Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2320 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Succession - Personnes handicapées |
Dossier no 101198
Mme X...
Séance du 13 juin 2012
Décision lue en séance publique le 25 juin 2012
Vu le recours, enregistré le 22 février 2010, présenté par M. Y... contre la décision du 17 décembre 2009 par laquelle la commission départementale daide sociale de Seine-et-Marne a rejeté son recours contre la décision du 9 mars 2009 du président du conseil général de Seine-et-Marne prononçant la récupération de lactif net successoral de Mme X..., évalué à 50 000 euros, laquelle a bénéficié de laide sociale pour la prise en charge de ses frais dhébergement à la maison de retraite du 1er mars 2001 au 24 février 2009, date de son décès ;
Le requérant soutient que lattestation de créance départementale ne lui a jamais été transmise directement, mais a été envoyée à son notaire ; que son notaire ne la pas informé de ses contacts avec les services du département ; que le seuil de 46 000 euros prévu par les dispositions combinées de larticle L. 132-8 et R. 132-12 du code de laction sociale et des familles doit sappliquer en lespèce, larticle L. 132-8 du code ne précisant pas sil concerne le forfait journalier des frais dhospitalisation ou les frais journaliers de séjour en maison de retraite ; que si lapplication de ce seuil concernait seulement une certaine catégorie daide sociale, il établirait manifestement une discrimination ; que la récupération de la créance départementale impliquerait la vente du pavillon qui constitue son domicile ; que la composition de la commission départementale daide sociale de Seine-et-Marne était contraire aux principes dindépendance et dimpartialité, la représentante de la DDASS étant à la fois juge et partie ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2010, présenté par le président du conseil général de Seine-et-Marne, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le requérant a été informé par les services du conseil général des conséquences de ladmission de sa mère à laide sociale lors de la notification dadmission, dune part, et lors dun entretien en date du 23 septembre 2009 avec les agents de la direction des personnes âgées et des adultes handicapés ; que le requérant a procédé à la vente dun terrain situé en Meurthe-et-Moselle pour un montant de 30 828,23 euros entre le 25 mars et le 24 septembre 2008, soit après le renouvellement de laide sociale ; quil refuse dinformer le conseil général de la destination du produit de cette vente ; que le produit de cette vente aurait dû venir en atténuation de la créance départementale ; quen changeant de notaire et en multipliant les recours, le requérant espère faire jouer le délai de prescription de récupération de la créance départementale ;
Vu les mémoires en réplique, enregistrés le 8 février et le 18 octobre 2011, présentés par M. X..., qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre le bien immobilier en cause, évalué à tort par le conseil général à 50 000 euros, a été évalué par une agence immobilière à 40 000 euros ; que la lettre du 23 juillet 2009 de Maître Godard, adressée au conseil général de Seine-et-Marne, lui prête de fausses intentions ; que larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles ne prévoit plus la distinction opérée par lancien article 146 du même code entre laide médicale à domicile et laide sociale à lhébergement ;
Vu le jugement avant dire droit du 13 juin 2012, par lequel la commission centrale daide sociale a enjoint à M. Y... de produire tout document de nature à établir que le statut de personne handicapée avait été reconnu à sa mère, Mme X... ;
Vu le nouveau mémoire en date du 13 janvier 2012, par lequel M. Y... produit la carte dinvalidité au taux de 90 % de sa mère, Mme X..., pour la période du 13 mai 1980 au 12 mai 1985 ;
Vu le nouveau mémoire en défense en date du 26 janvier 2012, présenté par le président du conseil général de Seine-et-Marne, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ; il soutient en outre que ce sont les conditions dadmission et de récupération relatives aux personnes âgées qui sappliquent à Mme X..., et non celles relatives aux personnes handicapées, en labsence de demande effectuée par lintéressée tendant à lobtention de lallocation compensatrice ;
Vu le nouveau mémoire en date du 12 février 2012, présenté par M. Y..., qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu la décision no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 13 juin 2012 M. David GAUDILLERE, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que les deuxième et troisième alinéas de larticle L. 134-6 du code de laction sociale et des familles prévoient que siègent dans les commissions départementales daide sociale trois conseillers généraux élus par le conseil général et trois fonctionnaires de lEtat en activité ou à la retraite ; que, par sa décision no 2010-110 QPC du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la constitution, au motif quelles portaient atteinte aux principes dimpartialité et dindépendance des juridictions, garantis par larticle 16 de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789 ; que le Conseil constitutionnel a prévu que les décisions rendues antérieurement à sa décision par ces commissions ne pourraient être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité que si une partie la invoquée à lencontre dune décision nayant pas acquis un caractère définitif au jour de la publication de sa décision no 2010-110 QPC ;
Considérant que le requérant soutient que la composition de la commission départementale daide sociale de Seine-et-Marne a méconnu les principes dimpartialité et dindépendance des juridictions ; que la décision attaquée de la commission départementale daide sociale de Seine-et-Marne, en date du 17 décembre 2009, navait pas acquis un caractère définitif le 25 mars 2011, jour de la publication de sa décision no 2010-110 QPC ; que, par suite et sans quil soit besoin dexaminer les autres moyens de la requête, la décision de la commission départementale daide sociale de Seine-et-Marne en date du 17 décembre 2009 doit être annulée ;
Considérant quil y a eu lieu dévoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Y... devant la commission départementale daide sociale de Seine-et-Marne ;
Considérant, dune part, quaux termes du 1o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par lEtat ou le département (...) contre la succession du bénéficiaire (...) / En ce qui concerne les prestations daide sociale à domicile, de soins de ville prévus à larticle L. 111-2 et la prise en charge du forfait journalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, lexistence dun seuil de dépenses supportées par laide sociale, en deçà duquel il nest pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. / Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de laide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier sexerce sur la partie de lactif net successoral, défini selon les règles du droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ; quaux termes de larticle R. 132-12 du même code : « Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire, prévu à larticle L. 132-8, des sommes versées au titre de laide sociale à domicile, de laide médicale à domicile, de la prestation spécifique dépendance ou de la prise en charge du forfait journalier prévu à larticle L. 174-4 du code de la sécurité sociale sexerce sur la partie de lactif net successoral qui excède 46 000 euros. Seules les dépenses supérieures à 760 euros, et pour la part excédant ce montant, peuvent donner lieu à recouvrement » ;
Considérant, dautre part, quaux termes de larticle L. 344-5 du code de laction sociale et des familles : « Les frais dhébergement et dentretien des personnes handicapées (...) sont à la charge : / 1o - A titre principal, de lintéressé lui-même (...) ; / 2o - Et, pour le surplus éventuel, de laide sociale sans quil soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à lobligation alimentaire à légard de lintéressé, et sans quil y ait lieu à lapplication des dispositions relatives au recours en récupération des prestations daide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé ni sur le légataire (...) » ;
Considérant quil résulte de linstruction que Mme X..., née le 13 septembre 1928, a bénéficié, au titre de laide sociale aux personnes âgées, de la prise en charge de ses frais dhébergement à la maison de retraite du 1er mars 2001 au 24 février 2009, date de son décès ; que les avances consenties par le département de Seine-et-Marne au titre de cette prestation se sont élevées à 155 815,03 euros ; que lactif net successoral de Mme X... est composé essentiellement dun bien immobilier, dont la valeur est estimée à un montant situé entre 40 000 euros et 50 000 euros ; que, par décision du 9 mars 2009, le président du conseil général de Seine-et-Marne a prononcé la récupération de la créance départementale daide sociale à hauteur de lactif net successoral ;
Considérant que, lors de laudience du 2 novembre 2011, le requérant a fait état devant la commission centrale daide sociale de ce quil devrait bénéficier, en raison du statut de personne handicapée qui avait été reconnu à sa mère, du principe de non-récupération sur la succession de personne handicapée, prévu par les dispositions de larticle L. 344-5 du code de laction sociale et des familles ; que, par un jugement avant dire droit du 23 novembre 2011, la commission centrale daide sociale a enjoint à M. Y... de produire tout document de nature à établir que le statut de personne handicapée avait été reconnu à sa mère, Mme X... ; quà la suite de ce jugement, M. Y... a produit la carte dinvalidité au taux de 90 % de sa mère pour la période du 13 mai 1980 au 12 mai 1985 ; que ce document permet de regarder Mme X... comme une personne handicapée au sens des dispositions de larticle L. 344-5 du code de laction sociale et des familles ; que, par suite, le président du conseil général de Seine-et-Marne ne pouvait, sans commettre derreur de droit au regard de ces dispositions, prononcer la récupération de la créance département sur la succession de lintéressée ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède, et sans quil soit besoin dexaminer les autres moyens du recours, que M. X... est fondé à demander lannulation de la décision du 9 mars 2009 par laquelle le président du conseil général de Seine-et-Marne a prononcé la récupération sur succession, à hauteur de lactif net successoral, de la créance daide sociale versée à Mme X... pour la prise en charge de ses frais dhébergement à la maison de retraite du 1er mars 2001 au 24 février 2009,
Décide
Art. 1er. - La décision du 17 décembre 2009 de la commission départementale daide sociale de Seine-et-Marne et la décision du 9 mars 2009 du président du conseil général de Seine-et-Marne sont annulées.
Art. 2. - La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 13 juin 2012 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, M. GAUDILLERE, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 25 juin 2012.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer