Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
3420 |
AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH) | ||
Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Hébergement - Ressources - Revenus des capitaux |
Dossier no 120149
Mme X...
Séance du 22 novembre 2012
Décision lue en séance publique le 30 novembre 2012
Vu, enregistrée au greffe de la commission centrale daide sociale le 15 février 2012, la requête présentée par lUnion départementale des associations familiales (UDAF) de la Charente, pour sa protégée Mme X..., tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision de la commission départementale daide sociale de la Charente en date du 19 décembre 2011 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général de la Charente du 16 février 2011 rejetant la demande de prise en charge de ses frais dhébergement à la maison de retraite R... par les moyens que dans sa décision du 16 févier 2011 et au regard du patrimoine et des ressources de Mme X..., le conseil général de la Charente a refusé de lui attribuer laide sociale au motif que létat de besoin nétait pas constitué et quelle est en mesure de régler les frais de son hébergement en maison de retraite, dépense prenant en compte pour motiver sa décision lintégralité du patrimoine financier de Mme X... et non les revenus de ses capitaux ; que cest à ce titre quils ont interjeté appel de cette décision en sappuyant sur larticle L. 132-1 du code de laction sociale et des familles et la jurisprudence constante par lesquels il y a lieu de prendre en compte, pour lappréciation des ressources de Mme X..., les revenus du capital placé et non le capital lui-même ; que par décision du 19 décembre 2011, la commission départementale daide sociale rejette le recours et confirme la décision du conseil général du 16 février 2011 aux motifs que létat de besoin nest pas avéré et que laide sociale est un droit subsidiaire ; que les ressources de Mme X... nont pas évolué depuis son entrée en maison de retraite le 18 février 2000 ; quelle perçoit une retraite CARSAT de 657,96 euros et une allocation logement de 230,14 euros ; que les intérêts de ses capitaux lui rapportent la somme mensuelle de 108,47 euros ; que le coût mensuel de son hébergement est de 1 488,62 euros ; que son budget mensuel est déficitaire de 755,95 euros ; que cest à ce titre quils font valoir son droit à laide sociale ; que, par ailleurs, laide sociale nintervient, à titre subsidiaire, que lorsque les moyens de la solidarité familiale et de la protection sociale ont été mis en uvre ; quelle nintervient que lorsque le demandeur nest pas satisfait en tout ou partie par ses obligés alimentaires ; que Mme X..., ayant un taux dincapacité de 80 % reconnu par la MDPH, bénéficie du statut handicapé, ses obligés alimentaires ne sont donc pas sollicités ; quils contestent la décision de la commission départementale daide sociale de la Charente du 19 décembre 2011, demandent lapplication de larticle L. 132-1 du code de laction sociale et des familles et demandent la prise en charge des frais dhébergement à compter du 1er mars 2011 ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré le 20 septembre 2012, le mémoire en défense du président du conseil général de la Charente tendant au rejet de la requête par les motifs quil appartient au représentant légal de lassistée de sinterroger sur les moyens de financement des frais dhébergement et avant de solliciter laide sociale il devrait comme le ferait un « bon père de famille » envisager la possibilité pour son protégé de financer seul ses charges ; que dailleurs telle est la position du juge des tutelles, comme celle du juge aux affaires familiales ; que les textes ninterdisent pas dutiliser le patrimoine pour financer les charges, ce qui serait contraire à la liberté de chacun de déterminer lui-même « du » sort de ses biens ; que laide sociale est subsidiaire et subordonnée à la preuve de létat de besoin ; que seul le juge aux affaires familiales est compétent pour définir le besoin daide ; que par les articles L. 132-6 et L. 132-7 du code de laction sociale et des familles le droit de laide sociale reconnait la compétence du juge civil ; que le juge aux affaires familiales juge que le besoin daide nest pas prouvé en cas de disposition dun capital permettant de faire face aux charges ; que rien ninterdirait au représentant légal ou à la maison de retraite, si elle nétait pas payée de demander à la fille de Mme X... en application de larticle 205 du code civil de venir en aide à sa mère, ce à quoi elle pourrait sopposer en invoquant lexistence du patrimoine et quainsi, dans un souci dégalité, il convient que le besoin daide soit apprécié de la même façon que le demandeur daide sociale ait ou non des obligés alimentaires dautant que les demandes daide sociale présentées par certains tuteurs de manière quasi systématiques crées une inégalité flagrante entre leurs protégés et toutes autres personnes sous tutelle dun organisme qui ny recourt pas ;
Vu, enregistré le 12 octobre 2012, le mémoire en réplique de lUDAF de la Charente persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens quil lui appartient de faire valoir les droits et intérêts de la personne sous mesure de protection et que le conseil général na pas à apprécier la légitimité du dépôt de laide sociale par le mandataire judiciaire mais si, au regard des ressources du demandeur, laide peut être attribuée ; quil ne lui appartient pas davantage de juger de la bonne ou mauvaise gestion du patrimoine par le tuteur, ce qui relève du seul juge des tutelles ; que létat de besoin est constitué si les revenus ne sont pas suffisants pour couvrir les charges et si lintéressé ne tire pas de son capital les revenus suffisants à la condition quil le gère utilement ; quen lespèce, une autre gestion du capital de Mme X... ne serait pas susceptible de lui procurer des revenus supérieurs tels que la demande daide sociale serait alors infondée ; que la jurisprudence est constante dans le sens de lexclusion des ressources en capital pour lappréciation de larticle L. 132-1 et quen contrepartie larticle L. 132-8 prévoit la possibilité pour la collectivité de récupération ; que le conseil général navance aucun principe de droit, ni fondement juridique à sa position ; quil est étonnant quil revienne sur ses précédentes décisions doctroi de laide puisque la situation financière de Mme X... na pas évolué ; que laide sociale a été attribuée constamment sans participation de la débitrice daliments de Mme X... ; quil appartenait au conseil général de saisir le juge aux affaires familiales pour fixer lobligation alimentaire de celle-ci et quil ne lui a pas reproché de navoir pas procéder quant à elle à cette saisine pendant plus de 10 ans ; que Mme X... bénéficiait du statut de personne handicapée et quainsi larticle L. 344-5 exclut toute participation des obligés alimentaires et quelle na pas ainsi à saisir le juge aux affaires familiales ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles, notamment les articles L. 134-2 et L. 134-6 ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012-250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Après avoir entendu à laudience publique du 22 novembre 2012, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que Mme X... réside à la maison de retraite R... depuis le 18 février 2000 ; que par décision du 14 décembre 2000, le président du conseil général de la Charente a admis Mme X... à laide sociale à lhébergement pour la prise en charge de ses frais à la maison de retraite « R... » du 1er mars 2000 au 23 novembre 2002 ; que par décision du 4 juin 2003, il admettait, à nouveau, Mme X... à laide sociale pour ses frais dhébergement à la même maison de retraite du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2007 ; que par une nouvelle décision du 9 août 2008, le président du conseil général de la Charente renouvelait cette admission du 1er mars 2007 au 28 février 2009 ; que par décision du 13 janvier 2009, il accédait à la demande daide sociale à lhébergement en maison de retraite de Mme X... du 1er mars 2009 au 28 février 2011 ; que par sa décision du 16 février 2011, le président du conseil général de la Charente refusait le renouvellement de cette demande dadmission aux motifs quau regard de ses possibilités financières, létat de besoin nétait pas constitué ; que par décision du 19 décembre 2011, la commission départementale daide sociale de la Charente confirmait la décision du président du conseil général ; quun tel refus est contraire aux articles L. 132-3 et R. 132-1 du code de laction sociale et des familles comme à la jurisprudence constante du Conseil dEtat ;
Considérant quaux termes de larticle L. 113-1 du code de laction sociale et des familles : « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit dune aide à domicile, soit dun placement chez des particuliers ou dans un établissement. » ; quà cette fin, conformément à larticle L. 132-1 du même code « Il est tenu compte, pour lappréciation des ressources des postulants à laide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. » ; que larticle R. 132-1 du même code dispose que : « les biens non productifs de revenus, à lexception de ceux constituant lhabitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative sil sagit dimmeubles bâtis, à 80 % de cette valeur sil sagit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. » ;
Considérant quil résulte de ces dispositions, à lapplication desquelles ne saurait faire échec le principe de subsidiarité de laide sociale invoqué par ladministration qui ne trouve à sappliquer que pour autant que les dispositions législatives applicables et les dispositions réglementaires légalement prises pour leur application ny font pas obstacle, que le législateur a entendu tenir compte pour apprécier les ressources des personnes demandant laide sociale des seuls revenus périodiques, tirés notamment dune activité professionnelle, du bénéfice dallocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et du placement des capitaux mobiliers et immobiliers ; quà défaut de placement de ces derniers, dès lors quil ne sagit pas de limmeuble servant dhabitation principale, il a prévu dévaluer fictivement les revenus que linvestissement de ces capitaux serait susceptible de procurer au demandeur ; quen tout état de cause, il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans lestimation de ces ressources ; quen application de larticle L. 132-8 du même code, les collectivités débitrices de laide sociale ne sont fondées, hors les exceptions prévues par la loi, à exercer, au moment du décès du bénéficiaire de laide sociale, quun recours sur la succession, contre le donataire ou le légataire pour récupérer lavance de laide sociale du vivant de lassisté ;
Considérant quau regard de ce qui précède les moyens du défendeur sont inopérants ou non fondés ; quen effet, premièrement, il appartient au tuteur de solliciter laide sociale nonobstant la disposition dun capital par son protégé si les conditions doctroi de cette aide sont remplies ; que, deuxièmement, les décisions du juge des tutelles et du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance dAngoulême relatives à lutilisation du patrimoine de la personne sous tutelle ou aux obligations alimentaires des débiteurs daliments vis-à-vis de leurs créanciers sont inopposables à la requérante et au juge de laide sociale dans la présente instance concernant Mme X... et la détermination des ressources personnelles de celle-ci ; que, troisièmement, est inopérante la circonstance envisagée par le défendeur selon laquelle létablissement dhébergement ou Mme X... elle-même seraient susceptibles de rechercher sa fille qui est son unique obligée alimentaire pour subvenir aux frais dhébergement et dentretien non acquittés par Mme X... ; que, quatrièmement, cest par une inexacte interprétation des dispositions combinées des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de laction sociale et des familles que contrairement à celle qui en a été faite ci-dessus le président du conseil général soutient que ces dispositions permettraient de prendre en compte au nombre des ressources du demandeur daide sociale les ressources en capital (cf. pour explicitation décision no 120148 de ce jour) ; que, cinquièmement, comme il a été également explicité ci-dessus, le principe de subsidiarité de laide sociale ne trouve à sexercer que lorsque les dispositions législatives applicables et les dispositions réglementaires légalement prises pour leur application ny font pas obstacle ; quenfin, le défendeur ne saurait utilement voir raisonnablement invoquer une prétendue méconnaissance du principe dégalité par lorganisme de protection de Mme X... au motif - en fait - quil dépose une demande daide sociale quil est légalement fondé voire tenu de déposer alors que certains de ses collègues en charge de mesures de protection dautres personnes estimeraient ne pas devoir le faire ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que le président du conseil général et la commission départementale daide sociale nétaient pas fondés, en lespèce, à refuser le bénéfice de laide sociale à Mme X... en vue de couvrir ses frais dhébergement et dentretien à la maison de retraite « R... » depuis le 1er mars 2011 au motif que lintéressée dispose dun capital ;
Considérant que Mme X... perçoit une retraite CARSAT de 657,96 euros et une allocation logement de 230,14 euros ; quà ses ressources, sajoute une somme mensuelle de 108,47 euros dintérêts de ses capitaux ; que le coût mensuel de son hébergement est de 1 488,62 euros ;
Considérant, par ces motifs, quil y a lieu de faire droit à la requête de lUDAF de la Charente en annulant ensemble les décisions de la commission départementale daide sociale de la Charente en date du 19 décembre 2011 et du président du conseil général de la Charente en date du 16 février 2011 ;
Considérant que lassociation requérante sollicite la condamnation du département aux dépens constitués par lacquit du droit de timbre,
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale de la Charente en date du 19 décembre 2011, ensemble la décision du président du conseil général de la Charente du 16 février 2011 sont annulées.
Art. 2. - Mme X... est admise au bénéfice de laide sociale pour ses frais dhébergement à la maison de retraite « R... » à compter du 1er mars 2011 et lUDAF de la Charente est renvoyée devant le président du conseil général de la Charente afin que soient fixées la participation de Mme X... et celle de laide sociale à ses frais dhébergement et dentretien dans cet établissement conformément aux motifs de la présente décision.
Art. 3. - Les dépens constitués par lacquit du droit de timbre de 35 euros est à charge du département de la Charente.
Art. 4. - La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 22 novembre 2012 où siégeaient M. LEVY, président, Mme THOMAS, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 30 novembre 2012.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | La rapporteure |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer