Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

3200
 
  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Répétition de l’indu - Vie maritale
 

Dossier no 080910

Mme X...
Séance du 30 septembre 2009

Décision lue en séance publique le 20 novembre 2009

    Vu enregistré à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Haute-Garonne le 28 mars 2008 et le 17 avril 2008, le recours et le mémoire présentés par Mme X... qui demande l’annulation de la décision en date du 11 février 2008 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision du 28 mai 2005 du président du conseil général de la Haute-Garonne qui a prononcé sa radiation du revenu minimum d’insertion ;
    La requérante conteste la décision motivée par la vie maritale ; elle affirme qu’elle vivait seule dans un appartement séparé ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense en date du 2 juin 2008 du président du conseil général de la Haute-Garonne qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que Mme X... conteste la fin de droit qui lui a été notifiée le 28 mai 2005 et la mutation de son dossier à la caisse de la mutualité sociale agricole ; que l’organisme payeur était fondé à un nouveau calcul des droits en prenant en compte les ressources de M. Y... ; que l’organisme payeur a sollicité une enquête en date du 11 janvier 2005 qui a conclu le 27 mars 2006 à l’impossibilité de rencontrer l’intéressée ; que les éléments transmis par l’intéressée en 2008 peuvent faire douter de la sincérité de leur valeur ;
    Vu le mémoire en réplique en date du 2 septembre 2008 de Maître A..., pour Mme X... qui fait valoir que celle-ci n’a pas rempli l’attestation indiquant une vie maritale avec M. Y... avec la lucidité requise ; que le formulaire est pré-rempli et que seuls les termes « ni pacsée, ni mariée » avaient attiré son attention ; que cette absence de vigilance est attestée par le fait que l’intéressée a renseigné qu’elle avait à sa charge ses trois enfants adultes ; que le contrôleur a déduit hâtivement neuf mois après la période litigieuse, du simple fait qu’il n’a pas rencontré la requérante entre le 12 janvier 2006 et le 1er mars 2006, laquelle avait repris une activité salariale, qu’elle n’avait pas droit à l’allocation de revenu minimum d’insertion ; il demande l’annulation du trop perçu mis à la charge de Mme X... ;
    Vu le nouveau mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Garonne en date du 7 octobre 2008 qui conclut au rejet de la requête pour irrecevabilité, dans la mesure où elle a contesté la décision de fin de droit et non la répétition de l’indu de 13 649,76 euros ; le président du conseil général fait valoir à titre subsidiaire que l’indu a été généré par le défaut de déclaration d’une vie maritale avec M. Y... ; qu’elle a signé une attestation où elle indiquait vivre maritalement ; que le rapport de contrôle a été effectué par un agent assermenté ; que Mme X... a entravé la mission de contrôle en ne répondant pas aux différentes demandes de rencontre ; que le contrôleur ne s’est pas immiscé dans sa vie privée et n’a fait qu’exercer la mission qui lui a été dévolue ;
    Vu le mémoire en réplique en date du 18 décembre 2008 de Maître A..., pour Mme X... qui conclut à une erreur manifeste d’appréciation de l’agent de contrôle sur la réalité de sa situation qui n’entache en rien sa prestation de serment ; que Mme X... ait demandé par courrier recommandé le 3 juin 2005 la transmission de son dossier est la preuve qu’elle a contesté le bien fondé de l’indu qui a été mis à sa charge ; que la non transmission est une violation du principe du contradictoire ; que les prétentions du président du président du conseil général sur l’expiration du délai sur le moyen de l’annulation du trop perçu contrevient au droit de la requérante de faire entendre sa cause ;
    Vu le nouveau mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Garonne en date du 5 février 2009 qui réitère les précédentes conclusions ; le président du conseil général fait valoir sur le manque de lucidité et la confusion de Mme X... que celle-ci n’apporte pas la preuve qu’elle devait « relever d’une mesure de protection » ;
    Vu le nouveau mémoire en réplique de Maitre A... en date du 9 mars 2009 qui réitère ses précédentes conclusions et indique que Mme X... n’a jamais prétendu relever d’une mesure de majeur protégé mais avait voulu mettre l’accent sur le caractère confus du questionnaire susceptible de générer des erreurs d’interprétation pour une personne non avertie ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 et les décrets subséquents modifiés ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 30 septembre 2009, M. BENHALLA, rapporteur, Mme S..., pour le département de la Haute-Garonne, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 115-1 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation de l’économie et de l’emploi, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. A cet effet, un revenu minimum d’insertion est mis en œuvre (...). » ; qu’aux termes de l’article L. 262-l du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources (...) n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit à un revenu minimum d’insertion » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou, par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. ». Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39 (...). Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. « La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration. » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article R. 262-3 du même code : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent (...) l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-10 du même code : « L’ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d’insertion est pris en compte pour le calcul de l’allocation » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-33 du même code : « Pour l’exercice de leur mission, les organismes payeurs (...) vérifient les déclarations des bénéficiaires, à cette fin, ils peuvent demander toutes les informations nécessaires aux administrations publiques, et notamment aux administrations financières, aux collectivités territoriales, aux organismes de sécurité sociale, de retraite complémentaire et d’indemnisation du chômage ainsi qu’aux organismes publics ou privés concourant aux dispositif d’insertion ou versant des rémunérations au titre de l’aide à l’emploi, qui sont tenus de les leur communiquer (...) » ;
    Considérant qu’il ressort de l’instruction que Mme X... a été admise au revenu minimum d’insertion en mars 2003 au titre d’une personne isolée ; que le 8 mars 2005, elle a signé une attestation sur l’honneur indiquant qu’elle vivait avec M. Y..., agriculteur de son état depuis février 2003 ; que par suite l’organisme payeur lui a notifié, par décision en date du 18 mai 2005, un trop perçu de 13 649,76 euros, résultant d’un trop perçu d’allocations de revenu minimum d’insertion pour la période de mars 2003 avril 2005 et le transfert de son dossier à la Mutualité sociale agricole ; que l’indu aurait été généré par la circonstance de la vie maritale non déclarée ; que par une autre décision en date du 28 mai 2005, il a été notifié à l’intéressée une fin de droit du revenu minimum d’insertion ;
    Considérant que par courrier en date du 3 juin 2006, Mme X... a contesté auprès de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne la décision du 28 mai 2005 de fin de droit du revenu minimum d’insertion ; que l’organisme payeur a sollicité une enquête le 11 janvier 2006 pour vérifier la portée de l’existence de la vie maritale ; que cette enquête a conclu à l’impossibilité de rencontrer l’intéressée ; que par décision en date du 11 février 2008 la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne a rejeté son recours ;
    Sur le moyen de la recevabilité du recours ;
    Considérant qu’il ressort des règles générales de la procédure contentieuse que la juridiction d’appel ne peut statuer que dans la mesure et dans la limite de ce qui a été soumis à la juridiction du premier degré ; que l’appel est une voie de réformation du jugement de première instance auquel est attaché un effet dévolutif qui implique qu’il n’est dévolu qu’autant qu’il a été jugé ; qu’en l’espèce seule la décision de fin de droit a été soumise à la commission départementale d’aide sociale ; qu’ainsi la juridiction d’appel est tenue d’apprécier le bien-fondé de la décision attaquée ; qu’il en résulte que la commission centrale d’aide sociale ne peut se prononcer sur la demande d’annulation de l’indu de 13 649,76 euros découlant de la constatation de vie maritale, qui a fait l’objet d’une décision distincte en date du 18 mai 2005, qui bien que présentant des liens connexes avec le litige en cause, n’a pas été soumise à l’appréciation du juge du premier degré ; qu’ainsi l’ensemble des conclusions tant de l’appelant que du défendeur sont irrecevables ; que seuls les moyens s’attachant à la cause de la décision en date du 28 mai 2005, objet du présent litige, sont recevables ;
    Sur la vie maritale ;
    Considérant que pour l’application des dispositions législatives et réglementaires pertinentes relatives à l’allocation de revenu minimum d’insertion, la situation de vie maritale requiert l’existence de liens d’intimité dont il ressort nécessairement la constitution d’un foyer présentant les caractères de continuité et de stabilité ; qu’elle ne saurait être déduite du seul fait d’indices indiquant une communauté d’intérêts ; qu’en pareils cas, il appartient à l’administration de rapporter la preuve que par delà des liens d’une communauté d’intérêts, il y a constitution d’un véritable foyer présentant les caractéristiques d’intimité, de continuité et de stabilité ;
    Considérant en premier lieu, que la décision en date du 11 février 2008 de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne a été motivée le fait que « l’intéressée ne conteste pas utilement l’argument avancé par le président du conseil général à savoir la vie maritale » ; que par ailleurs, la juridiction inscrit dans le dispositif de sa décision que le conseil général « a transmis le dossier le 4 février 2008, soit postérieurement aux délais qui lui avaient été impartis, ce qui n’a pas permis de mettre en œuvre la procédure du contradictoire » ; que Mme X... n’a pas été entendue ; que dans sa lettre de recours elle a demandé à prendre connaissance du dossier ; qu’ainsi la décision est entachée d’irrégularité ; que le moyen du président du conseil général de la Haute-Garonne sur la valeur des éléments transmis par l’intéressée est infondé et doit être rejeté ;
    Considérant en second lieu, que Mme X... dès réception de la décision de la commission départementale d’aide sociale a contesté la vie maritale par courrier en date du 26 mars 2008 et a produit un contrat de bail daté du 1er janvier 2003 entre elle-même et M. Y..., ainsi que diverses quittances de loyer ; qu’elle soutient que l’attestation sur l’honneur qu’elle a signée est le fait d’une erreur de compréhension et qu’elle a ainsi déclaré ses enfants à charge alors qu’ils ne le sont pas ;
    Considérant en troisième lieu, que le rapport de contrôle du 11 janvier 2006 entrepris pour vérifier la portée de l’existence de la vie maritale n’apporte aucun élément ; que le contrôleur n’a pas rencontré l’allocataire et s’est borné à noter : « que depuis le 1er mars 2006 ses ressources font obstacle au versement du revenu minimum d’insertion » ; que le rapport ne mentionne pas une quelconque vie maritale ; qu’il a proposé une suspension du droit au revenu minimum d’insertion et une surveillance à deux mois et éventuellement de soumettre au président du conseil général pour une éventuelle fin de droit ; que les conclusions tant de l’appelant et que du défendeur sur les missions du contrôle de l’organisme payeur et une éventuelle erreur d’appréciation du contrôleur sont inopérantes et doivent être écartées ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la vie maritale au sens d’un foyer stable et continu entre Mme X... et M. Y... n’est pas établie de façon certaine ; qu’ainsi tant la décision en date du 28 mai 2005 du président du conseil général de la Haute-Garonne qui a prononcé sa radiation du revenu minimum d’insertion que la décision en date du 11 février 2008 de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne encourent l’annulation avec toutes les conséquences de droit qui peuvent en être tirées ; qu’il y a lieu de renvoyer Mme X... devant le président du conseil général de la Haute-Garonne pour un nouvel examen de ses droits conformément à la présente décision,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision en date du 11 février 2008 de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne, ensemble la décision en date du 28 mai 2005 du président du conseil général de la Haute-Garonne sont annulées.
    Art. 2.  -  Mme X... est renvoyée devant le président du conseil général de la Haute-Garonne pour un nouvel examen de l’ensemble de ses droits.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 septembre 2009 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, et M. BENHALLA, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 20 novembre 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer