Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Ressources - Indu - Délai
 

Dossier no 090387

M. X...
Séance du 29 septembre 2011

Décision lue en séance publique le 11 octobre 2011

    Vu la requête en date du 21 décembre 2007, présentée par M. X..., complétée les 23 avril 2009 et 1er juillet 2009 par Maître Benoît DE CADENET, et le 28 septembre 2011 par Maître Maurice CASTEL, devant la commission centrale d’aide sociale tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Finistère du 21 septembre 2007 rejetant son recours dirigé contre la décision du 16 mars 2004, par laquelle de la caisse d’allocations familiales du Finistère agissant par délégation du président du conseil général de ce département a mis à sa charge le remboursement d’un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 38 745,53 euros, couvrant la période de mai 1992 à janvier 2003 ;
    Le requérant soutient que la commission départementale d’aide sociale du Finistère ne pouvait considérer son recours comme tardif, dès lors que la décision contestée de la caisse d’allocations familiales ne lui a jamais été notifiée dans les formes permettant de faire courir le délai de recours contentieux ; que le moyen soulevé en défense par le président du conseil général tendant à considérer qu’un courrier du conseil du requérant pouvait valoir preuve de la connaissance acquise est inopérant, dès lors qu’il porte atteinte au secret de la correspondance ; qu’il a déjà remboursé un indu pour la période de 1991 à 1995 ; que pour la dernière période en litige, à l’issue de deux contrôles de la caisse d’allocations familiales, l’organisme payeur avait considéré que les prestations versées au requérant étaient bien fondées ; que l’article 2277 du code civil disposait dans sa rédaction applicable au litige que les actions en répétition d’indu sont prescrites au bout de cinq ans ; qu’à titre subsidiaire, il a toujours fourni à l’organisme payeur ses déclarations d’impositions qui devaient permettre à la caisse d’allocations familiales de déterminer le montant de ses droits ; qu’il a de ce fait satisfait à l’obligation de faire connaître à la caisse d’allocations familiales l’ensemble de ses ressources ; qu’enfin, dans sa rédaction applicable jusqu’au 25 mars 2006 l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles ne prévoyait pas que la manœuvre frauduleuse ou les fausses déclarations s’oppose à une remise d’indu ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense présenté par le président du conseil général du Finistère qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que M. X... avait eu connaissance acquise de la décision contestée de la caisse d’allocations familiales à compter du 19 novembre 2004 ; que dès lors sa requête devant la commission départementale d’aide sociale était bien tardive ; qu’à titre subsidiaire l’indu est bien fondé, dès lors que M. X... a dissimulé ses ressources lors de la totalité de cette période en ne faisant pas apparaître dans les déclarations trimestrielles de ressources transmises à l’organisme payeur les salaires perçues au cours de la période ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 29 septembre 2011, M. Aurélien ROUSSEAU, rapporteur, ainsi que les observations présentées par M. X... et son conseil, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262-10 et L. 262-12, n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans (...) et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit (...) à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article L. 262-41 du même code : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39. Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ; qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer (...), et notamment les avantages en nature, les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer (...) » ; qu’aux termes de l’article L. 262-42 du même code : « Le recours mentionné à l’article L. 262.41 et l’appel contre cette décision devant la commission centrale d’aide sociale ont un caractère suspensif. Ont également un caractère suspensif : le dépôt d’une demande de remise ou de réduction de créance, la contestation de la décision prise sur cette demande devant la commission départementale et la commission centrale d’aide sociale » ;
    Considérant que M. X..., bénéficiaire du droit au revenu minimum d’insertion depuis le mois d’octobre 1991 dans le département du Finistère, s’est vu notifier, suite à un rapport de contrôle établi par un agent assermenté de la caisse d’allocations familiales, un trop perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant de 38 745,53 euros pour la période de mai 1992 janvier 2003, au motif que l’allocataire aurait sciemment et systématiquement dissimulé des ressources tirées d’activités salariées ; que M. X... a contesté cette décision le 15 mars 2007 ; que la commission départementale d’aide sociale du Finistère, en sa séance du 21 septembre 2007, a rejeté son recours comme tardif ; que M. X... conteste cette dernière décision devant la commission centrale d’aide sociale ;
    Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
    Considérant qu’en tout état de cause, à supposer même que M. X... ait eu connaissance du montant de la créance mise à sa charge par la décision de la caisse d’allocations familiales du Finistère du 16 mars 2004, les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ; que cette condition ne peut être regardée comme remplie que si la notification s’accompagne de la remise à l’intéressé d’un document écrit comportant la mention des délais et voies de recours ; que, faute pour le président du conseil général d’établir que ces éléments ont bien été notifiés au requérant, M. X... est fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale du Finistère a considéré que son recours était tardif et l’a rejeté pour ce motif ; qu’il suit de là que le requérant est fondé à en demander l’annulation ;
    Considérant qu’il appartient à la commission centrale d’aide sociale, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, de statuer sur les conclusions présentées par le requérant devant la commission départementale d’aide sociale et devant la commission centrale d’aide sociale ;
    Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que, de 1992 à 1996, M. X... a perçu des revenus d’activité et des indemnités chômage versées par le régime général de la sécurité sociale ; que certes, les seuls revenus d’activité qu’a perçus le requérant tels qu’ils ont été retenus par la caisse régionale d’assurance maladie, étaient supérieurs au plafond du revenu minimum d’insertion pour une personne seule, mais que, faute pour le président du conseil général du Finistère d’établir que M. X... aurait transmis à l’organisme payeur des déclarations volontairement inexactes sur cette première période, il ne pouvait, par sa décision du 16 mars 2004 procéder à la répétition de l’indu sur cette première période ;
    Considérant, en deuxième lieu, que pour la période de janvier 1997 janvier 2003, M. X... a déclaré dans les déclarations trimestrielles de ressources transmises à l’organisme payeur ne disposer d’aucun revenu ; que suite à un contrôle diligenté par l’organisme payeur, il a été établi que le requérant avait était salarié durant l’intégralité de la période et avait disposé de revenus pour des montants pouvant aller jusqu’à 130 000 francs annuels en 1997 ou 173 000 francs en 2001 ; que le requérant a en outre perçu des indemnités chômage pendant la période ; que ses ressources étaient très largement supérieures au plafond de l’allocation de revenu minimum d’insertion pour une personne seule ; que M. X... a établi des déclarations inexactes en vue de bénéficier indûment de l’allocation ; que si le requérant allègue avoir transmis ses déclarations fiscales comportant la mention de l’intégralité de ses ressources, il n’apporte aucun élément de nature à accréditer cette affirmation ; qu’en tout état de cause, il est constant que les déclarations trimestrielles de ressources qui constituent le seul document sur lequel ces informations doivent être trimestriellement renseignées ne comportent aucune mention des revenus en litige ; qu’il résulte des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles qu’il appartient au bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion de faire connaître à l’autorité administrative l’ensemble des ressources dont il dispose ainsi que sa situation familiale et tout changement en la matière ; que s’il est établi que le bénéficiaire a procédé à des déclarations inexactes ou incomplètes l’autorité administrative est en droit de procéder à la répétition de l’ensemble des sommes qui ont été versées à l’intéressé ; que la circonstance que la caisse d’allocations familiales du Finistère n’ait pas, lors de précédents contrôles, contesté les droits à l’allocation de revenu minimum d’insertion du requérant est sans incidence sur la possibilité qui lui est offerte de détecter une fraude au cours d’un nouveau contrôle, fût-ce sur une période ayant déjà fait l’objet d’un examen ; que si le requérant soutient que les dispositions du code civil mentionnent que les récupérations d’indu sont prescrites au terme d’un délai de cinq ans, les dispositions spécifiques de l’article L. 262-40 du code de l’action sociale et des familles disposent que l’action de l’organisme payeur en recouvrement des sommes indûment payées se prescrit par deux ans, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration ; qu’en l’espèce, M. X... a effectivement souscrit de fausses déclarations ; que si le requérant soutient que dans sa rédaction applicable jusqu’au 25 mars 2006, l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles n’interdisait pas que, si une situation de précarité était établie, puisse être accordée une remise même en cas de fraude ou fausse déclaration, il ne résulte cependant pas de l’instruction que M. X... se trouverait dans cette situation ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, que le président du conseil général du Finistère ne pouvait procéder à la répétition d’un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion pour la période de 1992 décembre 1996 ; que sa décision doit être annulée en tant qu’elle a mis à la charge du requérant un indu pour cette période ; que, par contre, le président du conseil général était en droit de procéder à la répétition des sommes versées depuis janvier 1997, que dès lors, doit être maintenue à la charge de M. X... la somme de 23 874,49 euros pour la période de janvier 1997 à janvier 2003,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Finistère du 21 septembre 2007 est annulée.
    Art. 2.  -  La décision du président du conseil général du Finistère est annulée en tant qu’elle a mis à la charge de M. X... un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion pour la période de mai 1992 décembre 1996, et confirmée en tant qu’elle met à la charge de M. X... le remboursement de la somme de 23 874,49 euros, pour la période de janvier 1997 janvier 2003.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 29 septembre 2011 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. ROUSSEAU, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 11 octobre 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer