Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Récupération sur donation - Assurance vie
 

Dossier no 091086

Mme X...
Séance du 24 février 2010

Décision lue en séance publique le 9 août 2010

    Vu le recours formé le 4 mars 2009 par M. Y... et Mme Y..., tendant à l’annulation d’une décision, en date du 8 janvier 2009, par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme a confirmé la décision du président du conseil général du Puy-de-Dôme, en date du 13 juin 2008, de récupérer à l’encontre des bénéficiaires des contrats assurance vie souscrits par Mme X..., la somme de 6 848,05 euros avancée à celle-ci par le département au titre de son admission à l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais d’hébergement en maison de retraite pour la période du 1er septembre 2005 au 10 janvier 2007, date de son décès ;
    Les requérants contestent cette décision, soutenant qu’ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient acquitter la somme de 3 424,02 euros chacun, compte tenu de la gestion de la tutrice de Mme X... qu’il conteste et de l’action en justice intentée contre eux et celle-ci par les enfants de Mme X... ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général du Puy-de-Dôme, en date du 20 juillet 2009 proposant le maintien de la décision ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres en date du 29 juillet 2009, du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu en séance publique du 24 février 2010, Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, et après en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la loi no 97-60 du 24 janvier 1997, la prestation spécifique dépendance se cumule avec les ressources de l’intéressé, le cas échéant, de son conjoint ou de son concubin, dans la limite de plafonds fixés par décret ; que pour l’appréciation des ressources de l’intéressé et, le cas échéant, de son conjoint ou de son concubin, il est tenu compte de l’ensemble des revenus et de la valeur en capital des biens non productifs de revenus évalués dans les conditions fixées par l’article 6 du décret no 97-426 du 28 avril 1997 applicable à la date des faits, à l’exception des revenus énumérés aux alinéas 3 et 5 de l’article 6 de ladite loi et à l’article 6 (2o) dudit décret ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 141 du code l’action sociale et des familles applicable à la date des faits - devenu l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles - il sera tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de valeur en capital des biens non productifs de revenu qui sera évaluée dans les conditions fixées par règlement d’administration publique ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes des dispositions du b) de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale applicable à la date des faits, devenu l’article L. 132-8, 2 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration... contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret 61-495 du 15 mai 1961, « ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... avait été placée à la maison de retraite d’Aigueperse à compter du 16 octobre 2003 ; que ses ressources étant insuffisantes pour couvrir ses frais d’hébergement, Mme T..., désignée gérante de tutelle de Mme X... par jugement du tribunal d’instance de Riom, en date du 24 mai 2004, a déposé, le 24 octobre 2005, une demande d’admission de celle-ci au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées ; que, par décision en date du 7 mars 2006, Mme X... a ainsi bénéficié d’une prise en charge des frais non couverts pour la période du 1er septembre 2005 au 10 janvier 2007, date de son décès ; que les sommes qui lui ont été avancées à ce titre par le département se sont élevées au total à 6 848,05 euros ; que Mme X... - née le 18 novembre 1918 - avait souscrit deux contrats assurance vie en 1994 et 1995 par le versement de primes respectivement de 13 684,39 euros et 15 553,12 euros et un troisième contrat en 2002 par le versement d’une prime de 20 000 euros, au profit exclusif d’un couple de voisins, les requérants (désignés en 2002, à la suite du décès de son fils précédemment bénéficiaire désigné pour les deux premiers contrats) auxquels, elle avait, le 30 avril 2002, vendu en viager sa maison d’habitation moyennant une rente viagère de 305 euros par mois ; que le département, en se fondant sur l’âge de celle-ci aux dates de souscription des contrats (76, 77 et 84 ans), rapproché de leur durée, ainsi que sur l’importance des primes versées et les bénéficiaires désignés - a estimé que Mme X... avait bien fait preuve d’une intention libérale à leur égard et que légalement, elle pouvait en déduire que ces derniers devaient être regardés comme les bénéficiaires d’une donation ; que par décision, en date du 13 juin 2008, le président du conseil général du Puy-de-Dôme a prononcé la récupération à l’encontre des donataires de l’intégralité de la somme de 6 848,05 euros avancée à Mme X... au titre de l’aide sociale aux personnes âgées du 1er septembre 2005 au 10 janvier 2007 ; que cette décision a été confirmée par la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme par décision, en date du 8 janvier 2009 ;
    Considérant qu’il ressort des pièces figurant au dossier que Mme X... avait investi la somme de 29 237,51 euros dans la souscription des deux premiers contrats assurance vie ; que ses ressources ne suffisant pas à couvrir la totalité de ses frais d’hébergement, la gérante de tutelle ayant dû envisager, de procéder au rachat des desdits contrats, a contacté l’organisme gestionnaire pour communication des bénéficiaires désignés ; que par courrier en date du 22 mars 2004, celui-ci lui précisait en réponse que M. et Mme Y..., les bénéficiaires désignés, s’étaient portés bénéficiaires acceptants des deux contrats ; que par lettre recommandée avec accusé de réception, en date du 27 septembre 2004, la gérante de tutelle informait les requérants de son obligation de racheter les deux premiers contrats souscrits pour faire face aux difficultés financières de Mme X... et leur demandait de lui faire parvenir par retour du courrier leur accord pour procéder aux opérations de clôture, faute de quoi elle serait dans l’obligation d’intenter une action en justice pour abus de faiblesse à l’égard d’une personne âgée et annulation des actes passés par Mme X... à leur profit ; que par courrier en date du 5 octobre 2004, les requérants se disaient - bien que « surpris » par ce courrier - prêts à accepter, « si besoin, un rachat partiel sur un des deux contrats sur présentation d’un justificatif de sa part » ; que ces derniers estimant, à réception des justificatifs concernant les charges et les ressources de Mme X..., qu’ils constituaient de par le montant des charges des « faux et usages de faux » et que - compte tenu de l’ensemble de ses ressources et de l’existence d’un fils pouvant être obligé alimentaire - Mme X... ne justifiait pas d’une admission à l’aide sociale aux personnes âgées, refusaient de donner leur accord au rachat ; que par courrier, en date du 6 septembre 2005, l’agence bancaire gestionnaire du troisième contrat assurance vie, informait la gérante de tutelle du refus des requérants de donner leur accord à son rachat ;
    Considérant que Mme X... n’avait pas d’obligés alimentaires identifiés ; qu’en effet le fils connu de Mme X... était décédé après la souscription des deux premiers contrats assurance vie ; que, cependant, elle avait eu deux autres enfants - un fils, Z..., et une fille, M..., nés respectivement en 1937 et 1940 - qui avaient été placés à la DDASS ; qu’en 2003, après 63 années de rupture, son fils, avait repris contact avec sa mère ; que, néanmoins, compte tenu du caractère récent de cette prise de contact, de l’absence de renseignement sur la fille, de la circonstance de leur placement, la gérante de tutelle ne disposait que de peu d’éléments (adresse du fils) qu’elle transmit au département en vue d’une éventuelle participation aux frais d’hébergement de leur mère ; que dans ces conditions, malgré la mise en location d’une maison appartenant à Mme X... à Aigueperse pour un loyer mensuel de 475 euros, celle-ci s’est trouvée dans l’obligation de déposer une demande d’aide sociale pour couvrir le déficit de ressources de l’ordre de 750 euros, par rapport à l’ensemble des charges incombant à Mme X... au-delà de son placement ; que par suite du refus des requérants de procéder au rachat des contrats assurance vie, le département a dû avancer à Mme X... la somme de 6 648,05 euros pour lui garantir son maintien à l’EHPAD d’Aigueperse jusqu’à son décès ; qu’il n’appartient aux commissions d’aide sociale de statuer sur le bien-fondé de cette prise en charge et de la qualité de gestion de la gérante de tutelle qui relèvent, le cas échéant, de la compétence du juge judiciaire qui a d’ailleurs été déjà saisi par les héritiers de Mme X... ; que, dans ces conditions, la commission départementale d’aide sociale du Puy-de-Dôme a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en maintenant la décision du président du conseil général du Puy-de-Dôme, en date du 13 juin 2008, de requalifier les contrats assurance vie en donation et de prononcer la récupération de la somme de 6 648,05 euros à l’encontre des donataires ; que, dès lors, le recours susvisé doit être rejeté,

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 24 février 2010 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. VIEU, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 9 août 2010.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer