Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance vie |
Dossier no 091095
M. X...
Séance du 5 mai 2010
Décision lue en séance publique le 10 août 2010
Vu le recours formé le 10 juillet 2009 par M. le président du conseil général des Yvelines, tendant à lannulation dune décision, en date du 27 mai 2009, par laquelle la commission départementale daide sociale des Yvelines a annulé sa décision, en date du 24 mars 2009, de récupérer la somme de 35 584,11 euros, à lencontre de la bénéficiaire dun contrat assurance vie requalifié en donation, au titre des sommes avancées par le département à M. X... bénéficiaire de laide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais débergement à lEHPAD E... de V..., du 3 juillet 2001 au 10 août 2008, date de son décès, au motif que lintention libérale nétait pas démontrée ;
Le requérant demande lannulation de cette décision et le rétablissement de la récupération à lencontre de la donataire ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en appel, en date du 10 juillet 2009, du président du conseil général des Yvelines ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les lettres en date du 29 juillet 2009 du secrétaire général de la commission centrale daide sociale informant les parties de la possibilité dêtre entendues ;
Vu la lettre en date du 9 avril 2010 informant Mme Y... de la date de la séance de jugement ;
Après avoir entendu en séance publique le 5 mai 2010, Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, et les observations orales de Mme Y... qui avait demandé à être entendue et avoir délibéré, hors de la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes des dispositions de larticle L. 132-8, 1o du code de laction sociale et des familles « , »Des recours sont exercés par ladministration (...) sur la succession du bénéficiaire de laide sociale » quaux termes du 2o dudit article « , »Des recours sont exercés par ladministration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande « ; quaux termes de larticle R. 132-12 du code de laction sociale et des familles » Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale » ;
Considérant par ailleurs, quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui laccepte » ; quun contrat dassurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant toutefois que ladministration et les juridictions de laide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de laide judiciaire ; quà ce titre, un contrat dassurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil résulte de linstruction que M. X..., célibataire et sans enfant, était placé depuis le 3 juillet 2001 à létablissement dhébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) E... de V... ; que ses ressources étant insuffisantes en labsence par ailleurs dobligé alimentaire, pour subvenir à ses frais dhébergement, M. X... a bénéficié de la prise en charge par laide sociale aux personnes âgées des frais non couverts du 3 juillet 2001 au 10 août 2008, date de son décès ; que les sommes qui lui ont été avancées à ce titre par le département pour lensemble de la période se sont élevées à 37.927,58 euros ; que par ailleurs, M. X... a également bénéficié du 1er janvier 2002 au 10 août 2008 dune allocation personnalisée dautonomie en établissement ; que M. X... est décédé le 10 août 2008 et que lactif net successoral sest élevé à 2 343,47 euros ; que M. X... - né le 6 septembre 1913 - avait souscrit le 31 mars 1993 un contrat dassurance vie pour un montant de prime versée de 23 566 euros ; que le président du conseil général des Yvelines, en se fondant sur lâge de celui-ci, à la date de souscription du contrat dassurance vie (80 ans), rapproché de sa durée, ainsi que sur la prime versée et la bénéficiaire désignée, sa nièce (requérante devant la commission départementale) - alors même quen labsence dobligé alimentaire, il a dû solliciter les avances de laide sociale départementale pour subvenir à ses frais dhébergement à lEHPAD de V... - a estimé que M. X... avait bien fait preuve dune intention libérale à son égard et que légalement, il pouvait en déduire que cette dernière devait être regardée comme la bénéficiaire dune donation ; que par décision, en date du 24 mars 2009, ledit président a prononcé la récupération de la totalité de la créance départementale dune part sur la succession à concurrence de lactif net successoral, soit 2 343,47 euros, dautre part à lencontre de la donataire pour le solde de 35.584,11 euros ; que celle-ci ayant contesté la requalification en donation du contrat assurance vie souscrit par son oncle, la commission départementale daide sociale des Yvelines, par décision en date du 27 mai 2009, a confirmé la récupération sur la succession mais, estimant que lintention libérale nétait pas démontrée, a prononcé labandon de la récupération à lencontre de la donataire ;
Considérant quil ressort des pièces figurant au dossier que M. X... était titulaire dune retraite mensuelle de lordre de 1 524 euros et à son entrée à lEHPAD de V..., le 3 juillet 2001, de comptes, livrets et trois contrats assurance vie souscrits en 1987 et 1990 pour un montant de 25 144,67 euros ainsi que dun contrat assurance vie dun montant de 28 061,08 euros, souscrit le 31 mars 1993 au profit de sa nièce, Mme Y... par le versement dune prime de 23 566 euros ; quà la date de son placement, le montant du capital investi, tous supports confondus, par M. X... sélevait donc à 53 205,75 euros ; qu à son décès à lâge de 95 ans, le capital du contrat souscrit au profit de sa nièce sest élevé à 37 300 euros ; que dès son entrée en établissement, M. X... a bénéficié de la prise en charge de ses frais dhébergement jusquà son décès ; que pendant cette période, M. X... na pas mobilisé les produits du capital placé sur le contrat assurance vie susmentionné pour augmenter ses ressources - dont 90 % étaient soumis au prélèvement légal affecté au règlement de ses frais dhébergement - et alléger la contribution de la collectivité publique qui sest ainsi élevée à 37 927,58 euros ; que par ailleurs, à loccasion du renouvellement de sa prise en charge par laide sociale départementale, le 27 juillet 2007, M. X... a bénéficié dune aide à la mutualisation - dont loctroi est subordonné à une condition de ressources - au vu de « la réduction du capital déclaré » par celui-ci lors de son placement « à la somme de 318,50 euros détenue sur le livret A » ; quà son décès, lactif net successoral sélevait à 2 343,47 euros et sa nièce et donataire qui, par ailleurs navait été tenue à aucune obligation alimentaire à légard de son oncle, a perçu lintégralité du capital placé sur le contrat assurance vie souscrit à son profit (37 300 euros), soit quasiment léquivalent des sommes qui ont été avancées par le département (37 927,58 euros), au titre de la seule aide sociale aux personnes âgées, lallocation personnalisée dautonomie en établissement dont a également bénéficié M. X... ne constituant pas une créance départementale récupérable ;
Considérant que la donation a bien été effectuée dans la période définie par larticle 132-8 susmentionné et quaucun seuil de récupération nest opposable en ce qui concerne les recours relatifs à la créance départementale au titre de laide sociale à lhébergement ; que la circonstance invoquée en séance par la donataire que la somme avancée à son oncle par le département ne représente pas grand chose dans le budget départemental nest pas de nature à remettre en cause le droit du département - reconnu par la loi - à récupérer sa créance et, en loccurrence, à lempêcher dexercer ce droit à lencontre de la donataire de M. X... ; que, cest donc à tort que la commission départementale daide sociale des Yvelines, a annulé la décision du Président du conseil général des Yvelines en décidant labandon de la récupération de la créance départementale à lencontre de la donataire en estimant que lintention libérale nétait pas démontrée et en ne maintenant que la récupération sur la succession de M. X... ; que la décision, en date du 27 mai 2009, doit être annulée et le recours susvisé accueilli ;
Considérant cependant que, ladite décision du président du conseil général des Yvelines ayant fixé le montant de la récupération à lencontre de la donataire sur la base du montant du capital libéré par le décès de M. X..., la somme qui fait lobjet de cette récupération dépasse le montant de la donation à prendre en compte qui doit être celui de la prime versée, seule constitutive de lintention libérale, soit la somme de 23 566 euros ; que la créance départementale sélève bien à 37 927,58 euros et que celle-ci est récupérable - dans la limite de lactif net successoral de M. X..., augmenté du montant de la donation que constitue la prime versée lors de la souscription du contrat en cause - à concurrence dun montant total de 25 909,67 euros ; quaprès récupération de la somme de 2 343,67 euros sur lactif net successoral, le reliquat de la créance qui peut être récupéré à lencontre de la donataire est égal au montant de la prime versée, soit 23 566 euros, que dans ces conditions, la décision du président du conseil général des Yvelines, en date du 24 mars 2009, doit être annulée, en ce quelle a fixé le montant de la récupération à lencontre de la bénéficiaire du contrat assurance vie requalifié en donation à 35 584,11 euros sur la base du capital perçu par celle-ci, et son montant fixé à 23 566 euros, en complément du montant de 2 343,67 euros récupéré sur la succession de M. X...,
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale des Yvelines, en date du 27 mai 2009, est annulée, en tant quelle prononce labandon de la récupération de la créance départementale à lencontre de la donataire.
Art. 2. - La décision du président du conseil général des Yvelines en date du 24 mars 2009 est annulée en ce quelle fixe la récupération à lencontre de la donataire à 35 584,11 euros.
Art. 3. - La récupération à lencontre de la donataire est fixée à 23 566 euros, en complément du montant de 2 343,67 euros récupéré sur la succession de M. X....
Art. 4. - Le surplus des conclusions est rejeté.
Art. 5. - La présente décision sera transmise au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 5 mai 2010 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. CENTLIVRE, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 10 août 2010
La République mande et ordonne au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer