Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Contrat assurance vie - Qualification
 

Dossier no 101169

Mme X...
Séance du 14 mars 2012

Décision lue en séance publique le 19 mars 2012

    Vu le recours formé le 16 octobre 2010 et le 9 mai 2011 par M. Y..., tendant à l’annulation de la décision du 28 juin 2010 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Savoie a rejeté son recours dirigé contre la décision du 15 mars 2010 par laquelle le président du conseil général de la Savoie a prononcé, à son encontre, la récupération d’une somme de 21 000 euros, avancée à Mme X... pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à l’EHPAD du centre hospitalier de C... pour la période du 16 juillet 2007 au 5 novembre 2009 ;
    Le requérant soutient qu’il n’est pas l’héritier de Mme X..., bénéficiaire de l’aide sociale ; qu’il n’a pas pris la décision de placer en établissement Mme X... ; que cette dernière a souscrit à son bénéfice des contrats d’assurance vie afin de lui donner les moyens de s’occuper de son petit-fils, M. Z..., filleul du requérant, handicapé ; qu’il ne doit pas être le seul à rembourser la créance due au département afin de conserver des sommes disponibles pour offrir des vacances à son filleul handicapé ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2011, présenté par le président du conseil général de la Savoie qui conclut au rejet du recours ; il soutient que la créance du département s’élève à 21 891,42 euros ; que, dès lors que la clause bénéficiaire des contrats d’assurance vie a été changée au profit de M. Y... dans les dix ans précédant l’admission au compte de l’aide sociale de Mme X..., ces contrats devaient être assimilés à des donations particulières susceptibles de faire l’objet, en application du 2o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, d’un recours contre le donataire ; que M. Y... n’est pas seul à s’occuper de M. Z..., dès lors que celui-ci est placé dans un établissement spécialisé en Suisse et qu’il est sous la tutelle de Mme W... ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code des assurances ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 14 mars 2012 Mme ROUSSEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes du 2o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’en vertu des dispositions de l’article R. 132-11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132-8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. / En cas de donation, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de l’aide sociale, appréciée au jour de l’introduction du recours, déduction faite, le cas échéant, des plus-values résultant des impenses ou du travail du donataire. / En cas de legs, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens légués au jour de l’ouverture de la succession. / Le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois, que l’administration de l’aide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération ; que le même pouvoir appartient aux juridictions de l’aide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’ordre judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X..., née le 9 novembre 1922 a été admise au compte de l’aide sociale au titre de ses frais d’hébergement à l’EPHAD du centre hospitalier de C... pour la période du 16 juillet 2007 au 5 novembre 2009, date de son décès, pour un montant total de 21 891 euros ; que, le 6 octobre 2006, soit neuf mois avant son admission au bénéfice de l’aide sociale et alors qu’elle était âgée de 83 ans, Mme X... a souscrit deux contrats d’assurance vie d’une durée de huit années dont le bénéficiaire était la contractante elle-même et, en cas de décès de celle-ci avant le terme, son petit-fils M. Z..., handicapé ; que le 19 décembre 2006, soit trois mois avant son admission au bénéfice de l’aide sociale et alors qu’elle était âgée de 84 ans, Mme X... a fait modifier la clause bénéficiaire de ces contrats au profit de M. Y... ; qu’à son décès le 5 novembre 2009, M. Y... a accepté le bénéfice des assurances vie ; qu’eu égard à l’âge de Mme X... à la date de la souscription des contrats d’assurance vie et de la modification de la clause bénéficiaire et compte tenu de la durée des contrats d’assurance vie souscrits, M. Y... doit être regardé comme le bénéficiaire d’une donation ;
    Considérant que la circonstance que M. Z... n’est pas l’héritier de Mme X... et qu’il n’a pas pris la décision de sa demande d’admission à l’aide sociale est sans incidence sur la régularité de l’action en récupération engagée, dès lors que le recours en récupération contre le donataire formé par le conseil général de la Savoie a été engagé sur le fondement du 2o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des famille et qu’en tout état de cause, lorsque plusieurs types de recours en récupérations sont possibles, la commission choisit librement l’ordre dans lequel seront effectuées les récupérations ;
    Considérant, enfin, que si le requérant indique souhaiter conserver les sommes dues pour couvrir certains frais de son filleul M. Z..., qui réside dans une structure adaptée en Suisse, il résulte de l’instruction qu’il n’a pas la tutelle de ce dernier et, qu’en tout état de cause, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de l’action en récupération engagée ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. Y... n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale de la Savoie a rejeté son recours,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours de M. Y... contre la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Savoie du 28 juin 2010 est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 14 mars 2012 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. CENTLIVRE, assesseur, Mme ROUSSEL, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 19 mars 2012.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer