Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2220 |
DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE | ||
Mots clés : Détermination de la collectivité débitrice - Prise en charge - Procédure |
Dossier no 120768
Mme X...
Séance du 15 mars 2013
Décision lue en séance publique le 26 avril 2013
Vu, enregistrée au greffe de la commission centrale daide sociale le 24 septembre 2012, la requête présentée par la préfète de Seine-et-Marne tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale imputer à la direction départementale de la cohésion sociale de lAisne en application de larticle L. 122-1 du code de laction sociale et des familles les dépenses daide sociale au titre de lhébergement en EHPAD de Mme X... par les moyens que, par courrier du 12 septembre 2012, la direction départementale de la cohésion sociale de lAisne la informée que Mme X... na a priori aucune attache dans le département de lAisne et « la DDASS » ne peut pas accorder la prise en charge ; que Mme X... na plus de domicile fixe et vit dans la rue depuis une dizaine dannées ; quune attestation délection de domicile délivrée à lintéressée le 24 avril 2009 par lassociation « A... » en Seine-et-Marne est également jointe à la demande ; que depuis le 9 mai 2012, elle est prise en charge à titre gratuit « sur le dispositif lits halte soins santé » (sic) auprès de lassociation « L... » ;
Vu les différentes correspondances des services du département de Seine-et-Marne et des directions départementales de la cohésion sociale de lAisne et de Seine-et-Marne retournant à la demanderesse ses demandes daide sociale ou se retransmettant le dossier... ! ;
Vu, enregistré le 6 novembre 2012, le mémoire en défense du préfet de lAisne tendant à limputation au département de Seine-et-Marne des frais litigieux par les motifs que « la DDCS de Melun (77000) a estimé que Mme X... ne dispose pas dun domicile de secours, il appartiendrait au département de lAisne de prendre en charge les frais de placement » ( ? !) ; que Mme X... a vécu pendant une dizaine dannées dans la rue mais que le rapport social indique quauparavant elle disposait dun logement autonome ; que par conséquent, il revient au département de Seine-et-Marne de prendre en charge le paiement des frais de placement de lintéressée ; que, par ailleurs, une carte didentité de Mme X..., jointe au dossier, montre que celle-ci a été délivrée par la préfecture de Seine-et-Marne, département de naissance de lintéressée ; que les différents éléments du dossier peuvent faire penser que Mme X... est toujours restée dans le département de Seine-et-Marne et quen conséquence les dépenses daide sociale occasionnées par le placement doivent être à la charge de celui-ci ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Après avoir entendu à laudience publique du 15 mars 2013, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que les modalités, à chaque dossier, de plus en plus éloignées de celles ressortant des diverses dispositions légales applicables par lesquelles les services dÉtat ou de départements traitent les demandes daide sociale quant à leurs incidences sur la collectivité compétente pour la prise en charge des dépenses daide sociale, conduisent le juge, pour donner solution aux litiges, à des élaborations « intellectuelles » qui ne peuvent en létat déloignement des réalités juridiques des dossiers transmis que présenter un caractère constructif et nécessairement artificiel ; que le présent dossier, parmi tant dautres, et alors surtout que le système administratif nassure pas, en fonctionnant ainsi, aux demandeurs daide un minimum de bien traitance, pour user de leuphémisme manifeste que le traitement de ces litiges est de plus en plus éloigné dun traitement « social », les collectivités défendant, quant au principe, légitimement leurs intérêts financiers mais à un niveau de précision juridique qui fait que le système, alors que, notamment, une circulaire « SEGUIN » datant de près de 17 ans avait déjà relevé les écarts des pratiques départementales par rapport aux textes et aux préoccupations sociales qui devraient les inspirer, conduit à une situation toujours et davantage quelque peu inextricable et que le juge ne peut que marginalement pallier ;
Considérant que Mme X... a présenté une demande daide sociale à lhébergement des personnes âgées au président du conseil général de Seine-et-Marne par lintermédiaire dune assistance sociale de lassociation « A... » ; que, par lettre du 6 juillet 2012, le président du conseil général, au lieu de transmettre le dossier au représentant de lÉtat conformément à larticle R. 131-8, a retourné ledit dossier à la demanderesse au motif quelle ne disposait pas de domicile de secours dans ce département et quil lui appartenait de saisir le préfet de Seine-et-Marne ; que lintéressée a alors saisi ledit préfet qui à son tour la par bordereau « priée de trouver en retour le dossier. En effet, sagissant dune prise en charge État, cest la DDCS du département du lieu dimplantation de létablissement qui est compétente pour instruire la demande et assurer le paiement des frais. Le dossier doit donc être adressé dans lAisne. » ; que le travailleur social nétant pas au courant des arcanes légales de détermination de la compétence financière, a adressé le dossier au préfet de lAisne ; que ledit préfet a, alors, retourné « lenvoi du 28 août 2012 » que lui avait fait le préfet de Seine-et-Marne (cette correspondance ne parait pas figurer au dossier mais a dû être effectuée parallèlement, du moins on limagine, au bordereau adressé à la demanderesse) ; que, par la requête du 20 septembre 2012 enregistrée le 24 septembre 2012, le préfet de Seine-et-Marne demande à la commission centrale daide sociale « en application de larticle L. 122-1 du code de laction sociale et des familles » (dont les dispositions concernent la compétence des départements et non celle de lÉtat ou de ses services... !) de mettre la charge de la dépense « à la direction départementale de la cohésion sociale de lAisne » (dans cet embrouillamini il ne conteste donc pas la compétence dimputation financière de lÉtat) ;
Considérant que, par son mémoire enregistré le 6 novembre 2012, le préfet de lAisne indique que « pour rappel (...) la DDCS de Melun estimant que (Mme X...) ne dispose pas dun domicile de secours, il appartiendrait au département de Seine-et-Marne » (souligné par la commission centrale daide sociale), apparemment le préfet de lAisne tout comme son collègue de Seine-et-Marne assimile un département et une DDCS), de prendre en charge les frais de placement ; quil poursuit que Mme X... « a vécu pendant une dizaine dannées dans la rue, toutefois (...) auparavant (elle) disposait dun logement autonome. Par conséquence, il revient au département de Seine-et-Marne de prendre en charge le paiement des frais liés au placement de lintéressée. Par ailleurs, une photocopie de la carte didentité (...) montre que celle-ci a été délivrée le 17 février 2012 par la préfecture de Seine-et-Marne, département de naissance de lintéressée. », quil en conclut que « Les différents éléments du dossier peuvent faire penser que Mme X... est toujours restée dans le département de Seine-et-Marne, en conséquence les dépenses daide sociale occasionnées par le placement doivent être à la charge de celui-ci. » ; quil appartient à la présente juridiction dinterpréter de telles écritures qui paraissent faire la même confusion que celle du requérant entre départements et directions des services départementaux de lÉtat disposant dun budget « départemental » puisque le préfet de lAisne comprend que le préfet de Seine-et-Marne, qui a demandé la condamnation de la direction départementale de la cohésion sociale de lAisne, met en cause le « département de lAisne » ; que la présente juridiction, laissant au juge de cassation le soin dapprécier si elle a dénaturé les écritures des parties, ne croit pas pouvoir dans ces conditions (peut être laurait elle dû, mais devant de tels échanges de mémoires, elle ne sait plus trop que faire...) considérer que le préfet de lAisne conclut à la compétence dimputation financière non du département de Seine-et-Marne mais du préfet de Seine-et-Marne, sur le budget de la DDCS de Seine-et-Marne ;
Considérant quainsi il ny aura pas lieu, compte tenu de cette interprétation, de communiquer le mémoire en défense au président du conseil général de Seine-et-Marne ;
Considérant, dans ces conditions, que la compétence dimputation financière de lÉtat nest pas contestée ;
Considérant quaux termes de larticle L. 134-3 du code de laction sociale et des familles : « Les recours formés contre les décisions prises en vertu de larticle L. 111-3 (...) relèvent en premier et dernier ressort de la compétence de la commission centrale daide sociale » ; que larticle L. 111-3 dispose que les personnes quil concerne « ont droit aux prestations daide sociale dans les conditions prévues pour chacune delle par le présent code » ; que larticle L. 121-1 dispose que : « Les prestations légales daide sociale sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours à lexception des prestations énumérées à larticle L. 121-7 » ; que selon ce dernier article : « sont à la charge de lÉtat au titre de laide sociale 1o les dépenses daide sociale engagées en faveur des personnes mentionnées aux articles L. 111-3 (...) » ;
Considérant quil résulte de ces dispositions que la commission centrale daide sociale statuant en premier et dernier ressort nest compétente que pour connaître des litiges sélevant entre lÉtat et un département quant à limputation de la dépense daide sociale à lune ou lautre des collectivités ; quelle nest pas et ne saurait dailleurs être compétente pour désigner, dans le cadre de lÉtat, le budget « compétent » pour assumer la charge des frais incombant à cette personne morale ; quil appartient aux préfets concernés de régler selon les modalités prévues par le droit budgétaire les litiges qui pourraient sélever entre leurs services sous lautorité du ministre mais quil nappartient pas à la commission centrale daide sociale de le faire ;
Considérant quainsi, quil a été ci-dessus interprété, il doit être considéré que la compétence dimputation financière de lÉtat nest pas contestée, notamment pas les termes, dans la formulation ambigüe dans laquelle ils sont rédigés, du mémoire en défense du préfet de lAisne, et quainsi, dune part, la commission centrale daide sociale, statuant dans le cadre de larticle L. 134-3, est incompétente pour connaître du litige soulevé par la requête, dautre part, il y a lieu de constater que les frais incombent à lÉtat et que la demande lui ayant été, pour la première fois, présentée dans le département de Seine-et-Marne, il appartient au préfet de Seine-et-Marne de statuer sur les droits de lassistée en instruisant le dossier daide sociale, qui lui a été présenté après que le président du conseil général de Seine-et-Marne lait retransmis à la demanderesse daide sociale, à charge pour lui de régler au besoin sous larbitrage du ministre un conflit de compétence budgétaire avec son homologue de lAisne ;
Considérant sans doute que la présente solution a linconvénient dexonérer le président du conseil général de Seine-et-Marne de son non-respect des dispositions de larticle R. 131-8 selon lesquelles : « I. - Lorsquun président de conseil général est saisi dune demande dadmission à laide sociale, dont la charge financière au sens du 1o de larticle L. 121-7 lui parait incomber à lÉtat, il transmet le dossier au préfet au plus tard dans le mois de la réception de la demande. Si ce dernier nadmet pas la compétence de lÉtat, il transmet le dossier au plus tard dans le mois de sa saisine à la commission centrale daide sociale, qui statue dans les conditions de larticle L. 134-3. », mais quen définitive, sauf à fixer une règle prétorienne selon laquelle la collectivité première saisie, qui ne fait pas usage des dispositions de larticle R. 131-8 dans le délai dun mois de sa saisine (alors quun délai dordre administratif nest à la différence dun délai dordre contentieux en principe pas imparti à peine de nullité), se trouve définitivement en charge de la dépense (ce à quoi elle se résoudra dans le cas où, à lissue dune procédure non respectueuse des textes, la collectivité première saisie en cause devant elle contesterait sur le fond sa compétence mais qui napparait pas indispensable dans le mesure où en létat le dossier donne lieu à une compétence de lÉtat) considérée dans les conditions ci-dessus rappelées de son interprétation comme non contestée par commission centrale daide sociale) il y a lieu seulement de considérer quil appartient au représentant de lÉtat « premier saisi » dinstruire dorénavant le dossier qui lui avait été retourné par son collègue de lAisne « second saisi » et davancer à tout le moins la charge des frais dans lattente dun règlement dun éventuel litige budgétaire entre lesdits préfets de Seine-et-Marne et de lAisne qui ne relève pas de larbitrage de la commission centrale daide sociale ;
Considérant quil y a lieu seulement de souhaiter que Mme X..., qui, devant les dénis successifs de compétence qui lui ont été opposés par les différentes autorités daide sociale, se trouvait le 6 juin 2012 accueillie depuis le 9 mai 2012 à titre normalement provisoire et précaire dans une structure dite « Lits Halte Soins Santé » na pas été amenée, depuis lors, à retourner à la rue doù elle venait lorsquelle a souhaité être accueillie en EHPAD ;
Décide
Art. 1er. - Les conclusions de la requête susvisée du préfet de Seine-et-Marne et les conclusions regardées comme dirigées contre le préfet de Seine-et-Marne du préfet de lAisne sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Art. 2. - Limputation financière des frais daide sociale exposés pour le placement de Mme X... est à lÉtat, dans le département de Seine-et-Marne où elle a, pour la première fois, déposé une demande auprès des services de lÉtat.
Art. 3. - La présente décision sera notifiée par les soins du secrétariat de la commission centrale daide sociale au préfet de Seine-et-Marne, au préfet de lAisne et, pour information, au président du conseil général de Seine-et-Marne et à Mme M..., assistance sociale de lassociation « L... » en charge du suivi du dossier de Mme X...
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 15 mars 2013 où siégeaient M. LEVY, Président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 26 avril 2013.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | La rapporteure |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer