Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2400 |
OBLIGATION ALIMENTAIRE | ||
Mots clés : Obligation alimentaire - Personnes âgées |
Dossier no 110032
M. X...
Séance du 14 mars 2012
Décision lue en séance publique le 19 mars 2012
Vu les recours, formés le 18 octobre 2010 par M. Y... et le 1er décembre 2010 par Mme Z..., tendant à lannulation de la décision du 30 septembre 2010 par laquelle la commission départementale daide sociale des Ardennes a rejeté son recours tendant à lannulation de la décision du 11 janvier 2010 par laquelle le président du conseil général des Ardennes a rejeté la demande dadmission au titre de laide sociale de M. X... pour la prise en charge de ses frais dhébergement ;
M. Y... soutient que ses revenus dauto-entrepreneur et dallocataire du revenu de solidarité active (RSA) activité sont faibles et quil est locataire, ce qui ne lui permet pas de participer aux frais dhébergement de sa mère ; quil a été exonéré par un jugement du juge judiciaire pour impécuniosité des dettes de sa mère ;
Mme Z... soutient que contrairement à ce qui est affirmé dans les motifs de la décision de la commission départementale daide sociale des Ardennes du 30 septembre 2010, les renseignements sur les possibilités contributives de lensemble des obligés alimentaires ont été fournis, dès lors quelle a indiqué que cinq des six obligés alimentaires de M. X... ne sont pas imposables sur le revenu et nont pas les ressources pour couvrir le différentiel de 531,41 euros restant à payer pour les frais dhébergement de M. X... ; quen dépit de la circonstance quelle soit la seule obligée alimentaire solvable, elle ne peut assumer seule, compte tenu de ses ressources et de ses charges incompressibles, la participation aux frais dhébergement de sa mère ; que les intérêts de son père sont mal gérés par sa tutelle ; quelle propose de fixer sa contribution à 1/6e de la somme restant à couvrir pour lhébergement de sa mère ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, en date du 20 juin 2011, présenté par le président du conseil général des Ardennes, qui conclut au rejet du recours ; il soutient quil appartient à M. Y... de saisir le juge aux affaires familiales ; que Mme E..., épouse du postulant à laide sociale M. X..., a refusé de fournir les renseignements nécessaires à linstruction ; que les éléments contenus dans le jugement produit par Mme Z..., qui est relatif à la demande de pension alimentaire de Mme E..., ne sont pas de nature à permettre une révision de la décision daide sociale à lhébergement du 11 janvier 2010 ;
Vu les mémoires en réplique, en date des 1er et 23 août 2011, présentés par M. X..., qui reprend les conclusions de son recours et les mêmes moyens ; il soutient en outre que quil serait injuste que Mme Z..., sa sur, supporte seule la charge du placement en établissement de son père ; quil est à lorigine du placement en établissement de son père, lequel était en danger de mort ; que son revenu pour lannée 2010 sest élevé à 4 115 euros, ce qui ne lui permet pas de verser une contribution à lhébergement de son père ; quil souhaite saisir le juge aux affaires familiales pour être déchargé de son obligation alimentaire ;
Vu les mémoires en réplique, en date du 29 août et du 3 octobre 2011, présentés par Mme Z... qui reprend les conclusions de son recours et les mêmes moyens ; elle propose, compte tenu de ses ressources et de ses charges incompressibles et de ce que les autres obligés alimentaires de M. X... ne sont pas solvables, de payer 1/5e de la somme restant à couvrir pour lhébergement de son père, soit 129,57 euros par mois ; que son père devrait bénéficier de laide sociale à lhébergement dans le cadre des affections de longue durée ; que la somme mensuelle restant à couvrir, qui sélevait à 531,41 euros en 2010 sélève désormais en 2011 à 739,51 euros ; que les possibilités contributives des cinq obligés alimentaires de M. Y... ont été détaillées par la production de la copie du jugement no 584/2010 rendu le 9 mars 2010 par le juge aux affaires familiales de Reims ; que lADESA des Ardennes, représentée par Mme R..., tutelle de M. X..., na pas déposé auprès de la commission de surendettement de demande dannulation de la dette concernant son père, M. X..., endetté par des remboursements de prêts, comme le lui avait suggéré la commission départementale daide sociale des Ardennes lors de la séance du 30 septembre 2010 ;
Vu le nouveau mémoire en défense, en date du 28 octobre 2011, présenté par le président du conseil général des Ardennes, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ; il soutient en outre que la régulation de la gestion par le mandataire judiciaire ne relève pas de sa compétence mais de celle du juge des tutelles et du représentant de lEtat dans le département ; que la circonstance que M. X... soit concerné par une affection de longue durée est sans incidence sur les droits à laide sociale à lhébergement ; que la décision daide sociale peut être révisée sur production dune décision judiciaire rejetant la demande daliments ou limitant la somme due au titre de laide alimentaire ; quà la date de la naissance du besoin, soit à la date du placement de M. X... en hébergement le 1er janvier 2009, Mme Z... napporte pas la preuve des pensions quelle verse ; que les éléments produits par Mme Z... et relatifs à sa situation financière ne sont pas de nature à établir quelle se trouve dans limpossibilité de contribuer à plus de 1/6e de la somme mensuelle restant à couvrir pour lhébergement de son père ;
Vu le nouveau mémoire, en date du 13 décembre 2011, présenté par Mme Z..., qui reprend les conclusions de son recours et les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la pension versée à sa fille varie entre 200 et 300 euros ; que, depuis octobre 2011, son conjoint, M. Z..., a cessé de verser la pension quil versait à sa mère de 236,50 euros par mois ; que le montant mensuel de remboursement de son prêt a été augmenté en août 2007 et sélève à 975,73 euros par mois ; que son mari fait valoir ses droits à retraite en 2012, ce qui entraînera une baisse de son revenu de 50 % ; quelle propose de payer 1/6e de la somme à couvrir pour les frais dhébergement de son père ;
Vu le nouveau mémoire en défense, en date du 18 janvier 2012, présenté par le président du conseil général des Ardennes, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ; il soutient en outre que le jugement no 584/2010 rendu le 9 mars 2010 par le juge aux affaires familiales de Reims dont il est fait état est relatif à la situation de Mme E... ;
Vu le nouveau mémoire, en date du 10 février 2012, présenté par Mme Z..., qui reprend les conclusions de son recours et les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la décision attaquée est entachée dune insuffisance de motivation ; que le président du conseil général des Ardennes ne pouvait légalement fonder sa décision sur le motif tenant à ce que ce un ou plusieurs obligés alimentaires nont pas répondu à lenquête les concernant et que le droit dune personne à laide dune collectivité prime la carence, même délibérée, de certains obligés ; que le conseil général ne peut procéder à une évaluation globale des ressources du foyer sans que M. Z..., époux de la requérante, ne soit cité en qualité de débiteur daliment, en vertu dun jugement du tribunal de grande instance de Brest du 23 octobre 1972 ; que, de ce fait, la commission départementale daide sociale ne pouvait légalement apprécier les ressources de la requérante et sa capacité contributive en prenant en compte les ressources de son époux sans le mettre en cause dans linstance ;
Vu le nouveau mémoire en défense, en date du 6 mars 2012, présenté par le président du conseil général des Ardennes, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ; il soutient en outre que lappelant peut soulever des moyens nouveaux en cause dappel à condition quils ne soient pas fondés sur une cause juridique distincte de celle invoquée en première instance ; que par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée est irrecevable ; que si labsence totale de renseignement sur des éventuels obligés alimentaires ne peut faire obstacle à ladmission à laide sociale, il nen est pas de même lorsque les obligés sont connus des services départementaux mais refusent de donner des renseignements sur leur capacité contributive ; quen prenant en compte les ressources de lépoux de la requérante pour apprécier sa capacité contributive, la commission départementale daide sociale na pas commis derreur de droit ; que la circonstance que M. Z..., époux de la requérante, nait pas été mis en cause, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors quil nest pas de la compétence de la juridiction de laide sociale de fixer le montant des contributions respectives des obligés alimentaires ;
Vu le nouveau mémoire, en date du 14 mars 2012, présenté par Mme Z..., qui reprend les conclusions de son recours et les mêmes moyens ; elle soutient en outre quelle entend saisir le juge aux affaires familiales après que la commission centrale daide sociale ait statué sur son recours ; que le président du conseil général a également la faculté de saisir le juge aux affaires familiales en vertu de larticle L. 132-7 du code de laction sociale et des familles ; quelle na jamais eu la volonté de se décharger de son obligation alimentaire ni na jamais refusé de transmettre les informations demandées ; que la disparité de revenu entre elle et les autres obligés alimentaires de M. X... nimplique pas que ceux qui ont plus de revenus payent pour ceux qui ne le peuvent pas ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 14 mars 2012 Mme Sophie ROUSSEL, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que pour refuser ladmission au bénéfice de laide sociale de M. X..., la commission départementale daide sociale sest bornée à relever labsence de production de justificatifs de leurs ressources par des obligés alimentaires ; quen se fondant sur ce seul motif, la commission départementale daide sociale a commis une erreur de droit ; que, par suite, Mme Z... est fondée à soutenir, pour ce motif et sans quil soit besoin dexaminer les autres moyens du recours, que cest à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale daide sociale des Ardennes a rejeté son recours dirigé contre la décision du 11 janvier 2010 du président du conseil général des Ardennes ;
Considérant quil y a lieu de statuer sur le fond du litige en vertu de leffet dévolutif de lappel ;
Considérant quil résulte de linstruction que M. X... a été placé à compter du 1er janvier 2009 en EHPAD ; que la somme mensuelle restant à couvrir pour ses frais dhébergement, une fois pris en compte ses ressources affectées au remboursement de ses frais dhébergement, sélève à 531,41 euros en 2009, à 647,87 euros en 2010 et à 739,51 euros en 2011 ;
Considérant, dune part, quaux termes de larticle L. 132-6 du code de laction sociale et des familles dans sa rédaction alors applicable : « Les personnes tenues à lobligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à loccasion de toute demande daide sociale, invitées à indiquer laide quelles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. / La commission dadmission fixe, en tenant compte du montant de leur participation éventuelle, la proportion de laide consentie par les collectivités publiques. (...) » ;
Considérant, dautre part, quen vertu des dispositions des articles 205 et 206 du code civil, les enfants doivent des aliments à leurs parents et les gendres à leurs beaux-parents ; que selon larticle 208 du même code, les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit ;
Considérant, en premier lieu, que la gestion assurée par lADESA, mandataire social de M. X..., ne relève pas de la compétence des juridictions de laide sociale mais du juge des tutelles et du représentant de létat ; que, par suite, les moyens invoqués relatifs à la gestion de la tutelle opérée par lADESA ne peuvent quêtre écartés ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que par un jugement no 584/2010 rendu le 9 mars 2010 par le juge des affaires familiales de Reims ait dispensé Mme C... et M. Y... du versement de toute participation financière au titre de lobligation alimentaire envers leur mère, Mme E..., est sans incidence sur la décision attaquée, qui est relative à la situation de leur père, X... ;
Considérant, en troisième lieu, quil résulte des dispositions citées ci-dessus du code civil et du code de laction sociale et des familles que seules les ressources et les charges des personnes tenues envers le demandeur à laide sociale dune obligation alimentaire sont susceptibles dêtre prises en compte par le département pour évaluer leur capacité contributive et fixer le montant de laide sociale auquel lintéressé a droit, le cas échéant ; que sil peut être tenu compte, pour apprécier le montant des charges quun obligé alimentaire supporte effectivement, des ressources que perçoivent les membres de son foyer, celles-ci ne sauraient être ajoutées aux ressources de cet obligé alimentaire en vue dévaluer sa capacité contributive ;
Considérant quil résulte de linstruction que, pour rejeter la demande dadmission à laide sociale de M. X... pour la prise en charge de ses frais dhébergement, le président du conseil général des Ardennes a apprécié les ressources des foyers des obligés alimentaires de M. X... qui avaient répondu à lenquête du département ; quil est constant que M. Z... est le gendre de M. X... ; que, si le caractère personnel de la dette daliment fait obstacle à ce que les ressources du foyer de Mme Z... soient assimilées à celles de cette dernière, M. Z... est toutefois, en vertu des dispositions de larticle 206 du code civil, également débiteur daliment de son beau-père ; que dès lors, cest à bon droit que le président du conseil général des Ardennes a tenu compte des ressources de M. Z... qui était, comme son épouse, personnellement tenu à obligation alimentaire, pour évaluer la capacité contributive des coobligés alimentaires de M. X... ;
Considérant, en dernier lieu, quil résulte de linstruction, notamment des documents relatifs à la situation sociale et financière de M. X... et de lensemble de ses obligés alimentaires, dont les requérants M. Y... et Mme Z..., que la commission départementale daide sociale na pas fait une inexacte estimation de leur capacité contributive respective ; que, conformément à larticle 207 du code civil, il appartient, le cas échéant, à M. Y... et de Mme Z... ou à toute personne y ayant un intérêt de saisir le juge aux affaires familiales dans le but dêtre relevés de tout ou partie de leur obligation alimentaire ; que la décision daide sociale peut être révisée sur production dune décision judiciaire rejetant la demande daliments ou limitant la somme due au titre de laide alimentaire ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que M. Y... et Mme Z... ne sont pas fondés à soutenir que cest à tort que, par une décision du 11 janvier 2010, le président du conseil général des Ardennes a rejeté la demande dadmission à laide sociale de M. X...,
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale des Ardennes du 30 septembre 2010 est annulée.
Art. 2. - Le recours de M. Y... et Mme Z... dirigé contre la décision du président du conseil général des Ardennes du 11 janvier 2010 est rejeté.
Art. 3. - La présente décision sera transmise à la ministre de lécologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 14 mars 2012 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. CENTLIVRE, assesseur, Mme ROUSSEL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 19 mars 2012.
La République mande et ordonne à la ministre de lécologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer