Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance-vie
 

Dossier no 091731

Mme X...
Séance du 3 décembre 2010

Décision lue en séance publique le 24 janvier 2011

    Vu enregistré à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Puy-de-Dôme le 21 juillet 2009, les requêtes par lesquelles M. et Mme X... demandent à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme en date du 7 mai 2009 confirmant celle du président du conseil général du Puy-de-Dôme du 16 juin 2008 d’exercer deux recours en récupération, le premier, sur la succession (392,73 euros) de Mme X..., leur mère, décédée le 17 août 2007, après avoir bénéficié de son vivant de la prestation spécifique dépendance (4 697,65 euros) et de la prise en charge de ses frais de séjour dans l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) « E... » (10 188,34 euros), du 1er janvier 2005 au 17 août 2007, le second, sur les sommes revenant à son fils (13 057,00 euros), M. X..., en application d’un contrat d’assurance en cas de décès souscrit par l’assistée auprès de la Caisse nationale de prévoyance (CNP), le 5 janvier 1993 et ce par les moyens que l’administration et les premiers juges n’ont pas démontré l’intention libérale de la défunte ni tenu compte du fait que ce contrat ne présentait pas un caractère irrévocable et avait été, de surcroît, souscrit plus de dix ans avant le décès ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général du Puy-de-Dôme en date du 5 novembre 2009 tendant au rejet des conclusions des requêtes susvisées par les motifs que Mme X... était âgée de 86 ans à la date de souscription du contrat et que les sommes versées à son fils lors de son décès « n’avaient pas pour objet la constitution d’une épargne mais la transmission d’un patrimoine », circonstances constitutives d’une intention libérale ;
    Vu enregistré le 25 janvier 2010, le mémoire en réplique de M. X... persistant dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 3 décembre 2010, M. GOUSSOT, rapporteur, M. X..., en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que Mme X... a perçu la prestation spécifique dépendance (PSD) et bénéficié du 1er janvier 2005 au 17 août 2007 de la prise en charge de ses frais de séjour à l’EHPAD « E... » ; que l’actif net de sa succession, d’un montant de 392,73 euros, a été appréhendé pour couvrir une faible part de ses dépenses d’hébergement, récupérables au premier euro contrairement à la PSD ; que le président du conseil général du Puy-de-Dôme entend exercer un recours sur la somme de 13 057 euros versée par la CNP en faveur de M. X... en application d’un contrat d’assurance en cas de décès souscrit par Mme X..., sa mère, le 5 janvier 1993 ; qu’à cette fin l’administration, confirmée par les premiers juges, a qualifié ce contrat de donation indirecte ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande (...) » ;
    Considérant, par ailleurs, qu’aux termes de l’article L. 132-12 du code des assurances : « Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré. » ; que le contrat souscrit à cet effet auprès de l’assureur, s’il ne constitue pas une donation au sens de l’article 931 du code civil en tant qu’il n’est pas un acte authentique, peut être néanmoins requalifié de donation indirecte lorsqu’il procède d’une intention libérale du souscripteur ; que l’administration, sous le contrôle du juge, est fondée à rechercher cette intention en vue de récupérer les dépenses d’aide sociale engagées en faveur d’une personne décédée ayant conclu un tel contrat ; que l’intention libérale s’apprécie à la date de souscription du contrat compte tenu notamment de l’âge du souscripteur, de son état de santé, du montant et des modalités des primes stipulées, du rapport des primes versées aux autres placements mobiliers du souscripteur, de l’ensemble des circonstances de l’espèce avérées à la date de la décision du juge de plein contentieux de l’aide sociale et susceptibles d’éclairer la situation à la date de souscription du contrat ;
    Considérant en l’espèce que si Mme X... a souscrit le contrat litigieux à l’âge de 86 ans, elle n’était alors atteinte d’aucune affection affectant son pronostic vital à terme rapproché (elle est d’ailleurs décédée à 99 ans et 7 mois) ; que si le contrat souscrit était, tant lors de la souscription que lors du décès de l’assistée, le principal placement effectué, il était établi moyennant non le versement initial d’une prime importante à la date de la souscription, mais la prévision de primes périodiques d’un montant dont il n’est pas établi, voire même allégué, qu’il fut incompatible avec les revenus fussent-ils modestes de Mme X... ; que d’ailleurs celle-ci a, lorsqu’elle a été placée en établissement pour personnes âgées et qu’après son transfert dans un deuxième puis dans un troisième établissement, prélevé sur les montants alors placés sur le contrat litigieux des sommes qui lui ont permis de concourir aux conséquences de l’augmentation des prix de journée ; que d’ailleurs il n’est ni établi ni même allégué que le bénéficiaire désigné ait accepté sa désignation du vivant de l’assistée ; que dans ces conditions il n’est pas établi que le contrat, à la date où il l’a été souscrit, l’ait été pour consentir une libéralité au bénéficiaire de second rang et non dans un but essentiel de prévoyance et de gestion de ses ressources par Mme X... qui n’a, au demeurant, demandé l’aide sociale que plus de dix ans après la souscription ; que, dans l’ensemble de ces circonstances, l’administration n’établit pas l’intention libérale de l’intéressée en faveur de M. X... et n’était pas fondée à requalifier en donation indirecte le contrat d’assurance vie décès litigieux ; qu’il y a lieu en conséquence d’annuler les décisions attaquées,

Décide

    Art. 1er.  -  Les décisions respectivement des 16 juin 2008 et 7 mai 2009 du président du conseil général du Puy-de-Dôme et de la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme sont annulées en tant qu’elles prévoient de récupérer la somme de 13 057 euros, versée à M. X... en sa qualité de bénéficiaire du contrat d’assurance vie décès souscrit le 5 janvier 1993 par Mme X...
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 3 décembre 2010 où siégeaient M. ROSIER, président, Mme AOUAR, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 24 janvier 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer