Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
3330 |
AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA) | ||
Mots clés : Recours en récupération - Assurance-vie - Donation |
Dossier no 100918
Mme X...
Séance du 5 octobre 2011
Décision lue en séance publique le 19 octobre 2011
Vu le recours formé par Mme M... le 18 novembre 2009, tendant à lannulation dune décision du 8 octobre 2009 par laquelle la commission départementale daide sociale du Puy-de-Dôme a confirmé la décision du président du conseil général, en date du 3 juillet 2008, de récupération, à lencontre des bénéficiaires du contrat assurance-vie requalifié en donation quavait souscrit Mme X..., des sommes avancées à celle-ci par le conseil général du Puy-de-Dôme au titre dune prestation spécifique dépendance à domicile, du 1er juin 1998 au 31 décembre 2001, pour un montant total de 17 044,50 euros ;
La requérante conteste cette décision, indiquant quelle a travaillé deux ans et demi dans la boulangerie de ses parents sans être rémunérée, et quelle ne peut pas rembourser la somme ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire du président du conseil général du Puy-de-Dôme en date du 28 juin 2010 proposant le maintien de la décision ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les lettres en date du 24 septembre 2010 du secrétaire général de la Commission centrale daide sociale informant les parties de la possibilité dêtre entendues ;
Après avoir entendu en séance publique du 5 octobre 2011, Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, et après en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant dune part, quaux termes des dispositions de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale applicable à la date des faits, devenu larticle L. 132-8 (2o), du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon les cas, par lEtat ou le département contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; quaux termes de larticle 4 du décret no 61-495 du 15 mai 1961 applicable à la date des faits et devenu larticle R. 132-11 dudit code : « Les recours prévus à larticle L. 132-8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale (...) » ;
Considérant dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui laccepte » ; quun contrat dassurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas, en lui-même, le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant toutefois que ladministration et les juridictions de laide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire ; quà ce titre, un contrat dassurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil résulte de linstruction, que Mme X..., placée en famille daccueil, a bénéficié dune prestation spécifique dépendance à domicile du 1er juin 1998 au 31 décembre 2001 au titre de son classement dans le groupe iso-ressources 3, et que les sommes qui lui ont été avancées par le conseil général du Puy-de-Dôme à ce titre se sont élevées à 17 044,50 euros ; quà son décès, le 27 mars 2007, lactif net successoral de Mme X... sélevait à 9 394,50 euros de liquidités ; que Mme X..., née le 30 avril 1914, avait souscrit le 28 juillet 1998 au profit de ses deux filles, Mmes B... et la requérante - deux contrats dassurance-vie pour un montant de prime versée de 83 334,00 francs (12 704,19 euros) chacun, soit un total de 25 408,38 euros ; quau décès de Mme X..., le capital libéré à leur profit sest élevé à 35 033,14 euros ; que le président du conseil général du Puy-de-Dôme, en se fondant sur lâge de Mme X... à la date de souscription des contrats (84 ans), rapproché de leur durée, ainsi que sur limportance des primes versées, a estimé que celle-ci avait bien fait preuve dune intention libérale à légard de ses filles, dont la requérante, et que légalement, il pouvait en déduire quelles devaient être regardées comme les bénéficiaires dune donation ; que par décision en date du 3 juillet 2008, ledit président a prononcé la récupération de la créance départementale à lencontre des donataires pour un montant de 8 522,25 euros chacune, compte tenu du capital de 17 516,57 euros perçu au titre de leur contrat respectif ; que cette décision a été confirmée par une décision du 8 octobre 2009 de la commission départementale daide sociale du Puy-de-Dôme ;
Considérant le moyen soulevé par Mme M... selon lequel elle a travaillé deux ans et demi dans la boulangerie de ses parents sans être rémunérée, et ne peut pas rembourser la somme de 8 522,25 euros lui incombant ;
Considérant quil ressort des pièces figurant au dossier que le 21 juillet 1998, Mme X... - bénéficiaire dune prestation spécifique à domicile depuis le 1er juin et ses filles ayant procédé à la vente de biens immobiliers pour un montant de 380 000 francs (57 930,63 euros) - a, le 28 juillet suivant, souscrit les deux contrats assurance-vie au profit de celles-ci par le versement de la somme de 25 408,38 euros ; que la donation a bien été effectuée dans la période définie par larticle L. 132-8 susmentionné et quaucun seuil nest opposable pour laction en récupération à lencontre des donataires ; que la récupération ne peut sexercer que sur le montant de la prime versée lors de la souscription du contrat seule constitutive de la donation qui sélève en loccurrence à 12 704,19 euros pour chacune des donataires, que le montant de la récupération est inférieur au montant total des primes versées et ne dépasse pas le montant des sommes qui ont été allouées à Mme X... du 1er juin 1998 au 31 décembre 2001 au titre de la prestation spécifique dépendance à domicile ; que le conseil général du Puy-de-Dôme est donc fondé à récupérer la totalité de sa créance, soit 17 044,50 euros, à lencontre des bénéficiaires des contrats dassurance-vie souscrits par Mme X... ; que, si Mme B... sest acquitté du remboursement de la somme de 8 522,25 euros lui incombant, la requérante indique ne pas pouvoir, en ce qui la concerne, rembourser cette somme, alors même quaprès remboursement, elle disposera encore dun capital de 13 691,57 euros constitué de la somme de 4 697,25 euros correspondant aux 50 % lui revenant dans lactif successoral de Mme X..., et dun reliquat de 8 994,32 euros au titre du capital libéré par le décès de sa mère ; que dans ces conditions, la commission départementale daide sociale du Puy-de-Dôme a fait une exacte appréciation des circonstances de laffaire en décidant la récupération à lencontre de la donataire de la somme de 8 522,25 euros au titre de la somme totale de 17 044,50 euros avancée par le conseil général du Puy-de-Dôme à Mme X... ; que cependant, ladite commission a commis une erreur de droit en déterminant le montant de la récupération sur la base du montant du capital libéré qui nest pas constitutif de la donation et que sa décision, ensemble la décision du président du conseil général, doit être annulée en tant quelle a choisi cette référence ; que dès lors, le recours susvisé ne peut quêtre rejeté,
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale du Puy-de-Dôme en date du 8 octobre 2009, ensemble la décision du président du conseil général, en date du 3 juillet 2008, sont annulées en tant quelles fixent le montant de la récupération à lencontre des donataires bénéficiaires des contrats assurance-vie souscrits par Mme X..., sur la base du capital libéré à son décès.
Art. 2. - Le montant de la récupération, à lencontre des bénéficiaires des contrats assurance-vie requalifiés en donation, de la créance départementale constituée au titre de la prestation spécifique dépendance à domicile dont a été bénéficiaire Mme X... pour la période du 1er juin 1998 au 31 décembre 2001, est fixé à 17 044,50 euros.
Art. 3. - Le recours susvisé est rejeté.
Art. 4. - Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Art. 5. - La présente décision sera transmise à la ministre de lécologie, du développement durable, des transports et du logement et à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 5 octobre 2011 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mlle SAULI, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 19 octobre 2011.
La République mande et ordonne à la ministre de lécologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer