Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
3330 |
AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA) | ||
Mots clés : ASPA - Prestation spécifique dépendance (PSD) - Recours en récupération - Donation |
Dossier no 080289
Mme X...
Séance du 28 octobre 2009
Décision lue en séance publique le 20 novembre 2009
Vu le recours formé le 3 février 2008 par Mme Y..., tendant à lannulation dune décision, en date du 30 octobre 2007, par laquelle la commission départementale daide sociale de lAisne a maintenu la décision de la commission dadmission à laide sociale de R..., en date du 10 octobre 2006, de récupérer à lencontre des donataires de Mme X... la somme de 31 233,88 euros qui lui a été avancée par le département au titre, dune part, des services ménagers à domicile pour la période du 1er janvier 1995 au 2 août 2000 et, dautre part, de la prestation spécifique dépendance à domicile du 3 août 2000 au 3 août 2002 ;
La requérante conteste cette décision, soutenant que sa mère avait des ressources modestes, que largent placé par sa mère provenait de lhéritage dune fille et quelle-même nétait pas au courant de ces contrats, ayant trouvé les papiers après son décès.
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense du président du conseil général en date du 2 juin 2008 proposant le maintien de la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu les lettres, en date du 4 avril 2008, du secrétaire général de la commission centrale daide sociale informant les parties de la possibilité dêtre entendues ;
Après avoir entendu en séance publique Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, à laudience du 28 octobre 2009, et en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes des dispositions de larticle 146 (b) du code de la famille et de laide sociale applicable à la date des faits, devenu larticle L. 132-8, 2 du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés par ladministration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; quaux termes de larticle 4 du décret no 61-495 du 15 mai 1961 devenu larticle R. 132-11 dudit code : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale. En cas de donation, le recours est exercé jusquà concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de laide sociale, appréciée au jour de lintroduction du recours, déduction faite, le cas échéant, des plus-values résultant des impenses ou du travail du donataire » ;
Considérant, dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui laccepte » ; quun contrat dassurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant toutefois que ladministration et les juridictions de laide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de laide judiciaire ; quà ce titre, un contrat dassurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil résulte de linstruction que Mme X... a bénéficié à partir du 1er janvier 1995 au 2 août 2000 des services ménagers à domicile pour un montant total de 13 420,00 euros, puis du 3 août 2000 au 2 août 2002 dune prestation spécifique dépendance à domicile pour un montant de 17 813,88 euros ; que les sommes qui lui ont été avancées par le département au titre de ces deux prestations se sont élevées au total à 31 233,88 euros ; quil ressort de la déclaration de succession transmise par le notaire chargé de sa succession, que Mme X..., décédée le 20 mars 2005, avait souscrit plusieurs contrats dassurance-vie au profit de deux de ses enfants, trois contrats le 8 avril 1998, par le versement de trois primes de 12 958 euros, 11 687 euros et 5.844 euros (soit un total de 30 489 euros) puis deux nouveaux contrats, le 25 janvier 2002, par le versement de deux primes de 4 600 euros et 2 300 euros (soit un total de 6 900 euros) ; que le montant total des primes versées au titre de lensemble des contrats sest élevé à 37 389 euros, dont 29 245 euros au profit de la requérante et 8 144 euros au profit de son autre fille, Mme Z..., alors que Mme X... avait également un fils, décédé le 10 janvier 2003, et de ce même fils 5 petits-enfants et 4 arrière-petits-enfants nés en 1976, 1977, 1980 et 1999 ; quà son décès, lactif net successoral sest élevé à 1 705,79 euros ;
Considérant quen se fondant sur lâge de Mme X..., née le 16 octobre 1907, aux dates de souscription des contrats dassurance-vie (91 et 95 ans), rapprochés de leur durée, ainsi que sur limportance des primes versées par rapport à ses ressources (410 euros par mois et bénéficiaire du Fonds de solidarité vieillesse) et les bénéficiaires désignées, la commission dadmission à laide sociale de R... a estimé, au vu de lensemble de ces éléments, quil y avait eu manifestation dune intention libérale de la part de celle-ci et que légalement, elle pouvait en déduire que les bénéficiaires désignées devaient être regardées comme bénéficiaires dune donation, à lencontre desquelles un recours en récupération de la créance départementale pouvait être exercé, et, en conséquence, prononcé, par décision, en date du 10 juin 2006, la récupération de la créance départementale de 31 233,88 euros sur les donataires au prorata des primes versées sur les contrats conclus par leur mère au profit de chacune delles perçues, soit 24 430,47 euros pour la requérante et 6 803,41 euros pour Mme Z... ; que cette décision a été confirmée par décision en date du 30 août 2007 de la commission départementale daide sociale de lAisne ;
Considérant quau vu des éléments tenant à lâge de Mme X... aux dates de souscription des contrats, au montant des primes versées lors de leur souscription - alors même que ses ressources étant inférieures au minimum vieillesse, elle bénéficiait de lallocation supplémentaire du Fonds de solidarité vieillesse ainsi que dune prise en charge de ses frais daide ménagère à domicile ; que par ailleurs, les contrats nont été souscrits quau profit de deux de ses enfants avec une prévalence de la requérante qui a par ailleurs hérité seule de lactif net successoral par suite de la renonciation de sa sur à lhéritage qui sest déjà, quant à elle, acquittée du remboursement de la somme lui incombant ; que le moyen soulevé par la requérante selon lequel elle nétait pas au courant de ces contrats dont elle nen a eu connaissance quaprès le décès de sa mère et que, celle-ci ayant peu de ressources et ne pouvant se payer une mutuelle, les sommes investies provenaient des biens quelle avait hérités le 5 mars 1998 dune fille, décédée le 4 septembre 1997, est dautant plus inopérant que Mme X... étant déjà bénéficiaire des services ménagers à domicile, le département aurait été fondé à exercer à son encontre le recours prévu à larticle L. 146 (a) applicable à la date des faits, contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune et procéder à une révision de ses droits ; que par ailleurs, la prestation spécifique dépendance à domicile calculée sur ses ressources qui a été attribuée à Mme X... sélevait à 813,77 euros ;
Considérant que, par la décision attaquée, la commission départementale daide sociale de lAisne, en date du 30 octobre 2007, a confirmé la décision de la commission dadmission à laide sociale de R..., en date du 10 octobre 2006, de récupérer à lencontre des donataires la somme de 31 233,88 euros avancée à Mme X... pour la période du 1er janvier 1995 au 3 août 2002 au titre successivement des services ménagers à domicile et de la prestation spécifique dépendance à domicile ;
Considérant que la donation a bien été effectuée dans la période définie par larticle 146 susmentionné, quaucun seuil de récupération nest opposable en ce qui concerne le recours à lencontre des donataires ; que la récupération décidée, répartie entre les donataires au prorata des primes versées, est bien égale à la créance départementale et ne dépasse pas le montant total de 37 389 euros de primes versé par Mme X... ; que dans ces conditions, la commission départementale daide sociale de lAisne a fait une exacte appréciation des circonstances de laffaire en décidant la requalification des contrats assurance-vie en donation et la récupération à lencontre des donataires de lintégralité de la créance départementale au titre des services ménagers à domicile et de la prestation spécifique dépendance ; que dès lors le recours susvisé ne saurait être accueilli,
Décide
Art. 1er. - Le recours susvisé est rejeté.
Art. 2. - Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 28 octobre 2009 où siégeaient M. SELTENSPERGER, président, M. BROSSAT, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 20 novembre 2009.
La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer