Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Indu - Composition du foyer - Vie maritale - Compétence
 

Dossier no 110161

Mme X...
Séance du 21 décembre 2012

Décision lue en séance publique le 1er février 2013

    Vu le recours en date du 15 janvier 2011 formé par Mme X... qui demande l’annulation de la décision en date du 29 octobre 2010 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de La Réunion a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision en date du 8 décembre 2009 du président du conseil général refusant toute remise sur un indu de 15 734,40 euros, résultant d’un trop-perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion pour la période de juillet 2007 à décembre 2008, au motif d’une vie maritale avec M. Y... ;
    La requérante conteste l’indu ; elle fait valoir qu’elle est colocataire avec M. Y... d’une maison ; qu’ils disposent chacun d’un bail ; que lors du contrôle de l’organisme payeur en décembre 2008, elle a présenté tous les documents ; que l’inspecteur leur a imposé la signature d’un document dont il dicté les termes ; que toutefois dans ce document qui indique qu’elle vivait avec M. Y... depuis 2005, il n’y a ni les mots mariage, pacs ou concubinage ; elle indique que la maison dispose de deux chambres, que s’il arrive qu’elle partage des repas avec son colocataire, les frais ne le sont pas ; qu’elle est dans une situation précaire depuis la suspension de son droit au revenu minimum d’insertion ; que la commission départementale d’aide sociale n’a pas tenu compte de ses explications, et a considéré que M. Y... était solidaire de sa dette à hauteur de 5 232,36 euros ; que la composition de la commission départementale d’aide sociale était illégale au regard de la jurisprudence de commission centrale d’aide sociale ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que la requête a été communiquée au président du conseil général de La Réunion qui n’a pas produit d’observations en défense ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 21 décembre 2012, M. BENHALLA, rapporteur et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39 (...). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 262-1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262-2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, que deux contrôles de l’organisme payeur ont constaté que Mme X... vivait maritalement avec M. Y... ; que les deux intéressés étaient allocataires du revenu minimum d’insertion à titre de personnes isolées ; que par suite, la caisse d’allocations familiales a décidé de joindre les deux dossiers ; qu’il s’ensuit que l’agence d’insertion de La Réunion, par décision en date du 5 octobre 2010, a radié Mme X... du droit au revenu minimum d’insertion ; que le remboursement de la somme de 15 734,40 euros, à raison d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période de juillet 2007 décembre 2008, a été mis à sa charge ; que cet indu correspond au montant du revenu minimum d’insertion versé séparément aux deux allocataires durant la période concernée ;
    Considérant que le président du conseil général de La Réunion, par décision en date du 10 octobre 2009, a confirmé la radiation de Mme X..., et a refusé toute remise ; que saisie d’un recours, la commission départementale d’aide sociale de La Réunion, par décision en date du 29 octobre 2010, a confirmé la décision du président du conseil général et a décidé de répartir la créance entre Mme X...à hauteur de 10 502,34 euros pour la période de janvier 2007 décembre 2008, et M. Y... à hauteur de 5 232,36 euros pour la période de janvier 2007 août 2008 ;
    Considérant qu’il résulte des dispositions du code de l’action sociale et des familles, qu’il appartient aux juridictions de l’aide sociale de se prononcer non seulement sur la légalité des décisions mettant un indu à la charge d’un bénéficiaire du revenu minimum d’insertion mais aussi sur l’étendue des droits de ce dernier et notamment, à cette fin, d’apprécier le bien-fondé de l’indu mis à sa charge à la lumière des éléments qui leur sont soumis, le cas échéant après avoir ordonné toutes mesures d’instruction qu’elles jugent utiles ; que pour l’application des dispositions précitées relatives à la procédure de remise gracieuse résultant de paiement indu d’allocations de revenu minimum d’insertion, il appartient à la commission départementale d’aide sociale, en sa qualité de juridiction de plein contentieux, non seulement d’apprécier la légalité des décisions prises par le président du conseil général mais encore de se prononcer elle-même sur le bien-fondé de la demande de l’intéressée d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une ou l’autre partie à la date de sa propre décision ; qu’en l’espèce, la commission départementale d’aide sociale de La Réunion ne s’est pas interrogée sur la légalité de la procédure qu’à suivie la caisse d’allocations familiales en joignant les dossiers de deux allocataires différents et en procédant à la répétition de la totalité de la prestation servie uniquement à l’un des allocataires, alors que la charge d’un indu se porte sur l’allocataire bénéficiaire du trop perçu ; que par ailleurs, cette même commission les a déclarés solidaires sans aucun fondement juridique et a procédé à la répartition de l’indu entre deux allocataires dont un n’était pas partie à l’instance ; qu’ainsi ladite commission a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation et que celle-ci doit, par suite, être annulée ;
    Considérant qu’il a lieu d’évoquer et de statuer ;
    Considérant que pour l’application des dispositions législatives et réglementaires pertinentes relatives à l’allocation de revenu minimum d’insertion, la situation de vie de couple ne se présume pas et ne saurait être déduite du seul fait de la vie sous un même toit ; qu’en pareils cas, il appartient aux autorités compétentes de rapporter la preuve que, par delà une communauté partielle d’intérêts que justifient des liens de solidarité et d’amitié, existent des liens d’intimité tels qu’ils résultent nécessairement dans la constitution d’un foyer au sens des dispositions de l’article R. 262-1 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que Mme X... persiste à contester la vie maritale ; qu’elle affirme, sans être contredite, qu’elle a signé une attestation de vie commune avec M. Y... sur l’insistance du contrôleur ; qu’elle produit deux baux différents pour elle et M. Y... ; qu’elle verse au dossier une attestation de leur propriétaire qui certifie que M. Y... était locataire d’une autre maison et que ce n’est que depuis 2007 que les deux intéressés sont colocataires d’une même maison qui comprend deux chambres équipées chacune d’une salle de bain, l’une des chambres ayant un accès sur l’extérieur ; que les parties communes sont la cuisine, la salle à manger, un varangue et le jardin ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, que la vie maritale au sens d’une vie de couple stable et continue entre Mme X... et M. Y... n’est pas établie de manière incontestable par l’administration ; qu’ainsi, l’indu motivé sur cette circonstance n’est pas fondé ; que dès lors, il y a lieu de renvoyer Mme X... devant le président du conseil général de La Réunion pour un nouveau calcul de ses droits en tant qu’allocataire isolée ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision en date du 29 octobre 2010 de la commission départementale d’aide sociale de La Réunion, ensemble la décision en date du 8 décembre 2009 du président du conseil général, sont annulées.
    Art. 2.  -  Mme X... est intégralement déchargée de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion de 15 734,40 euros porté à son débit.
    Art. 3.  -  Mme X... est renvoyée devant le président du conseil général de La Réunion pour un nouveau calcul de ses droits.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 21 décembre 2012 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. BENHALLA, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 1er février 2013.
    La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidente Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer