Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2320 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Succession - Hypothèque |
Dossiers nos 100839 et 100840
Mlle X... et M. X...
Séance du 11 février 2011
Décision lue en séance publique le 1er mars 2011
Vu 1o et 2o enregistrés à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Paris le 18 juin 2010, les requêtes présentées par Mme S... demeurant Paris énième arrondissement et par Mme T... demeurant Paris énième arrondissement tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler les décisions en date du 12 mars 2010 par lesquelles la commission départementale daide sociale de Paris a refusé dordonner la levée des inscriptions hypothécaires prises sur les biens immobiliers dont sont pour partie propriétaires leurs enfants Mlle X... et M. Y... admis à la charge de laide sociale en foyers dhébergement au titre de laide sociale aux personnes handicapées adultes par les moyens que linscription dhypothèque constitue un détournement de la loi et une erreur de droit compte tenu du fait quen raison de lévolution récente des textes applicables la créance garantie nest pas une créance certaine mais conditionnelle ; que dans la très grande majorité des situations le bénéficiaire de la succession de la personne handicapée est lun de ses deux parents, un enfant ou plus couramment celui qui a assumé la charge effective et constante de lintéressé et quainsi la probabilité de la récupération est extrêmement limitée ; quainsi lesprit de larticle L. 132-9 du code de laction sociale et des familles nest pas respecté en ce que sont transgressées les dispositions spécifiques directement applicables de larticle L. 344-5 du même code ; que linscription dhypothèque va à lencontre de lintention du législateur comme en témoigne lintervention de M. Nicolas ABOUT, sénateur, lors des débats ayant précédé ladoption de larticle 2-1 de la loi du 4 mars 2002 qui entendait permettre à la personne handicapée dutiliser pour ses besoins les ressources que lui laissent ses parents, ce qui serait contredit par linscription dune hypothèque empêchant pratiquement la vente de limmeuble et donc la possibilité den tirer les ressources dont la personne handicapée peut avoir besoin ; que linscription dhypothèque est injuste en ce quelle empêche les requérantes denvisager sereinement lavenir de leurs enfants handicapés après leur décès, en ce qui concerne la couverture de leurs besoins excédant ceux couverts par le minimum de revenus laissé à leur disposition ; quelle conduit à une situation paradoxale où la personne handicapée peut donner ou léguer son bien immobilier mais ne peut le vendre pour se procurer un supplément de ressources ; quelle est doublement discriminatoire en ce quelle ne vise que les biens immobiliers et en ce que larticle 14 du RDAS de Paris prévoit quil nest pas pris dhypothèque lorsque les bénéficiaires sont mariés ou ont des enfants, situation très rarement avérée pour les personnes handicapées mentales doù discrimination entre elles et les personnes handicapées physiques ou sensorielles ; quainsi la prise dhypothèque est contraire au principe constitutionnel de non discrimination ;
Vu les décisions attaquées ;
Vu enregistrés au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 5 août 2010, les mémoires en défense du président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général tendant au rejet de la requête par les motifs que larticle L. 132-9 du code de laction sociale et des familles na pas été modifié après lintervention des lois de mars 2002 et février 2005 et que linscription dhypothèque a donc été prise en toute légalité ; que larticle 14 du RDAS de Paris est issu des dispositions de larticle 99 de la loi de finances pour 1978 qui prévoyait en son III de donner mainlevée de lhypothèque inscrite en application de larticle 148 du code de la famille et de laide sociale à la condition que « le bénéficiaire de laide sociale au titre des personnes handicapées soit marié ou quil ait des enfants » ; que ces dispositions nont été ni codifiées ni intégrées à larticle L. 132-9 ou à larticle L. 344-5 et quainsi la non-extension de ces dispositions plus favorables en matière dinscription dune hypothèque aux personnes handicapées ayant par ailleurs des parents ne paraît pas devoir être relevée comme une lacune dans le RDAS dès lors que ces dispositions qui ne reposent pas sur une base législative constituent désormais une mesure extralégale ; que le principe même dune inscription dune hypothèque sur les biens dune personne handicapée na pas été remis en cause par la jurisprudence dans sa décision du 28 mai 2010 no 330567 ;
Vu enregistré le 13 octobre 2010, les mémoires en réplique présentés pour Mlle X... et M. Y... persistant leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que le conseil dEtat a adopté la même analyse au sujet de linscription dhypothèque légale que celle de la requête dans sa décision du 28 mai 2010 ; que sagissant de linjustice de la situation Mlle X... et M. Y... sont, eu égard à leurs ressources, incapables dépargner et quarrivés à la retraite ils ne toucheront pas plus que le montant à taux plein de lallocation aux adultes handicapés et seront assujettis aux règles de participation aux frais dhébergement des non travailleurs à savoir un « reste à vivre » de 10 % de lAAH ;
Vu enregistré le 8 février 2011, les nouveaux mémoires présentés pour Mlle X... et M. Y... persistant dans leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens et le moyen quil résulte dune lettre du 25 octobre 2010 que le département de Paris adopte une position contraire à celle adoptée par lui dans le cadre de la présente procédure et quil est important de relever sa mauvaise foi quand il soutient quen cas de vente du bien, aucun remboursement ne pourra être réclamé ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code civil ;
Après avoir entendu à laudience publique du 11 février 2011, Mlle ERDMANN, rapporteure, Maître Nadia DLILI, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quil y a lieu de joindre les deux requêtes susvisées de Mme S... et de Mme T... qui présentent à juger les mêmes questions ;
Sans quil soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions aux fins que soit ordonnée la mainlevée des hypothèques inscrites par le président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général ;
Considérant en premier lieu que, comme le relèvent les requérantes elles-mêmes, les dispositions législatives qui ont successivement réduit, sagissant des prestations aux personnes handicapées notamment mentionnées à larticle L. 344-5, le champ des récupérations prévues à larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles ont laissé subsister la possibilité dune récupération contre la succession de la personne handicapée lorsque les héritiers ne sont ni les descendants, ni les ascendants, ni les personnes ayant assumé sa charge effective et constante, hypothèse subsistante susceptible de donner lieu à la mise en uvre de larticle L. 132-9 ; que la créance à récupérer, le cas échéant, ne présente pas un caractère « plus ou moins » certain que celui antérieurement avéré avant la modification de larticle L. 344-5 dans de nombreux cas de figure ; quainsi la limitation du champ des récupérations possibles en vertu de larticle L. 132-8 nest pas, par elle-même, de nature à rendre caduques les dispositions de larticle L. 132-9 qui nont pas été abrogées ;
Considérant en deuxième lieu que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, linscription dhypothèque nempêche pas les familles des personnes handicapées de pourvoir à la gestion du patrimoine de celles-ci dans des conditions telles que leur sécurité financière soit assurée, notamment après le décès de leurs parents, permettant de disposer du patrimoine provenant de la vente dun bien immobilier ; quen effet dans le cas où un bien appartenant totalement ou partiellement à la personne handicapée doit être mis en vente ladministration nest pas fondée à subordonner la mainlevée de lhypothèque quil lui appartient daccorder au remboursement préalable des prestations daide sociale antérieurement avancées ; quainsi le moyen tiré de ce que linscription dhypothèque irait à lencontre de lintention du législateur, manifestée lors des travaux préparatoires de la loi du 4 mars 2002, de permettre à la personne handicapée dutiliser pour ses besoins les ressources, notamment en capital, constituées de biens immobiliers que leur ont laissés leurs parents nest en tout état de cause pas fondé ;
Considérant en troisième lieu quen tant que les requérantes mettent en cause « labsurdité » de la situation résultant de la législation actuelle, il ne sagit pas, tel que le moyen est formulé, dune contestation appuyée sur un moyen de droit étayant ce constat ;
Considérant en quatrième lieu quen tant que les requérantes font valoir une situation discriminatoire entre les personnes handicapées possédant des biens immobiliers et celles qui ne possèdent que des biens mobiliers au titre desquels aucune hypothèque ne peut être inscrite, elles ne soulèvent aucune question prioritaire de constitutionnalité des dispositions législatives applicables en ce quelles limitent ainsi le champ de linscription dhypothèque ; que dans ces conditions, il nappartient pas au juge de laide sociale de faire échec à lapplication desdites dispositions ;
Considérant en cinquième lieu que les requérantes entendent contester par la voie de lexception la légalité des décisions attaquées en ce quelles ont fait application des dispositions de larticle 14 du règlement départemental daide sociale de Paris selon lesquelles « concernant les handicapés il nest pas pris dhypothèque lorsque les bénéficiaires de laide sociale sont mariés ou ont des enfants » en faisant valoir que ces dispositions omettent les parents et les personnes qui ont eu la charge effective et constante de la personne handicapée, situations dans lesquelles aucune récupération contre la succession nest possible et que, par ailleurs, ces dispositions pourraient être regardées comme introduisant une discrimination entre personnes handicapées physiques et personnes handicapées mentales ;
Considérant dabord que les requérantes sont à lheure actuelle des personnes à la fois parents de la personne handicapée et personnes en assumant la charge effective et constante ; quainsi les dispositions précitées qui sont dailleurs issues des dispositions de larticle 99 de la loi de finances pour 1978 prescrivant la mainlevée des hypothèques alors inscrites à la condition que le bénéficiaire de laide sociale aux personnes handicapées « soit marié ou quil ait des enfants » ne sauraient, en tout état de cause, être utilement invoquées en tant quelles nont pas été actualisées pour ajouter au cas de non-inscription dhypothèque celui où la personne handicapée a ses parents ou la personne qui en a la charge effective et constante, dès lors, quen toute hypothèse, linscription demeure justifiée en ce que les frères ou surs des personnes handicapées dont il ne serait pas allégué quils assument la charge effective et constante de celle-ci sont également susceptibles de bénéficier de la succession de la personne handicapée lors de son décès ;
Considérant, par ailleurs, que dans la mesure où le moyen entendrait soulever la violation du principe dégalité entre personnes handicapées physiques et mentales au motif que les secondes sont plus rarement mariées et/ou ont des enfants, il nest pas contesté que si labsence de mariage ou de descendants est plus fréquente chez les personnes handicapées mentales, elle nest pas toujours effective ; que dans ces conditions, à supposer même que si les dispositions de larticle 14 du règlement départemental daide sociale de Paris seraient amenées à sappliquer plus fréquemment en ce qui concerne les personnes handicapées physiques, elles nont pas méconnu le principe dégalité dès lors que les personnes célibataires sans enfant sont dans une situation différente de celles mariées et/ou avec des enfants et que le principe dégalité nimpose pas de traiter également des situations différentes ;
Considérant, il est vrai, que les requérants se prévalent dune lettre du département de Paris du 25 octobre 2010, postérieure aux décisions de la commission centrale daide sociale et du Conseil dEtat dont fait état le département dans sa défense qui confirmerait sa position antérieure, contraire à cette jurisprudence, non en refusant la mainlevée mais en sollicitant des renseignements sur le placement envisagé du montant de la cession ;
Mais considérant quil appartiendrait aux requérants de déférer toute décision illégale leur faisant grief à la juridiction compétente ; quainsi le moyen formulé dans le mémoire enregistré le 8 février 2011 est inopérant ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que les requêtes susvisées ne peuvent être que rejetées,
Décide
Art. 1er. - Les requêtes susvisées de Mme S... et de Mme T... sont rejetées.
Art. 2. - La présente décision sera transmise à la ministre de lécologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 11 février 2011 où siégeaient M. LEVY, président, Mme AOUAR, assesseure, Mlle ERDMANN, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 1er mars 2011.
La République mande et ordonne au ministre de lécologie, du développement durable, des transports et du logement, au ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer