par la collectivité saisie d’une demande d’aide sociale à l’hébergement ; que le droit de l’aide sociale reconnaît la compétence du juge civil et se soumet aux règles du droit civil ; que le magistrat a jugé à plusieurs reprises que le besoin d’aide n’était pas prouvé lorsque le demandeur disposait d’un capital lors d’une demande d’obligation alimentaire ;
    Vu la loi du 20 juillet 2001 ;
    Vu le décret no 2001-1085 du 20 novembre 2001 ;
    Vu le décret du 17 décembre 1990 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code l’action sociale et des familles ;
    Vu la lettre en date du 11 avril 2012 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 12 mars 2013 Mme SOUCHARD, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 113-1 du code de l’action sociale et des familles « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d’une aide à domicile, soit d’un placement chez des particuliers ou dans un établissement », qu’à cette fin, conformément à l’article L. 132-1 du même code, « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire » ; que l’article R. 132-1 du même code dispose que « les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu tenir compte pour apprécier les ressources des personnes demandant l’aide sociale des seuls revenus périodiques, tirés notamment d’une activité professionnelle, du bénéfice d’allocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et des revenus des capitaux mobiliers et immobiliers ; qu’à défaut de placement de ces derniers, dès lors qu’il ne s’agit pas de l’immeuble servant d’usage principal d’habitation, il a prévu d’évaluer fictivement les revenus que l’investissement de ces capitaux seraient susceptibles de procurer au demandeur ; qu’en tout état de cause, il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans l’estimation de ces ressources ; que les collectivités débitrices de l’aide sociale ne sont fondées à exercer, lorsque des textes spéciaux ne font pas obstacle à l’application des dispositions générales de l’article L. 132-8, qu’un recours sur le bénéficiaire revenu à meilleure fortune, sur la succession, contre le donataire ou le légataire pour récupérer l’avance de l’aide sociale du vivant de l’assisté ;
    Considérant que Mme X... est hébergée à la maison de retraite R... depuis le 12 février 1972 ; que le président du conseil général de la Charente lui a attribué depuis son entrée dans l’établissement l’aide sociale pour la prise en charge des frais d’hébergement ; lors de la demande de renouvellement déposée par Mme Y..., tutrice de Mme X..., pour la période du 1er décembre 2005 au 30 novembre 2010, le président du conseil général de la Charente a, par décision du 13 décembre 2010, rejeté cette demande ; que la commission départementale d’aide sociale de la Charente saisie par Mme Y... a confirmé la décision du président du conseil général au motif que « l’aide sociale comme un droit subsidiaire, la prise en charge par la collectivité publique n’intervient qu’à défaut de ressources du bénéficiaire ou de droits de ce dernier à tout autre type de solidarité conformément à l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles » ; qu’un tel refus est contraire aux dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles tels qu’interprétés par la jurisprudence constante du Conseil d’Etat ; que si le président du conseil général soutient que les articles L. 132-1 et R. 132-1 « ne font pas obligation de solliciter l’aide » lorsqu’un patrimoine existe, ces articles n’interdisent en rien le dépôt d’une telle demande qui doit être examinée conformément aux dispositions précitées ;
    Considérant que si le président du conseil général fait valoir que « le juge aux affaires familiales a estimé que le principe de solidarité familiale ne doit trouver à s’exprimer au travers de l’obligation alimentaire que dès lors que les revenus et le patrimoine personnel de la personne qui y fait appel ne sont pas suffisants pour faire face à ses charges », ce moyen est inopérant dans la présente instance ; que d’ailleurs et pour faire reste de droit lorsqu’il s’agit pour les autorités judiciaires de fixer les obligations des débiteurs d’aliments, la prise en compte des ressources en capital du créancier d’aliments n’a en réalité lieu d’être que lorsque la gestion du patrimoine dudit créancier n’est pas effectuée dans des conditions telles qu’elle produise les revenus qu’il est normalement susceptible de produire ; qu’ainsi la contradiction que croit pouvoir relever le président du conseil général de la Charente en se fondant sur la seule jurisprudence du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d’Angoulême n’est en réalité, abstraction faite même de l’indépendance des législations relatives à l’aide sociale et aux devoirs d’aliments et de secours, pas avérée ;
    Considérant que Mme X... dispose de ressources à hauteur de 947,82 euros par mois comprenant une pension de retraite CDC de 661,05 euros, d’une allocation adulte handicapé d’un montant de 20,58 euros, d’une allocation logement de 212,75 euros et de revenus de ses capitaux de 53,44 euros par mois ; que Mme X... n’a pas d’obligés alimentaires ; que le tarif de l’établissement s’avère supérieur atteignant 1 383 euros par mois ;
    Considérant par ces motifs qu’il y a lieu d’annuler ensemble les décisions du président du conseil général du 13 décembre 2010 et de la commission départementale d’aide sociale de la Charente du 22 novembre 2011,

Décide

    Art. 1er.  -  Ensemble sont annulées les décisions des 13 décembre 2010 du président du conseil général de la Charente et 22 novembre 2011 de la commission départementale d’aide sociale de la Charente.
    Art. 2.  -  Mme X... est admise au bénéfice de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite R..., pour la période du 1er décembre 2005 au 30 novembre 2011, conformément aux motifs de la présente décision et Mme Y... est renvoyée devant le président du conseil général de la Charente pour liquidation de ses droits.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 12 mars 2013 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. CENTLIVRE, assesseur, Mme SOUCHARD, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 12 avril 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président La rapporteure

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer