Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
3420 |
AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH) | ||
Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Conditions |
Dossier no 110809
M. X...
Séance du 27 avril 2012
Décision lue en séance publique le 16 mai 2012
Vu, enregistrée au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 8 août 2011, la requête présentée par lY... de la Charente, pour M. X..., tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision de la commission départementale daide sociale de la Charente en date du 14 juin 2011 rejetant sa demande dirigée contre la décision du président du conseil général de la Charente du 12 octobre 2010 prononçant un rejet à laide sociale aux personnes handicapées pour la prise en charge de ses frais dhébergement par les moyens que M. X... vit en maison de retraite depuis le 18 septembre 1995 ; quil a bénéficié de laide sociale à lhébergement depuis de nombreuses années ; que lors de sa demande de renouvellement de prise en charge le 13 novembre 2009 sa situation budgétaire navait pas changé depuis leur dernière demande de renouvellement ainsi que son patrimoine mobilier ; que ses ressources mensuelles se décomposent en une retraite mensuelle de la MSA de 509,43 euros, une rente trimestrielle de la CNP de 421 euros soit 140,33 euros par mois et une allocation logement versée par la MSA de 205,58 euros ; que les intérêts des capitaux de placement lui rapportent environ 102,18 euros par mois ; que le coût de son hébergement est de 1 619,44 euros ; que par conséquent son budget est déficitaire de 661,92 euros par mois ; que laide sociale répond à un principe général de solidarité ; quelle nintervient cependant, sauf dérogation législative, quà titre subsidiaire lorsque les moyens de solidarité familiale et de protection sociale ont été mis en uvre, ce qui est le cas pour ce dossier ; que laide sociale est censée jouer, que lorsque le besoin du demandeur ne peut être satisfait en tout ou partie par ses obligés alimentaires ; quen effet, le principe de laide sociale tient au fait que le droit civil prévoit une obligation familiale ; que M. X... nayant ni descendant, ni ascendant, ils ont déposé une nouvelle demande de prise en charge ; que, par ailleurs, conformément à larticle L. 132-1 du code de laction sociale et des familles ainsi quà la jurisprudence constante, il y a lieu de prendre en compte pour lappréciation des ressources de M. X... les revenus du capital placé et non le capital lui-même ; quils sollicitent lapplication de larticle L. 132-1 du code de laction sociale et des familles et la jurisprudence constante pour prendre en charge ses frais dhébergement au titre de laide sociale avec le statut handicapé à partir du 1er octobre 2010 ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré le 31 octobre 2011, le mémoire en défense du président du conseil général de la Charente tendant au rejet de la requête par les motifs quil est reproché à la commission départementale daide sociale et au département davoir considéré que létat de besoin nexistait pas alors que les revenus ne sont pas suffisants pour financer les charges ; que contrairement à ce que pense le tuteur de M. X..., la question nest pas de savoir si les ressources permettent ou non de régler les charges ; quil convient de se demander si laide sociale devait être sollicitée ; que le dépôt dune demande daide sociale ne doit pas être automatique chaque cas faisant lobjet dune appréciation personnelle ; que lopportunité de solliciter laide sociale doit être étudiée en fonction de la situation de la personne et de lensemble de son patrimoine ; que le tuteur na nullement lobligation de demander laide sociale ; quil ne doit pas systématiquement solliciter laide sociale pour se protéger dun hypothétique reproche dun éventuel membre de la famille ou héritier de la personne protégée ; que cet héritier aurait à faire face à la récupération sur la succession de la créance départementale et pourrait reprocher au tuteur de ne pas avoir utilisé le capital pour régler les frais dhébergement ; quil ressort des principes de laide sociale que cette dernière est subsidiaire et quelle est un droit subjectif ; quil faut que le demandeur fasse la preuve de son état de besoin, et les instances dadmission disposent dun pouvoir pour apprécier ce besoin et labsence de moyens alternatifs dy pourvoir ; que le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine ; quil doit apporter dans celle-ci des soins diligents et avisés dans le seul intérêt de la personne protégée ; que le juge aux affaires familiales retient ce principe ; quil précise (TGI dAngoulême le 9 février 2010) « le principe de la solidarité familiale ne doit trouver à sexprimer au travers de lobligation alimentaire que dès lors que les revenus et le patrimoine personnel de la personne qui y fait appel ne sont pas suffisants pour faire face à ses charges. En lespèce, il appartient au curateur dassister son protégé pour quil tire profit de son patrimoine pour faire face à ses charges » ; que selon les éléments du dossier, M. X... dispose dun patrimoine mobilier de 41 670 euros qui lui permet de faire face à ses charges pendant plus de trois ans ; que le tuteur se doit de faire fructifier ce patrimoine de façon à permettre à son protégé de subvenir à ses besoins ; que pour sa part, le juge aux affaires familiales lorsquil est saisi, vérifie que le créancier daliment ne dispose pas de moyens propres pour subvenir à ses besoins ; quainsi le magistrat (TGI dAngoulême le 10 octobre 2008) a jugé que le besoin daide nétait pas prouvé puisque le demandeur disposait dun capital de 40 270 euros qui lui permettait de subvenir à ses besoins pendant plus de neuf ans ; que dans une autre affaire (TGI dAngoulême le 9 février 2010) ce magistrat a considéré que la personne hébergée en établissement était propriétaire dun patrimoine important et que le besoin daide nexistait pas, le capital placé de 48 000 euros permettant de faire face aux charges ; que dans une autre affaire (TGI dAngoulême le 1er février 2010 Mme Z...), le juge développe la même argumentation ; que Mme Z... était propriétaire dune maison qui nétait pas louée et disposait de ses droits de conjoint survivant pour lattribution dun quart en nue propriété et des en usufruit des biens de la succession de son époux ; que seul le juge aux affaires familiales peut définir le besoin daide que sa jurisprudence doit servir pour déterminer le besoin daide ; quelle doit aussi être prise en considération pour apprécier lopportunité dune demande daide sociale ceci afin déviter une inégalité patente entre la personne pour laquelle ce magistrat peut être saisi et celle pour qui il ne peut pas lêtre ; quainsi a-t-on vu récemment lUDAF renoncer à constituer un dossier daide sociale puisque le juge aux affaires familiales (TGI dAngoulême le 10 février 2011) avait considéré que le besoin daide nexistait pas ; que toutefois cet organisme persiste à solliciter laide sociale en faveur de personnes pour lesquelles ce magistrat aurait vraisemblablement pris la même décision sil avait pu être saisi ; que M. X... nayant pas denfant, le juge aux affaires familiales ne peut être saisi, mais il ny a pas de raison que le besoin daide soit apprécié différemment en fonction de la présence ou non dobligés alimentaires ; que M. X... napporte pas la preuve de son état de besoin et labsence de moyens alternatifs dy pourvoir ; que le département maintient sa position confirmée par la commission départementale daide sociale ;
Vu, enregistré le 23 novembre 2011, le mémoire en réplique présenté par lY... de la Charente, pour M. X..., persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens quelle ne sollicite pas laide sociale pour se « protéger dun hypothétique reproche dun membre de la famille » ; que son rôle est de faire valoir les droits des personnes sous protection dans la mesure où leur situation répond aux critères et conditions pour en bénéficier ; que le conseil général na pas à apprécier la légitimité du dépôt dune demande daide sociale par le mandataire judiciaire, il doit seulement apprécier si au regard des ressources du postulant laide peut être attribuée ; quen lespèce, lY... au regard des ressources et de la situation de M. X... a estimé quil remplissait toutes les conditions pour faire valoir son droit à laide sociale ; que lorsque le conseil général évoque que le capital de M. X... lui aurais permis de financer son hébergement en maison de retraite, il ne fait pas une stricte application de larticle L. 132-1 du code de laction sociale et des familles et de la jurisprudence constante en la matière ; quil est étonnant que le conseil général, au regard des ressources de M. X..., refuse de lui attribuer laide sociale à compter du 1er mai 2010, alors que pour les périodes antérieures cette aide lui a été attribuée ; quil est surprenant de constater que le conseil général de la Charente se prévaut dans son argumentaire de jurisprudence émanant de décisions du juge aux affaires familiales dAngoulême dans le mesure où M. X... na ni ascendant vivant, ni descendant ; quainsi, dailleurs, le dépôt de la demande daide sociale au bénéfice de M. X... prend donc tout son intérêt ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Après avoir entendu à laudience publique du 27 avril 2012, Mme ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que M. X... est hébergé en maison de retraite depuis le 18 septembre 1995 ; que par décision du 1er octobre 2010, M. X... a bénéficié de laide sociale à lhébergement à lUSLD de lhôpital local de V... du 1er juillet 2010 au 30 septembre 2010 ; que lors de sa demande de renouvellement de prise en charge par laide sociale de ses frais dhébergement, le président du conseil général de la Charente a, par sa décision du 12 octobre 2010, refusé cette demande présentée par lY... de la Charente, décision dailleurs non motivée ; que pour rejeter la demande dont elle était saisie sur recours de lY... en date du 8 novembre 2010, la commission départementale daide sociale de la Charente, dans sa séance du 14 juin 2011, a confirmé la décision du président du conseil général au motif que lintéressé disposait de « ressources » importantes en capital et que létat de besoin nétait pas prouvé ;
Considérant quaux termes de larticle L. 113-1 du code de laction sociale et des familles : « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit dune aide à domicile, soit dun placement chez des particuliers ou dans un établissement. » ; quà cette fin, conformément à larticle L. 132-1 du même code « Il est tenu compte, pour lappréciation des ressources des postulants à laide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. » ; que larticle R. 132-1 du même code dispose que : « les biens non productifs de revenus, à lexception de ceux constituant lhabitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative sil sagit dimmeubles bâtis, à 80 % de cette valeur sil sagit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. » ;
Considérant quil résulte de ces dispositions, à lapplication desquelles ne saurait faire échec le principe de subsidiarité de laide sociale invoqué par ladministration qui ne trouve à sappliquer que pour autant que les dispositions législatives applicables et les dispositions réglementaires légalement prises pour leur application ny font pas obstacle, que le législateur a entendu tenir compte pour apprécier les ressources des personnes demandant laide sociale des seuls revenus périodiques, tirés notamment dune activité professionnelle, du bénéfice dallocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et de la gestion des capitaux mobiliers et immobiliers ; quà défaut de placement ou de location, dès lors quil ne sagit pas de limmeuble servant dhabitation principale, il a prévu dévaluer fictivement les revenus que linvestissement de ces capitaux serait susceptibles de procurer au demandeur ; quen tout état de cause, il a écarté la prise en compte du montant des capitaux eux-mêmes dans lestimation de ces ressources ; quen application de larticle L. 132-8 du même code, les collectivités débitrices daide sociale ne sont fondées à exercer quun recours contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune, sur la succession, contre le donataire ou le légataire pour récupérer lavance de laide sociale du vivant de lassisté ;
Considérant que si le président du conseil général fait encore valoir que « le juge aux affaires familiales a estimé que le principe de solidarité familiale ne doit trouver à sexprimer au travers de lobligation alimentaire que dès lors que les revenus et le patrimoine personnel de la personne qui y fait appel ne sont pas suffisants pour faire face à ses charges, » un tel moyen est en toute hypothèse inopérant dans la présente instance ; que dailleurs la prise en compte des ressources en capital du créancier daliments naurait en réalité lieu dêtre, lorsquil y a lieu à prise en compte de ces créances, que lorsque la gestion de son patrimoine nest pas effectuée dans des conditions telles quelle produise normalement les revenus quil est susceptible de produire ; quainsi la contradiction que croit pouvoir relever le président du conseil général de la Charente en se fondant sur la seule jurisprudence du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance dAngoulême nest en réalité, abstraction faite même de lindépendance des législations relatives à laide sociale et aux devoirs daliments et de secours, pas avérée ;
Considérant que M. X... perçoit des ressources mensuelles de 851,62 euros se répartissant en une retraite mensuelle de la MSA de 505,71 euros, une rente de la CNP de 140,33 euros et une allocation logement de 205,58 euros ; que les intérêts de 102,18 euros provenant du placement dun capital mobilier sajoutent à ce budget ; que les frais de son hébergement et de son entretien savèrent nettement supérieurs atteignant 1 619,44 euros, en mai 2011 ;
Considérant, par ces motifs, quil y a lieu dannuler ensemble les décisions respectivement des 12 octobre 2010 et 14 juin 2011 du président du conseil général de la Charente et de la commission départementale daide sociale de la Charente, et dadmettre M. X... au bénéfice de laide sociale pour couvrir ses frais dhébergement et dentretien à lhôpital local de V... en renvoyant lY... de la Charente devant le président du conseil général de la Charente pour que soient fixées conformément aux motifs qui précèdent la participation de lassisté et celle du département de la Charente aux frais dhébergement et dentretien à compter du 1er octobre 2010,
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale de la Charente en date du 14 juin 2011, ensemble la décision du président du conseil général de la Charente en date du 12 octobre 2010 sont annulées.
Art. 2. - M. X... est admis au bénéfice de laide sociale pour ses frais dhébergement à lUSLD de lhôpital local de V... à compter du 1er octobre 2010 et lY... de la Charente est renvoyée devant le président du conseil général de la Charente afin que soient fixées la participation de M. X... et celle de laide sociale à ses frais dhébergement et dentretien dans cet établissement.
Art. 3. - La présente décision sera transmise à la ministre de lécologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 27 avril 2012 où siégeaient M. LEVY, président, Mme NORMAND, assesseure, Mme ERDMANN, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 16 mai 2012.
La République mande et ordonne à la ministre de lécologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer