Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
3420 |
AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH) | ||
Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Ressources - Besoins |
Dossier no 110472
M. X...
Séance du 6 octobre 2011
Décision lue en séance publique le 26 octobre 2011
Vu enregistrée au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 7 mars 2011, la requête présentée, par lAssociation tutélaire des inadaptés de la Charente, pour M. X..., tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision de la commission départementale daide sociale de la Charente en date du 18 janvier 2011 rejetant sa demande dirigée contre la décision du 14 juin 2010 par laquelle le président du conseil général de la Charente a refusé laide sociale à lhébergement pour adultes handicapés à compter du 1er août 2010 par les moyens que lépargne de M. X... sera très vite épuisée au vu des charges quil doit supporter et quil ne restera rien pour régler son hébergement durant la période de vacances ; quen outre les fins de semaine M. X... rentre au domicile de sa mère et une participation financière doit lui être versée ; que surtout la commission na pas à prendre en considération son épargne selon larticle L. 132-1 et larticle R. 132-1 du code de laction sociale et des familles, celle-ci nétant pas considérée comme constitutive de ressources dont lappréciation détermine laccès à laide sociale ;
Vu la décision attaquée ;
Vu enregistré le 21 juillet 2011, le mémoire en défense du président du conseil général de la Charente tendant au rejet de la requête par les motifs que pour tenir compte des difficultés de constitution du dossier et dans lintérêt de létablissement et de M. X... laide sociale a été accordée pour la période du 1er mai 2010 au 31 juillet 2010 ; que la question nest pas de savoir si les ressources permettent ou non de payer les charges ; quil convient de se demander si laide sociale devait être sollicitée ; que le tuteur ne doit pas systématiquement solliciter laide sociale pour se protéger dun hypothétique reproche dun éventuel membre de la famille ou héritier de la personne protégée qui aurait à faire face à la récupération sur la succession et pourrait reprocher au tuteur de ne pas avoir utilisé le capital pour régler les frais ; que laide sociale est subsidiaire et constitue un droit subjectif ; que les instances dadmission disposent dun pouvoir pour apprécier le besoin et labsence de moyens alternatifs dy pourvoir ; que le tuteur doit apporter à la gestion des soins diligents et avisés dans le seul intérêt de la personne protégée ; que selon la jurisprudence du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance dAngoulême le principe de solidarité familiale ne doit trouver à sexprimer au travers de lobligation alimentaire que dès lors que les revenus et le patrimoine personnel de la personne qui y fait appel ne sont pas suffisantes pour faire face à ses charges ; que le tuteur de M. X... se doit de faire fructifier son capital de façon à lui permettre de subvenir à ses besoins ; quil ny a pas de raison que le besoin daide soit apprécié différemment en fonction de la présence ou non dobligés alimentaire ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code civil ;
Après avoir entendu à laudience publique du 6 octobre 2011, Mlle ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Sans quil soit besoin de statuer sur les autres moyens ;
Considérant quen se fondant sur le caractère subsidiaire de laide sociale tout en citant les termes de larticle L. 132-1 du code de laction sociale et des familles qui prévoit la prise en compte des « revenus professionnels et autres et de la valeur des capitaux non productifs de revenus », alors que cet article exclut par ses termes mêmes la prise en compte des ressources en capital et ne permet que celle des revenus effectivement perçus ou celle dun revenu fictif sensé être produit par les capitaux non placés la commission départementale daide sociale de la Charente a entaché sa décision de contradiction de motifs et derreur de droit ; quil y a lieu de statuer par leffet dévolutif de lappel ;
Considérant que le caractère subsidiaire de laide sociale na lieu de sappliquer que compte tenu des exceptions qui lui sont apportées par les dispositions applicables au nombre desquelles celles précitées qui ne prévoient au stade de ladmission à laide la prise en compte que des seuls revenus ;
Considérant, il est vrai, que pour lessentiel le président du conseil général se prévaut de la « jurisprudence constante » des juges aux affaires familiales du Tribunal de grande instance dAngoulême qui pour apprécier les créances daliments dont peuvent se prévaloir les bénéficiaires de lobligation alimentaire, notamment les demandeurs daide sociale, considèrent que pour lappréciation du besoin du créancier daide et des obligations du débiteur il y a lieu de prendre en compte non seulement les revenus mais encore le capital possédé par le créancier ;
Mais considérant, en premier lieu et en toute hypothèse, que ce moyen est inopérant, la loi daide sociale applicable à la détermination des ressources du demandeur daide au nombre desquelles les créances alimentaires étant différente de la loi civile applicable à la détermination de ces créances déterminées en application des articles 205 et suivants du code civil ; quau demeurant comme lexpose le président du conseil général lui-même le demandeur na pas en lespèce dobligés alimentaires ; que dailleurs la prestation litigieuse est accordée sans prise en compte de cette obligation ; que ce seul motif suffit à fonder le rejet du moyen du président du conseil général ;
Considérant, en second lieu et surabondamment, pour faire reste de droit et de « cohérence » affichée ou affirmée par le défendeur que la jurisprudence des juges aux affaires familiales du tribunal de grande instance dAngoulême ne simpose pas au juge de laide sociale auquel il appartient dappliquer les dispositions du code civil telles dailleurs quinterprétées par la jurisprudence de la cour de cassation sans quil y ait lieu en lespèce en toute hypothèse à renvoi préjudiciel à lautorité judiciaire ; que les articles 205 et 207 du code civil nimpliquent ni par leur lettre, ni par leur esprit, que lexercice du droit aux aliments soit subordonné à la condition que le créancier alimentaire ne possède ni immeuble, ni aucune ressource en capital ; quils édictent que le devoir alimentaire naît entre ascendants et descendants du seul fait que lun deux est dans le besoin ; que létat de besoin est constitué sil procède dun défaut de revenus ; que même sil dispose dun capital le créancier peut réclamer des aliments dès lors quil ne tire pas de ce capital des revenus suffisants à la condition quil le gère utilement ; quen lespèce il nest nullement établi et dailleurs même allégué, abstraction faite de ce que ladministration en se fondant sur la jurisprudence précitée de juges aux affaires familiales entend imposer au demandeur daide de sen défaire avant toute admission à laide sociale, que les capitaux possédés par M. X... ne soient pas utilement gérés dans lintérêt du demandeur de laide sociale par le tuteur de celui-ci ; que dès lors que les capitaux mobiliers dont les revenus sont pris en compte pour ladmission à laide sociale et la détermination de la participation de lassisté aux frais daide sociale sont ainsi utilement gérés et quune gestion autre ne serait pas susceptible de procurer à lassisté des revenus supérieurs tels que laide sociale puisse lui être refusée, il appartiendrait à linstance dadmission à laide sociale et au juge de laide sociale de faire application des dispositions du code civil telles quelles sont ci-dessus interprétées et dailleurs, au cas où lautorité judiciaire saisie pour la fixation individuelle des dettes de chaque obligé nen ferait pas quant elle application, il appartiendrait à la partie lésée de faire usage des voies de droit dont elle disposerait contre les jugements ainsi intervenus ; que ce nest que sils étaient définitifs et non contestés quils simposeraient à ladministration et au juge de laide sociale, après fixation des dettes de chaque obligé, alors même que ceux-ci auraient, comme il leur appartenait de le faire, fait application au stade antérieur de lévaluation du quantum global de la dette des débiteurs daliments des principes qui viennent dêtre rappelés ; quainsi et contrairement à ce que soutient le président du conseil général de la Charente, il nexiste pas en réalité de contradiction entre lappréciation des ressources du créancier daide pour lapplication des dispositions précitées du code civil et celle qui résulte dans le droit de laide sociale pour lappréciation des ressources propres du demandeur de larticle L. 132-1 du code de laction sociale et des familles, ainsi que le précise dailleurs une doctrine autorisée (ALFANDARI, précis, éd. 2011 no 203) qui enseigne que « seuls les revenus doivent être pris en considération et cette règle est conforme aux principes généraux des droits alimentaires » ;
Considérant ainsi que lunique motif par lequel la commission centrale daide sociale entre en annulation des décisions attaquées pour lapplication de la loi daide sociale par le juge de laide sociale nest nullement en contradiction avec lapplication des dispositions du code civil, soit par le juge de laide sociale au stade de lévaluation de lensemble des créances alimentaires dont peut se prévaloir le demandeur daide, soit même dailleurs par lautorité judiciaire du moins la jurisprudence de la cour régulatrice alors même que les juges du fond ont, en cette matière, un pouvoir dappréciation très étendu qui sexerce en fonction des circonstances et des situations des parties, sans, toutefois, quun tel pouvoir ne conduise à prendre en compte des ressources en capital productives de revenus normaux par une gestion utile et avisée desdites ressources par le créancier daliments pour la fixation des obligations de son débiteur ;
Considérant quaucun litige nexistant entre les parties sur la fixation du différentiel tarif moins ressources à prendre en compte, abstraction faite de celui sur lequel il vient dêtre statué sagissant des créances alimentaires, il y a lieu à renvoi devant le président du conseil général de la Charente pour liquidation des droits de M. X... conformément aux motifs de la présente décision,
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale de la Charente en date du 18 janvier 2011 est annulée.
Art. 2. - M. X... est admis à laide sociale à lhébergement des personnes handicapées pour compter du 1er août 2010 et renvoyé devant le président du conseil général de la Charente pour liquidation de ses droits conformément aux motifs de la présente décision.
Art. 3. - La présente décision sera transmise à la ministre de lécologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 6 octobre 2011 où siégeaient M. LEVY, président, Mme NORMAND, assesseure, Mlle ERDMANN, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 26 octobre 2011.
La République mande et ordonne à la ministre de lécologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer