Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2330 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Contrat dassurance-vie |
Dossiers nos 111045 et 111046
M. X...
Séance du 13 juin 2012
Décision lue en séance publique le 25 juin 2012
Vu, 1o, sous le no 111045, le recours, enregistré le 15 septembre 2011, formé par Mme Y... contre la décision du 1er août 2011 par laquelle la commission départementale daide sociale de Maine-et-Loire a rejeté son recours dirigé contre la décision du 17 mai 2010 par laquelle le président du conseil général de Maine-et-Loire a requalifié en donation le contrat assurance-vie souscrit par M. X..., son oncle, et prononcé la récupération à lencontre des deux donataires du montant perçu à la suite de la liquidation du contrat, soit 16 810 euros pour chacune des deux intéressées, Mme Y... et Mme Z... ;
La requérante soutient que son oncle nétait âgé que de 63 ans lors de la souscription du contrat dassurance-vie et que rien dans son état de santé ne laissait présager un décès précoce à 69 ans et demi ; que le montant initial des primes versées sur le contrat dassurance-vie, soit 1 525 euros, était faible par rapport à ses revenus, et que ce montant ne sest accru quavec la succession de sa mère, intervenu postérieurement ; que la souscription de ce contrat ne révélait aucune intention libérale à lencontre des deux intéressées, et que par suite, ce contrat ne saurait être requalifié en donation ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 février 2012, présenté par le président du conseil général de Maine-et-Loire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le montant des primes versées sur le contrat dassurance-vie était très élevé par rapport aux ressources de lintéressé ; que si M. X... a souscrit ce contrat à un âge relativement jeune, 63 ans, son état de santé laissait présager quil ne percevrait pas les fonds souscrits à léchéance du contrat huit ans plus tard, en 2010 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 mars 2012, présenté par Mme Y..., qui reprend les conclusions de son recours et les mêmes moyens ; elle soutient en outre, quà la date de souscription du contrat dassurance-vie, son oncle ne souffrait que de schizophrénie, mais que le cancer à lorigine de son décès, na été diagnostiqué que début 2007, soit près de cinq années après la souscription du contrat ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2012, présenté par le président du conseil général de Maine-et-Loire, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ;
Vu, 2o, sous le no 111046, le recours, enregistré le 12 septembre 2011, formé par Mme Z... contre la décision du 1er août 2011 par laquelle la commission départementale daide sociale de Maine-et-Loire a rejeté son recours dirigé contre la décision du 17 mai 2010 par laquelle le président du conseil général de Maine-et-Loire a requalifié en donation le contrat assurance-vie souscrit par M. X..., son oncle, et prononcé la récupération à lencontre des deux donataires du montant perçu à la suite de la liquidation du contrat, soit 16 810 euros pour chacune des deux intéressées, Mme Z... et Mme Y... ;
La requérante soutient que son oncle nétait âgé que de 63 ans lors de la souscription du contrat dassurance-vie, et que rien dans son état de santé ne laissait présager un décès précoce à 69 ans et demi ; que la souscription de ce contrat ne révélait aucune intention libérale à lencontre des deux intéressées, et que par suite, ce contrat ne saurait être requalifié en donation ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 février 2012, présenté par le président du conseil général de Maine-et-Loire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le montant des primes versées sur le contrat dassurance-vie était très élevé par rapport aux ressources de lintéressé ; que si M. X... a souscrit ce contrat à un âge relativement jeune, 63 ans, son état de santé laissait présager quil ne percevrait pas les fonds souscrits à léchéance du contrat huit ans plus tard, en 2010 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 mars 2012, présenté par Mme Z..., qui reprend les conclusions de son recours et les mêmes moyens ; elle soutient en outre, quà la date de souscription du contrat dassurance-vie, son oncle ne souffrait daucune maladie susceptible dengager son pronostic vital ; que le cancer à lorigine de son décès na été diagnostiqué que début 2007, soit près de cinq années après la souscription du contrat ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2012, présenté par le président du conseil général de Maine-et-Loire, qui reprend les conclusions de son précédent mémoire et les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 13 juin 2012 M. David GAUDILLERE rapporteur, Mme Y... et Mme Z... en leurs observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que les recours de Mme Y... et de Mme Z... sont dirigés contre la même décision ; quil y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant, dune part, quaux termes du 2o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par lEtat ou le département (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; quaux termes de larticle R. 132-11 du même code : « Les recours prévus à larticle L. 132-8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale (...) » ;
Considérant, dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ; quun contrat dassurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant toutefois que ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération ; que le même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire ; quà ce titre, un contrat dassurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil résulte de linstruction que M. X..., né le 19 décembre 1939, a bénéficié de laide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais dhébergement en maison de retraite du 21 novembre 2003 au 13 février 2009, date de son décès ; que les sommes avancées à ce titre, par le département de Maine-et-Loire se sont élevées à 51 229,13 euros ; que, par une décision du 17 mai 2010, le président du conseil général de Maine-et-Loire a requalifié en donation le contrat dassurance-vie souscrit par M. X... et prononcé la récupération à lencontre des deux donataires du montant perçu, à la suite de la liquidation du contrat, soit 16 810 euros pour chacune de ses deux nièces, Mme Y... et Mme Z..., en remboursement partiel de la créance départementale ;
Considérant que M. X... a souscrit le 9 janvier 2002 un contrat dassurance-vie, sur lequel un montant de primes de 1 525 euros a été initialement versé ; que ce contrat a été souscrit pour une durée de huit ans ; que le montant total de primes versées sur ce contrat sest élevé à 28 874 euros ; quil a désigné comme bénéficiaires en cas de décès, ses deux nièces, Mme Y... et Mme Z... ; quaprès le décès de M. X..., ses deux nièces ont perçu lintégralité de la somme versée sur ce contrat, soit la somme de 33 620 euros ;
Considérant quil résulte de linstruction que M. X... a souscrit le contrat dassurance-vie en cause à lâge de 63 ans ; que si le président du conseil général soutient, quà la date de souscription de ce contrat, létat de santé de lintéressé laissait présager quil ne percevrait pas les fonds souscrits à léchéance du contrat, les requérantes soutiennent, sans être contredites sur ce point, que laffection cancéreuse à lorigine du décès de leur oncle, M. X... na été diagnostiquée quen 2007, soit près de cinq années après la souscription du contrat ; quen outre, à la date de souscription du contrat, le montant des primes versées ne représentait quune faible part des ressources de lintéressé ; quà la date de son décès, le montant de ses liquidités disponibles hors contrat dassurance-vie sélevait à 7 509,72 euros ; quainsi, au regard de lensemble de ces éléments, lintention libérale du souscripteur du contrat dassurance-vie ne saurait être regardée comme établie ; que, par suite, Mmes Y... et Z... ne pouvaient être regardées comme donataires, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que Mme Y... et Mme Z... sont fondées à soutenir que cest à tort que, par la décision du 1er août 2011, la commission départementale daide sociale de Maine-et-Loire a rejeté leur recours contre la décision du 17 mai 2010 par laquelle le président du conseil général de Maine-et-Loire a requalifié en donation le contrat assurance-vie souscrit par M. X..., leur oncle, et prononcé la récupération à lencontre des deux donataires du montant perçu à la suite de la liquidation du contrat, soit 16 810 euros pour chacune des deux intéressées,
Décide
Art. 1er. - La décision du 1er août 2011 de la commission départementale daide sociale de Maine-et-Loire et la décision du 17 mai 2010 du président du conseil général de Maine-et-Loire sont annulées.
Art. 2. - La présente décision sera transmise à la ministre des affaires sociales et de la santé, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 13 juin 2012 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, M. GAUDILLERE, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 25 juin 2012.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer