Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2330 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Récupération sur donation - Assurance-vie |
Dossier no 070459
Mlle X...
Séance du 6 novembre 2009
Décision lue en séance publique le 27 novembre 2009
Vu enregistré à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône le 9 octobre 2006, la requête présentée par Mme Y... demeurant dans le Val-de-Marne, tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision de la commission départementale daide sociale du Rhône du 20 juin 2006 réformant la décision de la commission dadmission à laide sociale du Rhône du 7 septembre 2004 décidant à son encontre dune récupération contre le donataire des prestations avancées par laide sociale à Mlle X... du 1er juin 2001 au 16 novembre 2003 au titre des contrats dassurance-vie souscrits par celle-ci à son bénéfice et décider quaucune récupération ne sera pratiquée par les moyens que la décision de la commission départementale daide sociale du Rhône est « irrecevable » comme ne précisant pas le fondement juridique qui le justifie ; quelle nest pas motivée, la commission nindiquant pas quel type de recours elle exerce et ne visant aucun texte ; quun contrat dassurance-vie nest ni une donation comme la dailleurs rappelé la commission départementale daide sociale ni une succession ce que ne conteste pas le premier juge ; que sa décision porte atteinte tant à la bonne foi de la défunte quà celle de Mme Y... compte tenu des dates de souscription du premier et du second contrat (9 ans et 2 ans) avant de bénéficier des prestations récupérées ; que Mlle X... ne pouvait prévoir quelle allait vivre suffisamment longtemps pour devoir recourir un jour aux prestations daide sociale et que dailleurs elle a payé elle-même la maison de retraite tant quelle la pu ; que la commission dadmission à laide sociale na jamais justifié le montant de la récupération ; que sa situation doit être prise en considération sétant toujours occupée de Mlle X... de façon intense et continue évitant ainsi le coût dune tutrice ; quil y aurait lieu, dès lors, de prendre en compte les dépenses assumées et quen outre elle ne dispose que dune petite retraite et a dû assister son conjoint handicapé ; quen toute hypothèse devraient être appliquées les dispositions des articles 757 b et 9901 du code général des impôts ;
Vu labsence de mémoire en défense du président du conseil général du Rhône ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Après avoir entendu à laudience publique du 6 novembre 2009, Mlle ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quen tant que la décision litigieuse confirme la non récupération des avances correspondant aux arrérages de prestation spécifique dépendance, nonobstant la décision de la commission dadmission à laide sociale et dans son article 2 réforme la décision attaquée en limitant la récupération à 16 908,63 euros, elle nest pas contestée quelle que puisse en être la régularité et ne présente à juger à ce titre aucune question dordre public ;
Considérant quau nombre des recours prévus par larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles figurent, notamment, le recours contre le donataire et le recours contre la succession ; quaprès avoir énoncé que « la libéralité résultant de la souscription par le bénéficiaire désigné dun contrat dassurance-vie (...) ne peut être qualifiée de donation », puis énoncé « surabondamment (...) que la requalification en donation (...) présenterait un caractère particulièrement inéquitable (...) par leffet de la privation du seuil de récupération de la prestation spécifique dépendance » alors que le département du Rhône avait de son propre chef décidé, dès le 28 septembre 2004, que les arrérages de prestation spécifique dépendance ne seraient pas récupérés nonobstant la décision de la commission dadmission à laide sociale du Rhône du 7 septembre 2004 et dailleurs devant la commission départementale « renonçait à la récupération de la somme de 7 300,43 euros » le premier juge a néanmoins maintenu la récupération à hauteur de 16 908,63 euros (frais dhébergement) au motif que « la souscription des contrats dassurance-vie a, en lespèce, pour effet déluder une partie des droits de récupération sur succession du département du Rhône puisquaucun seuil de récupération nest prévu dans les dépenses dhébergement en établissement pour personnes âgées » ; quil na pas pour autant légalement fondé la récupération sur le fondement du a) de larticle L. 132-8 relatif au recours contre la succession, lactif net de la succession étant en fait inexistant ; quen conséquence en récupérant néanmoins la somme de 16 908,63 euros la commission départementale daide sociale du Rhône a entaché sa décision dune contradiction des motifs et en toute hypothèse dun manque de base légale ; quil y a lieu, toutefois, pour la commission centrale daide sociale saisie par leffet dévolutif de lappel, dès lors que contrairement à ce que soutient Mme Y... en appel linsuffisance et le manque sus précisé ne concernent ni « la recevabilité » (?) ni la régularité de la décision du premier juge mais bien la légalité interne de cette décision, dexaminer les autres moyens soulevés par Mme Y... devant le premier juge et en appel ;
Considérant que lassistée a souscrit à 83 et 89 ans les deux contrats dassurance-vie décès litigieux ; que le premier était dun montant de 30 489,81 euros ; quau décès de Mlle X... à 94 ans il nexistait aucun actif successoral ; que dans ces conditions les stipulations pour autrui constituées par les souscriptions litigieuses peuvent être requalifiées en donation indirecte si elles procèdent dune intention libérale de Mlle X... à légard de Mme Y... ; que le caractère rémunératoire de la donation ainsi requalifiée - lequel établirait labsence de lintention libérale de la donatrice - nest pas établi, nonobstant laccompagnement non contesté de Mlle X... par Mme Y... et les frais que celle-ci a exposés ;
Considérant quaucune disposition ne fixe un plancher de récupération en matière de recours contre le donataire ;
Considérant que lantériorité des donations par rapport à la demande daide sociale demeure sans incidence sur la légalité de la récupération dès lors que le fait générateur de la créance est en lespèce avéré à la date de la demande daide sociale postérieure à celles des souscriptions des contrats constitutifs de donations indirectes ; quà la date de la demande daide sociale larticle L. 132-8 prévoyait que pouvaient être recherchées les donations consenties dans les dix ans ayant précédés la demande daide sociale ;
Considérant que la circonstance que les avis de sommes à payer délivrés postérieurement à la décision de la commission dadmission comportent par erreur matérielle un montant récupéré de 10 908,63 euros nest pas de nature à justifier de linexactitude du montant de 16 908,63 euros recherché par ladministration dans la présente instance ;
Considérant que la circonstance que Mme Y... ait engagé des frais en faveur de Mlle X... est en elle-même sans incidence, alors que le montant nen est dailleurs pas établi, sur la légalité de la récupération à raison du montant des primes versées lors de la souscription des deux contrats dassurance-vie décès litigieux ;
Considérant que dès lors que, comme il a été dit, les donations indirectes ont bien été constituées dans le délai dantériorité de dix ans prévu au b) de larticle L. 132-8, la bonne foi de Mlle X... qui ne pouvait selon Mme Y... envisager quelle vivrait suffisamment longtemps pour être ultérieurement bénéficiaire de prestations daide sociale demeure sans incidence sur la légalité et le bien-fondé de la récupération intervenue dans le délai dit ;
Considérant que les dispositions dont lapplication est revendiquée du code général des impôts relèvent dune législation indépendante de la législation de laide sociale et sont sans application dans la présente instance ;
Considérant que Mme Y... était le seul soutien de Mlle X... à légard de laquelle elle nétait pas tenue dune obligation alimentaire ; que si le caractère rémunératoire de la donation nest, comme il a été dit, pas établi et si les revenus du foyer de Mme Y... (environ 2 700 euros par mois pour deux personnes) ne sont pas de nature à justifier dune remise ou dune modération de la créance, nonobstant le handicap de lépoux de la requérante, il reste que Mme Y... a apporté pendant de nombreuses années une attention constante à Mlle X... sur les plans matériel et affectif, a assumé des frais non négligeables en sa faveur et a supporté des frais dobsèques après son décès ; que dans lexercice de ses pouvoirs de juridiction gracieuse il est loisible, compte tenu de lintensité de lengagement dont il sagit qui nest pas contestée, au juge de laide sociale de modérer la créance alors même que les revenus du foyer de la donataire ne le justifient pas quant à eux à soi seul ; quil sera fait une équitable appréciation des circonstances de lespèce au vu des pièces du dossier soumis à la commission centrale daide sociale en ramenant la créance récupérée sur le fondement du b) de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles à 10 000 euros et en donnant en conséquence décharge de la somme de 6 908,63 euros,
Décide
Art. 1er. - Les prestations avancées par laide sociale à Mlle X... sont récupérées à lencontre de Mme Y... à hauteur de 10 000 euros.
Art. 2. - La décision de la commission départementale daide sociale du Rhône du 20 juin 2006 et la décision de la commission dadmission à laide sociale du Rhône du 7 septembre 2004 sont réformées en ce quelle ont de contraire à larticle 1er.
Art. 3. - Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y... est rejeté.
Art. 4. - La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 6 novembre 2009 où siégeaient M. LEVY, président, M. JOURDIN, assesseur, et Mlle ERDMANN, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 27 novembre 2009.
La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer